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Dans cette partie nous allons présenter des maillons intermédiaires entre les PLC et le canal CFTR. Il s’agit de protéines et de phospholipides qui modulent la fonction du canal CFTR, de même que son expression ou sa stabilisation à la membrane, via des mécanismes de phosphorylations ou d’interactions protéiques.

La protéine kinase C

La protéine kinase C (PKC) contrôle la phosphorylation de différents effecteurs cellulaires. En réalité sous le terme de protéine kinase C se regroupe toute une famille de protéine kinase membranaire, qui comprennent 12 isoformes chez les mammifères (Mellor and Parker, 1998). En premier a eu lieu la découverte des PKCα, PKCβ et PKCγ. Trois autres PKC ont par la suite été caractérisées : les PKCδ, PKCε et PKCζ (Ono et al., 1987). Trois ans plus tard, trois nouvelles isoformes ont été identifiées : les PKCη, PKCθ et PKCι (Osada et al., 1990, 1992; Selbie et al., 1993). Enfin les PKN1, PKN2 et PKN3 (en anglais

Figure 16 : Schéma représentant les acteurs cellulaires en lien avec les phospholipases C

PLC : phospholipases C, PIP2 : phosphatidylionositol-4,5-biphosphate, DAG : diacylglycérol, IP3 :

phosphatidylinositol-3,4,5-triphosphate, PKC : protéine kinase C, Epac : exchange protein directly activated by cAMP.

« PKC-related kinases ») ont été identifiées (Mukai and Ono, 1994; Palmer et al., 1995). Sur la base de leur propriétés enzymatiques, ces différentes isoformes ont été regroupées en 4 sous-famille : les cPKC (pour classical isoforms en anglais) regroupent les PKCα, PKCβ et PKCγ ; les nPKC (pour novel isoforms en anglais) regroupent les PKCδ, PKCε, PKCηet PKCθ ; les aPKC (pour atypical isoforms en anglais) ; et enfin les PKN (pour PKC-related kinases en anglais) regroupent les PKN1, PKN1 et PKN3 (Rosse et al., 2010) (Figure 17).

De la même façon que les PLC, les PKC sont auto-inhibées à l’état basal via leur domaine régulateur (Pears et al., 1990). Ainsi les PKC conventionnelles sont activées par la fixation du Ca2+ et de

phospholipides au niveau de leur domaine C2, puis par la fixation du DAG au niveau de leurs domaines C1 (Figure 18) (Rosse et al., 2010). Les nouvelles PKC sont également activées par le DAG ou les phospholipides par fixation sur les domaines C1 mais ne sont pas sensibles au Ca2+ (Mellor and Parker,

1998). Les PKC atypiques sont quant à elle activées par interactions avec le complexe PAR6-CDC42 (Suzuki et al., 2001). Enfin les PKN sont stimulées par la famille des Rho-GTPases (Lim et al., 2006; Shibata et al., 1996). Par ailleurs les PKC peuvent également être activées via des liaisons avec des

Figure 17 : Structure des différentes isoformes de PKC

Les PKC conventionnelles, les nouvelles PKC, les PKC atypiques et les PKN possèdent un domaine kinase commun au niveau C-terminal qui constitue le site de phosphorylation des PKC. Le domaine C1 situé sur les cPKC et nPKC correspond au site de liaison au DAG et le domaine C2 correspond au site de liaison des phospholipides et du

Ca2+. Les PKC atypiques sont activées par la liaison du complexe PAR-CDC42 au niveau du domaine Phox/Bem 1

et les PKN sont activées par les petites GTPases via le domaine homology region 1 (Lučić et al., 2016; Rosse et al.,

partenaires cellulaires spécifiques. Ainsi, parmi les familles de PKC qui peuvent être activées par les produits de l’hydrolyse du PIP2 par les PLC, à savoir le DAG et le Ca2+, nous retrouvons les PKC

conventionnelles ainsi que les nouvelles PKC.

