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Suggestions pour dynamiser le développement de la production biologique

2. Déterminants de conversion à l’agriculture biologique en

2.2. Déterminants de conversion à l’agriculture biologique, en France, aujourd’hui :

2.2.3. Suggestions pour dynamiser le développement de la production biologique

Nous avons demandé aux personnes enquêtées leurs suggestions pour accentuer le développement de l’AB dans les régions peu dynamiques.

Une personne du groupe OPAB pense qu’il faut renforcer les moyens d’animation, ou changer de communication. Trente-trois pourcents des répondants [5/15] considèrent que la dynamisation d’une région passe par la communication et la valorisation de l’existant. Les exploitations biologiques peuvent faire office de vitrine à différents niveaux : technique, économique, etc. Vingt pourcents [3/15] pensent qu’il faut mettre en place des groupes d’échanges incluant des agriculteurs conventionnels et biologiques.

Il faut également communiquer au niveau de la filière, en permettant par l’intermédiaire d’échanges entre opérateurs économiques et agriculteurs, d’apporter une certaine lisibilité du marché [2/15 : 13%]. Le manque d’information provoque également, selon 50% des répondants [5/10], un manque de connaissance des filières en place. Selon certaines personnes [4/15 : 27%], il faudrait inciter la structuration de filières, en particulier pour certaines cultures secondaires [2/15 : 13%] très peu cultivées en conventionnel et donc difficiles à valoriser dans une filière biologique.

L’action ne doit pas se concentrer uniquement sur les agriculteurs d’après une personne du groupe IN. Ainsi, 2 personnes [2/15 : 13%] pensent qu’il faut maintenir le soutien politique voire le sensibiliser davantage à l’opportunité de développer l’AB le plus tôt possible. Pour mettre en place une dynamique territoriale, une personne du groupe IN considère que les institutions qui ont une vocation à travailler à des échelles territoriales (comme les Agences de l’eau) ont un rôle important.

A la question « Faut-il prospecter ? » que nous avons posée aux enquêtés, la réponse est plutôt négative (Q31). Une personne du groupe OPNS parle de « proxénétisme individuel qu’on ne sait pas encore faire ». Seulement 17% [4/18] y sont favorables, notamment par l’intermédiaire de technico-commerciaux, d’opérateurs d’une filière, ou d’animateurs de

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groupes techniques intégrés et reconnus par les agriculteurs conventionnels [1OPNS39].

Cinquante pourcents des répondants [9/18] considèrent qu’il faut attendre une démarche volontaire, la prospection pouvant provoquer l’inverse de l’effet escompté. Plusieurs personnes considèrent qu’il ne faut s’occuper que des personnes convaincues, et qu’il faut laisser le temps de la réflexion sans pousser, « harceler » ou forcer un agriculteur. Une personne du groupe IN pense au contraire que si l’on ne sollicite pas les agriculteurs au sujet de l’AB, on peut attendre longtemps avant qu’ils fassent une démarche de conversion.

La dynamisation semble passer par l’exemple crédible. Exploitants ou animateurs, il s’agit habituer tous les acteurs du secteur agricole à de nouvelles références, les sensibiliser à l’impact des pratiques agricoles, tout en leur proposant des solutions fiables. Même si le nombre de références disponibles, le nombre de producteurs biologiques, ainsi que l’accompagnement et la communication se sont développés (une vision surtout exprimée par le groupe OP) et ont contribué à diminuer l’appréhension de certains agriculteurs [4/16 : 25%], cela ne semble pas suffisant partout.

Cette enquête met donc en évidence une motivation principalement économique à la conversion à l’AB, ce qui est tout à fait logique dans le contexte actuel de crise dans les filières conventionnelles. Cette motivation s’est renforcée grâce aux soutiens publics effectifs depuis le Grenelle de l’environnement.

Cette enquête met également en évidence des freins en grande partie liés à l’exploitant (psycho-sociologiques, liés à des convictions ou des objectifs contradictoires). Le frein technique peut d’une certaine manière être imputé également à l’exploitant. En effet, d’après Faugère (2001), ces craintes sont pour la plupart « largement irrationnelles », dans le sens où elles sont « exagérées » voire « contestables dans leurs fondements ». L’importance des freins et des motivations est fonction de plusieurs facteurs, néanmoins il y a une forte probabilité que les plus importants soient présents chez la plupart des agriculteurs.

