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Succession artificielle des Technosols construits

III. Assemblage des communautés et fonctionnement de l’écosystème construit

III.1. Succession artificielle des Technosols construits

La succession est l’ensemble des changements de la diversité et de la composition des communautés qui ont lieu au cours du temps dans un milieu donné (Cowles, 1899; Chapin et al., 1994; Haynes, 2014). Les changements de composition de la communauté sont la

conséquence d’une évolution du milieu (Odum, 1969). Dans la littérature sont décrits deux types de successions. Dans la succession primaire, la formation du sol se fait au fur et à mesure de la colonisation des organismes vivants (Haynes, 2014). Ce qui rend la colonisation, la stabilisation de la communauté et de la productivité de l’écosystème relativement lente. Dans la première phase de la succession, les processus pédogénétiques principaux ayant lieu sont l’altération de la roche mère et l’accumulation de matière organique résultant de la colonisation par les plantes. L’accumulation de nutriments tels que l’azote et le phosphore (Crews et al., 1995; Wardle, 2004b) qui en découle est à l’origine de la phase progressive de la succession pendant laquelle la diversité et la production de l’écosystème augmentent au cours du temps. Cette phase peut être plus rapide pour la faune (20-50 ans) que pour la flore (centaine – milliers

d’années) (Haynes, 2014) ; toutefois la faune ne s’installe en général qu’une fois la flore installée. Avec l’accumulation de la matière organique et le développement racinaire, on assiste à une différenciation des horizons du sol et à l’augmentation de son épaisseur (Emmer, 1995). Durant cette phase de colonisation, les espèces dites pionnières sont caractérisée par une grande capacité de dispersion (Tilman, 1994; Moretti, Obrist, & Duelli, 2004). L’énergie allouée dans la dispersion (production importante de graines, structures de dispersion par le vent pour les plantes) ou la mobilité (organes locomoteurs pour les animaux) rend ces organismes moins compétitifs pour l’acquisition des ressources (nutriments, lumière, eau) que les autres espèces. Au cours de la succession et l’augmentation de la compétition pour les ressources, ces espèces pionnières peuvent être remplacées (Tilman, 1994). Des espèces dites compétitives pour l’acquisition des ressources remplacent peu à peu les espèces colonisatrices. Pour la végétation, la compétition pour les ressources peut concerner l’acquisition des nutriments du sol, avec une allocation de l’énergie dans le développement d’un système racinaire dense ou la mise en place de symbioses avec des bactéries fixatrices d’azote ou de mycorhizes (Reynolds et al., 2003). Avec la fermeture du couvert végétal, la compétition peut concerner l’accès à la lumière, avec un développement plus important des parties aériennes pour l’optimisation de la photosynthèse (Tilman, 1994). Ceci explique notamment l’augmentation de la production primaire dans cette première phase de succession. Pour la faune, il s’agit aussi et surtout dans les premières années de colonisation en fonction de la disponibilité des ressources avec la fermeture du couvert végétal (Kaufmann, 2001; Haynes, 2014; Auclerc et al., 2019). Après l’apparition successive des espèces colonisatrices comme les araignées, les coléoptères et les opilions, sont observées une installation et une diversification des herbivores et détritivores (Kaufmann, 2001). Ces successions primaires peuvent notamment être étudiées sur des chronoséquences, par exemple sur des moraines après retrait des glaciers, des coulées de lave et des dunes de sable (Cowles, 1899; Crews et al., 1995; Doblas-Miranda et al., 2008).

La succession secondaire décrit généralement une dynamique plus rapide, ponctuée par une perturbation comme une déprise agricole (Maharning, Mills, & Adl, 2009) ou un feu de forêt (Shafi & Yarranton, 1973). La première phase de colonisation est rapide, allant d’une dizaine à des centaine d’années (Shafi & Yarranton, 1973). De plus, le sol conserve son histoire pédogénétique et peut contenir une banque de graines issue des communautés végétales précédentes.

Dans les Technosols construits, la qualité et la quantité de matière organique peut potentiellement influencer le type de succession. Sans apport de matière organique dans les mélanges initiaux, la succession « artificielle » peut s'apparenter à une succession primaire où l’assemblage des communautés est influencé par l’incorporation de la matière organique et la disponibilité des nutriments uniquement issu du développement végétal. L’assemblage des espèces végétales peut être tout d’abord influencé par la compétition des ressources du sol. S’il y a un apport initial de matière organique dans les mélanges, la succession peut s’apparenter à une succession secondaire, qui s’explique par la présence d’une quantité importante de ressources potentielles. La colonisation et la succession des espèces de macrofaune ont été observées dans les Technosols construits et témoignent de la même dynamique de colonisation que dans les successions naturelles (Burrow, 2018; Hedde et al., 2018). Un changement de traits de la communauté a été observé pendant le suivi d’une succession de quatre ans, tel que l’augmentation de la taille des espèces d’araignées, qui témoigne d’un remplacement d’espèces colonisatrices par des espèces plus compétitrices (Hedde et al., 2018). On pourrait donc s'attendre à une progression plus rapide de la succession de la macrofaune dans les Technosols avec un apport initial de matière organique, que dans les mélanges sans, qui serait à la fois corrélé à la disponibilité des ressources du sol et la composition floristique (Hedde et al., 2018; Auclerc et al., 2019). Si l’évolution des mélanges composant les Technosols peut être rapide (Séré et al., 2010) et influencer les successions végétales et de macrofaune, ces communautés

ont réciproquement un impact sur les processus pédogénétiques (Deeb et al., 2017) et donc sur l’évolution des mélanges. Cet effet « organisme ingénieur » (Jones et al., 1994) ou « construction de niche » (Odling-Smee, Laland, & Feldman, 1996) est une dimension à prendre en compte dans la mise en place de Technosols construits (Fig. 2).

Ces considérations nous permettent d’identifier de nouvelles questions de recherche :

Question 3 : Quel est l’impact des mélanges initiaux sur le stade de succession artificielle des

communautés végétales ?

• Hypothèse 3.1 : L’ajout de matière organique augmente la vitesse de succession. • Hypothèse 3.2 : L’ajout de matière organique détermine les profils de traits

fonctionnels, du fait d’une compétition différente pour les ressources nutritives et la lumière

Question 4 : Quel est l’impact des mélanges initiaux sur le stade de succession artificielle de

la macrofaune du sol ?

• Hypothèse 4 : la succession est plus rapide avec un ajout de matière organique dans les mélanges initiaux.

Figure 2 : Intégration de la dimension temporelle dans la création d'écosystème à partir des Technosols construits

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