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2. La tolérance à la dessiccation

2.3 Mécanismes impliqués dans la tolérance à la dessiccation

2.3.2 Les sucres non réducteurs

Plusieurs données biochimiques montrent que les organismes anhydrobiotes

accumulent de grandes quantités de sucres non réducteurs, des disaccharides, en

particulier du tréhalose (levures et animaux) et du saccharose, et des

oligosaccharides, raffinose, stachyose, verbascose (Koster and Leopold, 1988;

Leprince et al., 1990a; Hoekstra et al., 1994). L’accumulation de sucres non

réducteurs va permettre à la cellule de prévenir les dégradations engendrées pas le

séchage (Horbowicz et Obendorf, 1994). Les modes d’action de ces sucres en tant

qu’agents protecteurs ont été mis en évidence par des études in vitro sur des

liposomes (Crowe et al., 1997; Hoekstra et al., 1997; Popova et Hincha, 2005) et des

protéines (Carpenter et al., 1987; Allison et al., 1999). Deux théories qui ne sont pas

mutuellement exclusives quant à leur mode d’action ont été posées : l’hypothèse du

remplacement de l’eau et la formation de l’état vitreux.

2.3.2.1 L’hypothèse de remplacement de l’eau

Des études sur des liposomes montrent que le dessèchement induit une transition de

phase liquide-cristallin vers une phase gel rigide comme nous l’avons décrit

précédemment (Crowe et al., 1997). Il a été montré que l’interaction des sucres non

réducteurs avec les phospholipides lors du retrait de l’eau permet d’éviter une

transition de phase et évite ainsi la perte de l’intégrité des liposomes au cours de la

réhydratation (Crowe et al., 1989). Des expériences in vitro ont permis d’obtenir des

indices sur le mécanisme par lequel les sucres empêchent la transition de phase des

membranes déshydratées. Par spectroscopie FTIR (Crowe et al., 1987) ont montré

que le tréhalose et le saccharose s’intercalaient entre les têtes polaires de

phospholipides et interagissaient avec celles-ci par des liaisons hydrogène entre le

groupement phosphate du phospholipide et les groupements hydroxyls du sucre. Les

phospholipides gardent alors leurs espacements originels empêchant la transition de

phase délétère pour les phospholipides. Il a été suggéré que les groupements

hydroxyls des sucres remplaceraient ainsi les molécules d’eau, permettant de

maintenir la conformation fonctionnelle des membranes.

De la même façon, (Carpenter et al., 1987; Carpenter et al., 1990) ont montré

que le saccharose, le maltose et le tréhalose avaient des propriétés stabilisantes sur la

phosphofructokinase après dessiccation et/ou congélation. Comme pour les

phospholipides, les données de spectroscopie FTIR suggèrent qu’à l’état sec, les

sucres se substituent aux molécules d’eau à la surface des protéines (Carpenter and

Crowe, 1989; Prestrelski et al., 1993; Wolkers et al., 1998a). Ainsi au cours du

séchage, le dépliement et/ou l’agrégation des protéines serait empêché.

Cependant plusieurs observations ne corroborent pas cette hypothèse de

remplacement de l’eau par les sucres dans les tissus déshydratés. Le comportement

des phospholipides pendant le séchage des tissus intacts est différent de celui observé

pour les membranes isolées en présence ou en absence de sucres (Hoekstra et al.,

1997). De plus, le rapport massique sucre/Phospholipide mesuré chez divers

végétaux anhydrobiotes semble être trop faible pour assurer une fonction de

protection par intercalation entre les têtes polaires des phospholipides (Hoekstra et

al., 1997). Il apparaîtrait donc que soit il existe d’autres composés protecteurs soit le

mode d’action des sucres est plus complexe que l’hypothèse de remplacement de

l’eau.

2.3.2.2 Formation de l’état vitreux

L’état vitreux se définit comme un état métastable amorphe qui ressemble à un solide

mais qui a les propriétés physiques et le désordre d’un liquide (Franks et al., 1991).

La viscosité au sein de l’état vitreux est telle (10

-12

Pa) que le système est solidifié et

entraîne donc la formation d’une matrice qui va immobiliser les solutés

cytoplasmiques, les organites et les éléments du cytosquelette (Bruni et Leopold,

1991). Cet état vitreux a pu être détecté dans les graines sèches. Par ailleurs, nous

savons que les sucres non réducteurs sont des molécules capables de former un état

vitreux. Il a donc été supposé que l’accumulation de saccharose et/ou

oligosaccharides dans les graines serait responsable de la formation de l’état vitreux

du milieu intracellulaire qui va alors acquérir des propriétés physiques particulières,

permettant à la cellule de tolérer l’absence d’eau et de pouvoir être réhydratée sans

dommages. Non seulement, l’état vitreux confèrerait une grande stabilité aux

structures cellulaires mais il provoquerait également l’arrêt du métabolisme

coordonné tel que la respiration. De la même façon, les réactions délétères sont très

fortement ralenties voir inhibées (Slade et Levine, 1991). Bien qu’il ait été montré

que l’état vitreux n’était pas un mécanisme qui confère à lui seul la tolérance à la

dessiccation durant le séchage, il apparaît nécessaire pour la survie à l’état sec. En

effet, le présence d’état vitreux a été associé à une meilleure aptitude au stockage

(Sun et Leopold, 1993; Buitink et al., 2000a). Chez les pollens de Typha Latifolia et

des graines de plusieurs espèces (pois, laitue, impatiens, poivron), (Buitink et al.,

2000b) ont trouvé une relation entre la longévité et la mobilité moléculaire au sein du

cytoplasme vitrifié.

Malgré le rôle essentiel que semble avoir les sucres non réducteurs dans la mise

en place de la tolérance à la dessiccation, ils ne sont toutefois pas les seuls éléments

intervenant dans celle-ci. En effet il a pu être montré une accumulation importante de

ces sucres dans les graines récalcitrante de chêne sans que celles-ci soient tolérante à

la dessiccation (Finch-Savage et Clay, 1994; Sun et al., 1994). Et à l’inverse, il existe

certains rotifères tolérants à la dessiccation pour lesquels la présence de sucres non

réducteurs n’est pas détectée (Lapinski et Tunnacliffe, 2003).

En plus des sucres et des systèmes antioxydants, deux grands familles de

protéines de stress vont avoir une place importante dans l’aptitude à tolérer à la

dessiccation : les protéines HSP (Heat Shock Protein) et les protéines LEA (Late

Embryogenesis Abundant). Les premières sont décrites ci-dessous tandis que la

description des protéines LEA formera un chapitre à part entière étant donné le

contexte de cette thèse.

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