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Chapitre 3 – Etude d’un récupérateur d’énergie résonant au format pile AA

1 Structure du système

La structure du générateur non-linéaire étudiée dans ce chapitre est illustrée FIGURE 3-6. Elle comporte :

- Un corps de générateur en matériau amagnétique. Il est composé d’un tube dont les parois internes assurent le guidage de la masse mobile, de supports pour les bobinages et d’embouts maintenant les aimants répulsifs aux deux extrémités du tube.

- Une masse mobile constituée de trois aimants cylindriques de dimensions identiques, polarisés axialement et disposés de façon à ce que les polarités de deux aimants consécutifs soient opposées (i.e. se repoussant mutuellement). Les aimants sont séparés par des disques ferromagnétiques (fer doux) dont la fonction est de canaliser le flux magnétique radialement entre les aimants, et faciliter l’assemblage de la masse mobile.

- Plusieurs bobines, toutes identiques (y compris dans leur sens d’enroulement), disposées régulièrement (avec une périodicité spatiale particulière, voir ci-après) le long du corps du générateur, et électriquement indépendantes (ni séries, ni parallèles). Ce dernier point permet de limiter les portions de bobinages « inutiles », celles qui sont trop loin du mobile magnétique pour être concernées pas l’induction. Par exemple, si toutes les bobines étaient en série, un certain nombre de spires ne constituerait alors qu’une résistance « parasite » (pertes Joule), en fonction de la position du mobile.

- Deux aimants répulsifs cylindriques, placés aux extrémités de la course du mobile, et remplissant une fonction de ressort non-linéaire sans contact.

FIGURE 3-6 -Structure du générateur inertiel non-linéaire

Cette forme de générateur a été étudiée de nombreuses fois dans la littérature, et son intérêt pour la conversion des stimulations basses-fréquences (inférieures à 50 Hz) a été démontré [53,54,60,146]. L’objectif de notre étude est de proposer une méthode pour optimiser efficacement le dispositif relativement à une activité humaine ciblée, ici la course à pied.

L’équation du mouvement (3-11) décrit l’évolution temporelle de la position relative 𝑧𝑚de

la masse mobile magnétique, en fonction de la stimulation d’entrée 𝑦̈ (qui est l’accélération du corps du générateur dans le référentiel du laboratoire), d’une force de gravité, et de la force de répulsion

Masse mobile : chaîne d’aimants cylindriques séparés par des intercalaires ferromagnétiques Bobines (indépendantes

& périodiques)

Aimant répulsif inférieur Aimant répulsif supérieur Corps du générateur

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magnétique non-linéaire 𝐹𝑟𝑒𝑝 entre la masse mobile et les aimants répulsifs placés aux extrémités.

Le couplage électromécanique se traduit par une force 𝐹𝑒𝑚 qui dépend de la vitesse et de la position

de la masse mobile. Par soucis de simplification, les pertes mécaniques liées aux frottements sont représentées par un coefficient d’amortissement dynamique 𝑐𝑚, à l’instar du modèle linéaire

précédent.

mz̈m = −mÿ + 𝐹𝑔𝑟𝑎𝑣𝑖𝑡é+ Frep(zm) + Fem(zm, żm) − cm żm (3-11)

Les sections suivantes portent sur la modélisation des forces de répulsion exercées par les aimants répulsifs et la force de couplage électromécanique, avec pour objectif d’optimiser le système dans le cadre de la récupération de l’énergie du mouvement humain.

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« Ressorts magnétiques »

L’utilisation d’aimants répulsifs à la place d’un ressort mécanique permet de limiter l’espace occupé par le système masse-ressort résonant et de fonctionner sans contact, ce qui est un atout pour la durabilité du système. La force de répulsion magnétique est cependant délicate à modéliser, et son caractère non-linéaire rend la réponse fréquentielle du système plus sensible aux caractéristiques de la stimulation d’entrée.

2.1

Modèle de répulsion magnétique

Nous avons choisi d’utiliser une approche semi-analytique pour calculer la répulsion magnétique entre deux aimants permanents cylindriques coaxiaux. Elle est basée sur le modèle par « courant de surface équivalent » (ESCM, « equivalent surface current model ») [147], et s’appuie sur la dérivée de l’énergie d’interaction, qui conduit à l’expression de la force (3-12) (les notations sont explicitées

TABLE 3-1).