La PKC active le canal CFTR

Parmi les protéines kinases qui régulent le canal CFTR, la PKA conserve le rôle prépondérant, mais la PKC joue néanmoins un rôle dans l’activation du canal via des phosphorylations au niveau du domaine R et du NBD1 (Chappe et al., 2003; Picciotto et al., 1992). En effet, à elle seule, la PKC entraine une faible activation du canal CFTR (Berger et al., 1993; Tabcharani et al., 1991). En revanche elle potentialise l’activation du canal lorsqu’elle est associée avec la PKA (Chappe et al., 2003, 2004; Jia et al., 1997; Seavilleklein et al., 2008). Il a également été montré que la PKC intervient dans l’expression membranaire du canal CFTR induite par le VIP (Vasoactive intestinal peptide en anglais) (Chappe et al., 2008).

Comme il existe plusieurs isoformes de PKC, nous avons regardé plus précisément lesquelles sont impliquées dans l’activation du canal CFTR. Liedtke et al. ont identifié, dans les cellules épithéliales pulmonaires Calu-3, la présence des PKCα, PKCβ2, PKCδ, PKCε et PKCζ (Liedtke and Cole, 1998). De plus,

Figure 18 : Activation de la PKC par le DAG : exemple avec les PKC conventionnelles

1 : les domaines régulateurs C1 et C2 sont rassemblés autour du domaine kinase pour former une

structure compacte non activée. Le Ca2+ engage la fixation de la PKC à la membrane en permettant la

liaison des phosphatidylsérines au niveau du domaine C2. 2 : la PKC se fixe ensuite au PIP2

membranaire, également via son domaine C2. 3 : la PKC se fixe subséquemment, par des interactions électrostatiques, aux phosphatidylsérines membranaires via son domaine C1. 4 : l’activation de la PKC

la génération d’oligonucléotides anti-sens dirigés contre les isoformes δ, ε et ζ a révélé une implication de la PKCε mais pas des deux autres isoformes dans l’activation du canal CFTR-WT par l’épinéphrine (Liedtke and Cole, 1998; Liedtke et al., 2001). L’équipe a également montré que l’oligonucléotide anti-sens dirigé contre la PKCε, s’il diminue l’activation de CFTR, n’altère pas l’activité de la PKA. Ceci suggère que la PKCε exerce un rôle dans l’activation de CFTR qui n’est pas lié à l’activité de la PKA. Ce qui est intéressant à noter c’est que la PKCε est également présente dans la lignée épithéliale CF/T43 homozygote pour la mutation CFTR-F508del (Liedtke and Cole, 2000). Cette PKC pourrait donc également jouer un rôle dans l’activité de la protéine CFTR-F508del corrigée à la membrane.

Les PKC peuvent aussi jouer un rôle dans la sécrétion chlorure dépendante du canal CFTR en favorisant son expression. Par exemple il a été mis en évidence chez la souris que les PKCβ1 jouent un rôle dans l’expression de CFTR et la sécrétion chlorure dépendante de CFTR (Umar et al., 2000a, 2000b). De même, la PKCε permet l’expression apicale de la protéine CFTR-WT et CFTR-F508del par le VIP (Alcolado et al., 2011; Alshafie et al., 2014).

Il semblerait que parmi toutes les isoformes de PKC ce soit majoritairement la PKCε qui est impliquée dans l’activation du canal CFTR.

La protéine Epac (exchange protein directly activated by cAMP)

La protéine Epac est un facteur d’échange de nucléotide guanylique activé par l’AMPc (Kawasaki et al., 1998; de Rooij et al., 1998, 2000). Il s’agit d’une protéine d’intérêt dans notre étude car elle active la PLCε (Figure 19 A) (vom Dorp et al., 2004; Evellin et al., 2002; Schmidt et al., 2001) et elle est impliquée dans la sécrétion chlorure dans les cellules qui expriment la protéine CFTR (Domingue et al., 2016; Ivonnet et al., 2015; Lérias et al., 2018).