Cette enquête confirme de nombreux points mis en évidence dans la revue de littérature, notamment la validité des motivations et des freins mis en évidence. Au vue des différentes personnes enquêtées, la généralisation de l’importance des freins semble très périlleuse mais possible en croisant plusieurs critères. Il semble que le frein principal mis en évidence dans cette enquête, c’est-à-dire l’aspect psycho-sociologique, ne soit pas aussi important dans les autres pays. Cela pourrait s’expliquer en partie par une tradition productiviste très ancrée en France. Les motivations sont beaucoup plus difficiles à estimer car elles sont en grande partie fonction du parcours de l’exploitant, ainsi la conversion peut être un projet personnel ou familial.

Grâce à la revue de littérature complétée par notre enquête, nous avons un panorama assez complet des freins et des motivations de la part des agriculteurs conventionnels à la conversion à l’AB en France aujourd’hui.

39 Cette personne considère que le réseau historique de l’AB (GAB, FNAB) est le moins bien placé pour être écouté.

52 Selon 38% des répondants [5/13], la démarche de conversion se fait de plus en plus dans une logique d’innovation (Q34), et de moins en moins dans une logique conservatrice (cette opinion n’est néanmoins pas exprimée par le groupe OPAB). Cela se traduit, selon l’échantillon enquêté, par des motivations pragmatiques importantes telles qu’économique, liée à la santé, et une diminution de l’importance de la motivation idéologique.

Le déterminant économique semble donc être un levier de conversion intéressant. En effet, il induit une motivation importante, qui de plus, va tendre à se développer compte tenu :

- D’une approche de plus en plus pragmatique de l’AB ;

- Du contexte économique de l’agriculture conventionnelle aujourd’hui ;

- Du désir de l’Etat d’encourager la protection de l’environnement, qui induit une

réflexion sur l’utilisation de pratiques alternatives.

Dès lors que les premiers freins psycho-sociologiques sont levés, le pas de la conversion ne sera franchi que si l’agriculteur a suffisamment de garanties sur la viabilité de la conversion (Faugère, 2001). La question économique demeure une préoccupation de tous, c’est pourquoi ce déterminant pourrait être un levier important.

La motivation économique repose sur la conviction que la conversion d’une exploitation à l’AB améliorera son revenu. Or, la simulation économique d’une conversion ne se fait généralement que lorsque l’agriculteur est suffisamment convaincu par l’AB. Des références économiques relatives aux exploitations biologiques sont donc importantes à diffuser. D’après Caplat (2003), « le monde de la bio » manquait déjà en 2003 de « données […] économiques ». Pourtant, d’après une personne du groupe OPAB, il y a encore trop peu de références économiques produites aujourd’hui. C’est le cas en particulier dans les régions où l’AB se développe le moins. En effet, ce secteur demeure trop « petit » pour qu’il fasse l’objet de nombreuses études spécifiques. Or, pour combler ce manque, il serait souhaitable d’intervenir au niveau national. Cette motivation à la conversion à l’AB semble donc, à l’heure actuelle, inexploitée dans ces régions, alors que les marges de progression y sont les plus importantes. Enfin, si le frein économique est capital chez certain, des résultats convaincants les amèneraient peut être à considérer de manière plus pragmatique l’hypothèse d’une conversion. La perception des agriculteurs biologiques « marginaux » peut ainsi être facilement associée à l’absence d’objectifs de rentabilité économique chez ces derniers. Il convient, si l’on souhaite développer les conversions à l’AB, de pouvoir diffuser des références économiques sur les exploitations biologiques françaises (Ogini et al., 1999; Fargeas, 2009; Motte, 2009), afin de « démontrer la viabilité économique » de celles-ci (Caplat, 2003). Dans cette optique, une étude comparant la performance économique des exploitations biologiques et conventionnelles au niveau national peut avoir un impact très important sur les agriculteurs. Une telle étude a été réalisée par deux fois, en 2004 par Chitrit et en 2010 par Butault et al., mais leur analyse étant assez succincte, nous l’avons renouvelée.

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