Frep(gap) = μ0πR1R2Ms,1Ms,2∫ 𝐽1(εR1) ∞

0

𝐽1(εR2)[e−ε∙(gap+H1)+ e−ε∙(gap+H2)

− e−ε∙gap− e−ε∙(gap+H1+H2)−1

(3-12)

Symbole Description

R1 (resp. R2) Rayon de l’aimant 1 (resp 2) H1 (resp. H2) Hauteur de l’aimant 1 (resp 2)

Ms,1(resp Ms,2) Aimantation à saturation de l’aimant 1 (resp 2)

𝐽1

Fonction de Bessel du premier ordre : 𝐽1(𝑥) = ∑ (−1)𝑘 𝑘! (1 + 𝑘)!( 𝑥 2) 2𝑘+1 ∞ 𝑘=0

TABLE 3-1–Notations - Répulsion magnétique entre deux aimants cylindriques coaxiaux L’implémentation de l’expression (3-12) numériquement permet de calculer les courbes de répulsion magnétique plus rapidement que par une méthode aux éléments finis, ce qui est avantageux pour l’optimisation le système. Le calcul de la force appliquée à une chaîne d’aimants alternés complète peut être obtenu par superposition, d’autant plus facilement si ces aimants sont tous identiques. Cependant, du fait des dimensions généralement réduites des aimants répulsifs

gap NS N S 1 2 H1 H2 R1 R2

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dans notre application, et de l’usage de disques ferromagnétiques intercalés dans la chaîne d’aimants mobiles, la force appliquée à celle-ci correspond seulement à l’interaction entre l’aimant répulsif et l’aimant en extrémité de chaîne.

Un exemple de courbe de force de répulsion entre une chaîne d’aimants alternés et un aimant répulsif est proposé FIGURE 3-7. L’approche analytique - avec superposition des interactions de l’aimant répulsif avec tous les aimants de la chaine, ou en considérant seulement l’aimant extrémal de celle-ci - est comparée à la modélisation par éléments finis (réalisée sous COMSOL). Pour cette dernière, le caractère ferromagnétique des disques-intercalaires a été pris en compte (contrairement à l’approche analytique précédente) par une perméabilité magnétique relative du matériau fixée à 𝜇𝑟 = 1000.

FIGURE 3-7 – Répulsion magnétique : exemple de calcul de la force entre une chaîne d’aimants

cylindriques alternés et un aimant répulsif en fonction du gap d’air les séparant. La chaîne étudiée est composée de 3 aimants de magnétisation N45 (𝐵𝑟 = 1.35𝑇) et de dimensions Ø8mm x h8mm, et de 2 espaceurs ferromagnétiques de 4mm d’épaisseur (𝜇𝑟 = 1000) ; l’aimant répulsif est un disque de dimensions Ø8mm x 1mm. Les deux ensembles sont supposés coaxiaux. Les résultats des méthodes analytique (modèle par courant de surface équivalent, ESCM) et numérique (COMSOL) sont comparés.

Lors de la simulation temporelle de l’équation du système (3-11) sur Simulink, les courbes numériques des forces répulsives associées aux deux aimants répulsifs (inférieur et supérieur) sont implémentées via des blocs de type « look-up table » (cf. annexe 3A). Il est possible de définir par ailleurs les notions de raideur et fréquence propre « effectives » (ou moyennes) du générateur sur un échantillon temporel de durée 𝑇 :

keff = − 1 T∫ ( dFrep,inf dzm +dFrep,sup dzm ) dt T 0 (3-13) f0,eff= 1 2π√ keff m

A la fin d’une simulation temporelle du générateur, le calcul de ces grandeurs moyennes peut servir d’indicateur pour interpréter les performances du générateur relativement à la stimulation mécanique d’entrée considérée.

N S N S S N S N 0 2 4 6 8 10 12 14 16 0 5 10 15 20 Fo rc e (N ) gap (mm) COMSOL

ESCM, aimant extrémal seul ESCM, superposition sur chaine complete

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2.2

Effets non-linéaires

L’utilisation d’une force de rappel non-linéaire, comme celle fournie par des aimants répulsifs, a des conséquences sur le comportement fréquentiel du système. Pour illustrer certains de ces effets, nous considérons ici l’exemple d’un système horizontal (sans force de gravité) soumis à une excitation sinusoïdale (3-14).