Epac1 et Epac2 sont deux isoformes de la protéine exprimées de manière ubiquitaire dans l’organisme et que l’on retrouve au niveau des poumons (Schmidt et al., 2013). Après activation par l’AMPc, les protéines Epac activent les petites protéines GTPases telles que Rho, Rap, Rac et Ras qui activent à leur tour des effecteurs cellulaires comme la PLCε, mais aussi la voie des MAP kinases (en anglais « mitogen-activated protein kinase ») ou la voie mTOR (en anglais « mechanistic target of rapamycin ») (Misra and Pizzo, 2012; Ster et al., 2007). De ce fait, les protéines Epac contrôlent des phénomènes variés en passant par la régulation de l’homéostasie calcique via, entre autre, l’activation des PLCε (Figure 19 B) (Evellin et al., 2002; Schmidt et al., 2001) jusqu’à la différenciation cellulaire (Bryn et al., 2006; Shi et al., 2006), la formation des jonctions cellulaires (Cullere et al., 2005; Somekawa et al., 2005) ou encore la régulation de canaux ioniques tels que les canaux potassiques sensibles à l’ATP, les canaux CaV3.1 et le canal ENaC (Helms et al., 2006; Kang et al., 2006; Novara et al., 2004). Nous avons

également recensé dans la littérature des exemples de régulation de canaux chlorure par la protéine Epac qui feront l’objet du prochain paragraphe.

Domingue et ses collègues ont montré que l’activation du courant CFTR-dépendant, par la forskoline ou les acides bilaires désoxycholique et chénodésoxycholique dans les cellules coloniques T84, est respectivement diminuée de 70 % et de 85 % lorsque la protéine Epac est inhibée par son inhibiteur

Figure 19 : La protéine Epac contrôle l’homéostasie calcique cellulaire

A : la protéine Epac intervient dans l’activation de la PLCε. La protéine Epac est activée par l’AMPc, elle échange

une molécule de GDP par une molécule de GTP sur la protéine Rap-GTPase. La protéine Rap ainsi activée entraine l’activation de la PLCε. B : la protéine Epac contrôle l’homéostasie calcique cellulaire sous la dépendance de

l’APMc. Ainsi, elle facilite la sortie de Ca2+du réticulum sarcoplasmique et favorise l’hydrolyse du PIP

2 via

spécifique ESI-09 (Ao et al., 2013; Domingue et al., 2016). De façon similaire, Ivonnet et ses collègues ont observé que l’activation du courant CFTR-dépendant, soit par le peroxyde d’hydrogène, soit par une augmentation de calcium intracellulaire dans les cellules épithéliales bronchiques humaines, est également réduite d’environ 80 % lorsque la protéine Epac est inhibée (Ivonnet et al., 2015). Enfin, Lérias et ses collègues ont également montré que dans les cellules épithéliales bronchiques CFBE qui sur-expriment la protéine CFTR-WT ou la protéine CFTR-F508del, la protéine Epac intervient dans le courant chlorure activé par la forkoline mais également par l’ATP et la ionomycine (Lérias et al., 2018). De plus, l’existence d’un lien étroit entre CFTR et la protéine Epac a été mis en évidence. En effet, il a été montré que la protéine Epac 1 colocalise avec la protéine CFTR-WT et avec la protéine CFTR-F508del dans les cellules épithéliales bronchiques CFBE (Lobo et al., 2016). Par ailleurs, cette équipe a montré que l’activation de la protéine Epac 1 par son activateur, le 007-AM, stabilise le canal CFTR à la membrane, via une augmentation de l’interaction entre CFTR et NHERF1. L’ensemble de ces études révèle ainsi le rôle de la protéine EPAC, et donc potentiellement celui de son effecteur, la PLCε, dans la sécrétion chlorure dépendante de CFTR.

Le PIP

2

Nous avons vu dans cette introduction que les produits de l’hydrolyse du PIP2 par les phospholipases C,

à savoir le Ca2+intracellulaire, le DAG et laPKC, agissent tous en faveur d’une activation du canal CFTR.

Nous allons maintenant aborder le rôle du PIP2, constituant fondamental parmi les lipides

membranaires et substrat des phospholipases C, dans la régulation du canal CFTR.

Le PIP2 intervient dans la régulation de canaux ioniques. Ainsi il a d’abord été observé que les canaux

potassiques ATP-dépendants (K-ATP), tout comme l’échangeur sodium-calcium exprimé au niveau cardiaque, sont régulés positivement par le PIP2 et au contraire négativement par les phospholipases

Cβ (Hilgemann and Ball, 1996). Ensuite, Hilgemann et ses collègues ont montré que les canaux potassiques rectifiant entrants, tels que GIRK1/4, GIRK2, IRK1 et ROMK, sont aussi activés par le PIP2

via une interaction directe (Huang et al., 1998). Enfin, le PIP2 régule le canal ENaC en augmentant,

d’une part, la probabilité d’ouverture du canal et, d’autre part, le nombre de canaux activés (Yue et al., 2002).

