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Paragraphe 1 : L’apparition des protocoles de traitement et leur procédure

B. En suède

En Suède, pour le traitement des cas de harcèlement scolaire, Anatol Pikas a créé dans les années quatre-vingt la méthode dite de la préoccupation partagée. Anatol Pikas est professeur à l’université d’Uppsala et a commencé à réfléchir sur les modes de résolution pacifique des conflits et notamment des conflits liés à des problématiques d’intimidation

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entre élèves à partir des années soixante-dix, sachant que ses premières publications datent de 1974 et 1975.

Pour concevoir sa méthode, Anatol Pikas s’est intéressé au phénomène de groupe. En effet, il explique dans son article « New Developments of the Shared Concern Method »73 en 2002, que le harcèlement scolaire trouve ses racines au sein d’un groupe. Ce groupe va alors exercer une pression sur chacun de ses membres pour qu’ils participent à l’intimidation. La peur va maintenir le groupe uni, chacun des membres ayant peur que le groupe se retourne contre lui. Ainsi, la méthode qu’il a développée consiste à rompre cette force nourrie par le groupe et rechercher avec chacun des membres du groupe une solution positive pour sortir du harcèlement.

Par conséquent, en Suède, a été développé et mis en place le programme de Dan Olweus qui permet notamment de faire de la prévention et de réduire de façon importante le nombre de cas de harcèlement dans les établissements scolaires suédois et dans ceux qui ont mis en place ce programme. Mais, selon Jean-Pierre Bellon, « si vous faites de la prévention, mais que vous ne mettez pas en face une équipe pour traiter la situation, vous aggravez le problème, car vous incitez les cibles de harcèlement à se signaler sans les aider ensuite »74. Ainsi, en Suède, cette méthode de la préoccupation partagée développée par Anatol Pikas vient compléter le programme Olweus bullying prevention et apporte une réponse aux situations de harcèlement qui sont révélées et ainsi y mettre un terme.

La méthode de la préoccupation partagée se compose de cinq étapes essentielles au traitement du harcèlement :

- La première étape consiste à rencontrer individuellement les harceleurs présumés. L’objectif n’est pas de les blâmer mais de leur faire ressentir une préoccupation pour leur victime. Ensuite, l’intervenant devra stimuler les harceleurs présumés à trouver des solutions constructives. Ces entretiens brefs sont renouvelés jusqu’à ce que les différents harceleurs présumés aient proposé des solutions constructives au problème qu’ils ont créé.

- La deuxième étape de la méthode est l’entretien avec la victime. L’objectif est de

73 PIKAS, Anatol, New Developments of the Shared Concern Method, School Psychology International,

2002.

74 BELLON, Jean-Pierre, propos recueillis par SUGIER, Romain, La méthode PIKAS, expliquée par Jean-

Pierre Bellon [en ligne], 3 juillet 2017 [consulté le 01/05/2019], disponible sur le Web : http://cpe.ac- dijon.fr/spip.php?article752

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laisser la victime verbaliser son malaise et expliquer la situation. Durant cet entretien, la personne qui mène l’entretien devra informer la victime des rencontres qui ont eues lieu avec les harceleurs présumés et des suggestions qu’ils ont proposé pour soulager la victime.

- La troisième étape est la rencontre de suivi, c’est-à-dire qu’un nouvel entretien avec les harceleurs présumés va avoir lieu afin de vérifier la suite qu’ils ont donné au premier entretien. L’objectif est de vérifier que leurs suggestions ont bien été suivies, que les élèves harceleurs ont désormais une attitude positive envers la victime et qu’ils ont un véritable désir de mettre un terme à la situation de harcèlement qu’ils ont créé. Également, une nouvelle rencontre avec la victime aura lieu pour savoir si elle a constaté des améliorations dans sa situation. Cette étape permet de préparer la rencontre qui aura lieu à l’étape 4 de la méthode.

- La quatrième étape est « la rencontre au sommet », appelée par Anatol Pikas « the summit meeting », c’est-à-dire une rencontre avec la victime et les anciens élèves harceleurs. L’objectif de cette rencontre est d’aboutir à une « décente coexistence »75 entre les élèves, selon Anatol Pikas c’est faire en sorte que les élèves concernés parviennent à coexister pacifiquement. Cette rencontre se terminera par une forme de contrat conclu entre les élèves. Ce serait ainsi une entente selon laquelle la plaisanterie serait tolérée dans une certaine mesure, mais à laquelle il faudrait s’opposer catégoriquement si quelqu’un allait au-delà de la limite fixée.

En revanche, si la victime refuse de participer à cette rencontre ou si cette rencontre risque de ranimer l’intimidation passé, il est possible de ne pas réaliser cette dernière étape, seules des rencontres individuelles avec les élèves concernés seraient alors réalisées.

- La cinquième étape de la méthode est le suivi des élèves concernés. En effet, plusieurs rencontres brèves se dérouleraient au cours de l’année visant à vérifier le maintien de la coexistence pacifique entre les élèves.

Par conséquent, la méthode suédoise de la préoccupation partagée se distingue du protocole français de traitement des situations de harcèlement. Ces deux méthodes

75 PIKAS, Anatol, New Developments of the Shared Concern Method, School Psychology International,

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poursuivent la même finalité et utilisent toutes les deux des entretiens individuels avec la victime et avec les élèves harceleurs pour y parvenir mais restent différentes dans leur mise en œuvre.