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1.4. Evolution de la zone subduction, réponse mantellique et crustale

1.4.2. Subduction et déformation crustale

Le régime tectonique dans la plaque supérieure (qu’il soit compressif, transpressif, transtensif, extensif, voire neutre, figure 1.10) et donc la balance des forces contrôlant la dynamique de subduction se répercute par l’expression d’une déformation et donc d’une structuration spécifique dans cette croûte.

Les marges continentales compressives : le cas de la Cordillère des Andes. Une déformation

compressive intense le long d’une marge continentale comme les Andes peut être caractérisée par le soulèvement d’un plateau qui peut atteindre plus de 4 000 mètres d’altitude (ex. l’Altiplano-Puna), associé à une croûte pouvant atteindre 70-80 km d’épaisseur [James, 1971; McGlashan et al., 2008;

Vanderhaeghe, 2012]. La compression qui opère depuis le Cénozoïque, notamment dans la partie

supérieure [Oncken et al., 2006 et références associées]. Une phase extensive à transtensive est également décrite au cours du Paléogène-Néogène inférieur mais reste relativement marginale par rapport à la compression [Elger et al., 2005].

Une des expressions les plus spectaculaires de ces contraintes exercées dans la lithosphère supérieure sont les séismes qui peuvent atteindre, le long de ces zones de subduction, des magnitudes supérieures à neuf sur l’échelle de Richter. Les observations sur ces phénomènes, limitées dans le temps (i.e. quelques siècles tout au plus), laissent à penser que ces séismes de forte magnitude se déclenchent préférentiellement le long des marges présentant un régime tectonique compressif associé à une lithosphère océanique plongeante plutôt jeune (figure 1.13) [Uyeda & Kanamori, 1979;

McCaffrey, 2008].

Figure 1.13 : carte des principales zones de subduction (lignes grisées épaisses) à travers le monde sur laquelle sont représentés tous les séismes connus de magnitude supérieure à 7,5 de 1700 à 1900 (cercles vides) et après 1900 (cercles pleins) [McCaffrey, 2008].

Une autre caractéristique de ces marges actives compressives est le volcanisme en surface qui représente l’expression ultime des systèmes magmatiques se développant dans ces domaines dits d’arc

(cf. Section 1.3). Ces magmas appartiennent majoritairement à la série calco-alcaline et présentent un enrichissement en silice qui leur donne une composition intermédiaire andésitique à dacitique [Gill, 1981; Tatsumi et al., 1983]. Ces arcs magmatiques peuvent avoir une durée de vie relativement longue et intermittente en contexte compressif, tout comme dans la partie centrale des Andes où l’activité volcanique semble anti-corrélée au développement de la compression à l’Oligocène, exprimé dans la

figure 1.14 par le taux de raccourcissement [Oncken et al., 2006 et références associées]. En revanche, l’intense activité volcanique au Miocène pourrait s’expliquer par une possible délamination lithosphérique qui aurait suivi l’épaississement crustal [Sobolev et al., 2006]. Il est également intéressant de noter que cet arc volcanique a migré vers l’est, perpendiculairement à la fosse, sur une distance inférieure à 100 km depuis l’Eocène, en accord avec la migration de la fosse [Trumbull et al., 2006].

Figure 1.14 : graphique montrant la distribution temporelle du volcanisme entre 19 et 22° de latitude sud ainsi que le taux de raccourcissement moyen estimé pour cette région. Modifiée d’après Oncken et al. [2006].

Les marges continentales extensives : le cas de la région Méditerranéenne. Le développement

d’une marge continentale extensive est très souvent lié à la vitesse de retrait de la fosse qui surpasse celle de la plaque chevauchante (figure 1.11b) [Chase, 1978; Dewey, 1980; Heuret & Lallemand, 2005]. D’autres facteurs, tels que l’effondrement gravitaire, peuvent également induire de l’extension au niveau de ces marges actives, qu’elles soient associées à un processus de subduction ou de collision [ex. Burchfiel & Royden, 1985; Dewey, 1988; Vanderhaeghe, 2012]. Celui-ci affecte la croûte précédemment épaissie et se développe lorsque les forces propres à cet orogène, telles que l’énergie

potentielle gravitaire, surpassent les forces tectoniques qui maintiennent cette croûte épaisse en équilibre isostatique(*) [Dewey, 1988]. Il en résulte un effondrement gravitaire de la chaîne qui peut conduire à l’ouverture de bassins intra-montagneux voir océaniques si le manteau lithosphérique sous-jacent est également affecté [Vanderhaeghe, 2012]. L’état thermique de la croûte épaissie, et notamment la présence de roches partiellement fondues dans la croûte inférieure qui peut alors fluer, ainsi que la compétition entre la surrection de la chaîne et son érosion, peuvent également influer sur cet effondrement [Vanderhaeghe & Teyssier, 2001; Vanderhaeghe, 2012].