A l’instar de ces canaux, il a été montré par des expériences de patch-clamp que le phosphatidylionositol et certains phosphoinositides (dérivés phosphorylés du phosphatidylinositol), participent à la régulation du canal CFTR. Ainsi le phosphatidylinositol (PI), le phosphatidylinositol-4-phosphate (PI4P) et le PIP2 activent tous les trois le canal CFTR non phosphorylé

deux autres phosphoinositides (Himmel and Nagel, 2004). Si l’on compare l’activation du canal CFTR par 10 µM de PIP2 (150 pico ampères) à l’activation par 100 U/mL de PKA (800 pico ampère), nous

constatons que l’activation de CFTR par le PIP2 n’est cependant pas comparable à celle de la PKA, car

environ cinq fois plus faible. Le mécanisme d’activation du canal CFTR par le PIP2n’a pas été clairement

établi mais il semblerait qu’il n’y ait pas de phosphorylations par des protéines kinases. En effet, en absence d’ions divalents, le PIP2 est encore capable d’activer le canal CFTR. Sachant que les ions

divalents sont nécessaires à l’activité des protéines kinases, Himmel et ses collègues supposent que l’activation du canal CFTR par le PIP2 ne passe pas par un mécanisme de phosphorylation, et suggèrent

plutôt une interaction directe entre le canal CFTR non phosphorylé et le PIP2. Toutefois, si le canal CFTR

non phosphorylé est activé par le PIP2, il est en revanche inhibé par ce phospholipide membranaire

lorsqu’il est précédemment phosphorylé par la PKA (Himmel and Nagel, 2004).

Récemment une équipe a mis en évidence que le PIP2 est un acteur essentiel dans la correction de la

protéine CFTR-F508del à la membrane plasmique (Abbattiscianni et al., 2016). Ainsi, il a été montré que le PIP2, via sa fixation avec le cytosquelette, stabilise la protéine F508del-CFTR à la membrane

(Abbattiscianni et al., 2016). En effet, l’activation de l’ezrine, une protéine de liaison au cytosquelette, et son recrutement à la membrane plasmique requièrent i) la phosphorylation d’un résidu sérine au niveau de son site de fixation à l’actine (Bretscher et al., 2002) ainsi que ii) son interaction avec le PIP2

au niveau de son extrémitéN-terminale (Barret et al., 2000; Yonemura et al., 2002). Par ailleurs, la diminution du PIP2, induite par l’activation des phospholipases C, diminue la localisation membranaire

de l’ezrine (Hao et al., 2009). Or il existe des différences de localisation de la protéine ezrine lorsque le canal CFTR est muté ou non. Ainsi dans les cellules 16HBE14o- qui expriment la protéine CFTR-WT, la protéine ezrine est localisée au niveau apical des cellules tandis que dans les cellules CFBE41o- qui expriment la protéine CFTR-F508del, elle possède une expression cytosolique (Favia et al., 2010). De plus, il a été montré que la phosphorylation de l’ezrine et sa liaison au PIP2 sont nécessaire pour obtenir

une expression membranaire de la protéine CFTR-F508del, la stabiliser à la membrane, et favoriser son activité suite à une stimulation par la PKA (Abbattiscianni et al., 2016). Les auteurs suggèrent que ces deux mécanismes, à savoir la liaison du PIP2 à l’ezrine et la phosphorylation de cette dernière,

augmentent la liaison du canal CFTR au cytosquelette.

Ainsi le PIP2intervient dans la stabilisation à la membrane plasmique et l’activation du canal CFTR. Il

s’agit d’un acteur intéressant à étudier dans le but de potentialiser l’activité de la protéine CFTR. Même si le niveau de PIP2, dans les cellules de lignées qui expriment la protéine CFTR mutée ou dans des

cellules issues de patients atteints de mucoviscidose, n’est pas différent de celui observé dans des cellules contrôles de lignées qui expriment la protéine CFTR normale ou des cellules issues de sujets

sains (Cohn et al., 1988; Vachel et al., 2015), l’augmentation de la biosynthèse de ce lipide pourrait entraîner des conséquences bénéfiques sur la protéine CFTR-F508del (Figure 20).