Dans la région Méditerranéenne, le moteur principal de la déformation extensive qui affecte la marge Eurasienne est l’accélération du retrait de plusieurs segments de lithosphères plongeantes appartenant à l’océan Néo-Téthys qui migrent rapidement vers le sud à partir de 35-30 Ma [Jolivet &

Faccenna, 2000] (cf. Section 1.5). Cette extension s’est traduite par l’ouverture de plusieurs bassins

d’arrière-arc continentaux où l’épaisseur crustale est comprise entre 20 et 30 km (ex. Mer d’Alboran, Mer Egée, figure 1.15) [Le Pichon & Angelier, 1979; Lonergan & White, 1997; Faccenna et al., 2004;

Tirel et al., 2004; Jolivet & Brun, 2010]. Cet étirement intense de la croûte a également pu provoquer

sa rupture et la formation de plusieurs bassins océaniques, tels que le Bassin Liguro-Provençal ou la Mer Tyrrhénienne [Malinverno & Ryan, 1986; Faccenna et al., 1997; Chamot-Rooke et al., 1999].

Dans ces domaines d’arrière-arc, l’extension est principalement accommodée par de grandes zones de cisaillements ductiles-cassantes à faible pendage : les détachements. Ces structures d’échelle crustale permettent l’exhumation de roches de la croûte moyenne-inférieure, sous la forme de dômes métamorphiques appelés metamorphic core complexes (MCCs) (figure 1.16). Découvertes dans la province du Basin & Range aux Etats-Unis [Wernicke, 1981; Allmendinger et al., 1983], ces structures ont ensuite été décrites pour la première fois en mer Egée par Lister et al. [1984]. Par la suite, de nombreuses études ont rapporté des structures similaires dans les différents bassins extensifs méditerranéens, permettant ainsi de préciser la cinématique et le timing de l’épisode extensif dans cette région [ex. Jolivet et al., 2008 et références associées].

Figure 1.16 : bloc 3D d’une croute continentale étirée en domaine d’arrière-arc où l’extension est accommodée par plusieurs détachements permettant l’exhumation de la croûte moyenne-inférieure sous la forme de dômes métamorphiques. Modifiée d’après Jolivet et al. [2009].

La sismicité au niveau de ces marges extensives est globalement caractérisée par des mécanismes au foyer extensifs au niveau des bassins d’arrière-arc et compressifs à proximité de l’interface de subduction [ex. Faccenna et al., 2014 et références associées]. Ces séismes compressifs montrent par ailleurs des magnitudes plus faibles que ceux qui se produisent le long des marges compressives (figure 1.13) [Uyeda & Kanamori, 1979]. Cependant, en 2004, un séisme de magnitude 9,2 s’est

subduction d’une lithosphère océanique ancienne sous une marge active en extension (figure 1.10). Cet évènement laisse à penser que la relation entre sismicité, régime tectonique et dynamique de subduction implique d’autres paramètres, comme la thermicité au niveau de ces marges, qui peuvent également être des facteurs déterminants dans la génération de ces séismes de forte magnitude [McCaffrey, 2008].

Le magmatisme qui s’exprime le long des marges actives extensives peut être réparti en deux groupes : (1) un magmatisme calco-alcalin de type arc, similaire à celui qui se développe le long de marges compressives comme les Andes et qui trouve son origine dans la fusion partielle du coin mantellique hydraté et (2) un magmatisme calco-alcalin riche en potassium à moyennement alcalin riche en potassium (i.e. shoshonitique), lié au réchauffement de la lithosphère qui caractérise les domaines d’arrière-arc [Johnson et al., 1978; Hawkesworth et al., 1995]. Ce dernier peut résulter de l’étirement et de la délamination de cette lithosphère ainsi que de la remontée asthénosphérique associée, qui peuvent induire la fusion partielle de la croûte inférieure et du manteau lithosphérique sous-jacent (figure 1.17) [Tatsumi et al., 1989; Hawkesworth et al., 1995; Pe-Piper & Piper, 2006]. Ces sources magmatiques peuvent avoir été précédemment métasomatisées alors qu’elles se trouvaient au niveau de l’arc magmatique (qui a migré par la suite), ce qui explique la similitude des signatures géochimique et isotopique du magmatisme d’arc et d’arrière-arc [Johnson et al., 1978]. Un étirement intense de la lithosphère peut finalement conduire à l’ouverture d’un bassin océanique où le magma arrivant à la surface montre une composition asthénosphérique appauvrie (i.e. de type MORB(*)), similaire aux dorsales médio-océaniques [Tatsumi et al., 1989]. Dans la région Méditerranéenne, le retrait des zones de subduction depuis l’Oligocène s’accompagne d’une migration vers le sud sur plus de 600 km de ce magmatisme de type arc et arrière-arc qui peut même s’initier dès le Crétacé supérieur en Méditerranée orientale, avec l’arc magmatique de cet âge le long de la chaîne des Balkans (cf. Chapitre 2) [Wilson & Bianchini, 1999; Harangi et al., 2006; Pe-Piper & Piper, 2006].

Figure 1.17 : schéma conceptuel d’une zone de subduction se retirant sous une marge continentale extensive où s’exprime un magmatisme à la fois de type arc et arrière-arc [Pe-Piper & Piper, 2006].

La cinématique caractérisant ces zones de subduction ainsi que les processus tectoniques et magmatiques exprimés dans la croûte s’opposent, de par leur observation directe, à des processus plus

inaccessibles, comme le comportement en profondeur de la lithosphère plongeante et du manteau

environnant qui nécessitent, eux, des moyens d’observation indirects. La compréhension de ces mécanismes profonds est pourtant un point crucial du fait du contrôle majeur qu’ils exercent sur la déformation crustale et l’activité magmatique dans ces régions (figures 1.12 et 1.17).

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