ÿ(t) = A sin(2πft) (3-14)

Le dispositif simulé a une longueur de 5cm, deux aimants répulsifs (Ø8mm x h1mm) et une masse mobile de deux aimants (Ø8mm x h8mm) alternés. Pour cette étude, on suppose arbitrairement que la force de couplage électromécanique correspond à un amortissement dynamique de coefficient 𝑐𝑒 constant : 𝐹𝑒𝑚= −𝑐𝑒żm. La réponse du système est calculée en fonction de la

fréquence d’excitation 𝑓.

D’abord, seule l’amplitude 𝐴 de l’entrée mécaniqueestmodifiée (de 0.5g à 2g). Les courbes de la puissance électrique moyenne 𝑃𝑒 extraite du système (FIGURE 3-8a) atteignent leur maximum

pour différentes fréquences de résonance (entre 12 et 16 Hz) et présentent une asymétrie de plus en plus prononcée avec l’augmentation de 𝐴, par un effet de « durcissement » de l’action des aimants répulsifs [146].

Dans un second temps, l’influence de la valeur du coefficient d’amortissement électrique

𝑐𝑒est analysée, tandis que l’amplitude de l’excitation 𝐴 est maintenue égale à 1g (FIGURE 3-8b). Pour

cet exemple, on observe l’existence d’une situation optimale 𝑐𝑒 = 𝑐𝑚 maximisant la puissance

électrique, à l’instar du cas linéaire.Par ailleurs, la position de la résonance varie avec le niveau de 𝑐𝑒, mais sa forme est également altérée : en plus d’abaisser la fréquence de résonance, un

amortissement plus important « adoucit » l’asymétrie du pic. Le fait que ces deux facteurs (𝐴 et 𝑐𝑒)

aient une influence similaire sur la fréquence de résonance n’est pas si surprenant, puisque tous deux modifient l’énergie cinétique conférée à la masse mobile qui lui permet d’atteindre des zones plus ou moins « raides » de la caractéristique de la répulsion magnétique.

L’évolution de la fréquence propre effective 𝑓0,𝑒𝑓𝑓 du système (FIGURE 3-8c) permet

d’observer cette non-linéarité différemment. En effet, cette fréquence n’est jamais égale à la fréquence de sollicitation 𝑓. D’abord supérieure à celle-ci, elle croît jusqu’à la « résonance » (où la puissance maximale est atteinte), immédiatement après laquelle se produit un brusque décrochage. En conséquence, ce type de système non-linéaire ne peut fonctionner à la résonance au sens habituel du terme, car celle-ci est un point d’instabilité.

Une dernière conséquence de la forme non-linéaire de l’équation du mouvement (3-11)est que celle-ci peut admettre plusieurs solutions suivant le choix des conditions initiales. Par exemple, en fonction du sens de variation de la fréquence d’excitation, la position de la résonance en puissance électrique peut changer. Dans l’exemple de la simulation illustrée FIGURE 3-8d, la fréquence de résonance observée dans le sens décroissant est inférieure à celle du sens croissant. Cet effet est cependant réduit pour des valeurs d’amortissement élevées. On peut noter que ces phénomènes non-linéaires sont semblables à ceux observés dans les systèmes de type oscillateur de Duffing [148], dont la force de rappel/ressort prend la forme 𝐹(𝑧) = −𝑘1𝑧 − 𝑘3𝑧3. Ce n’est pas

surprenant, car la force de répulsion magnétique peut être parfois modélisée par ce type d’expression, plus ou moins précisément suivant la géométrie des aimants.

Les propriétés non-linéaires de la répulsion magnétique ont plusieurs implications pour l’optimisation de ce format de récupérateur d’énergie. La fréquence de « résonance » du système dépend de l’énergie mécanique conférée à la masse mobile, et varie avec l’intensité de l’excitation d’entrée, la valeur des amortissements mécanique et électrique et les conditions initiales. Contrairement au système linéaire, il n’est donc pas possible d’optimiser la structure simplement à partir de la signature fréquentielle du signal d’entrée : l’ensemble des paramètres du système - sa longueur, les dimensions des aimants, l’amortissement - ont aussi une influence sur sa résonance.

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(a) (b)

(c) (d)

FIGURE 3-8 – Effets non-linéaires liés aux aimants répulsifs. Simulation d’un système à deux aimants

répulsifs, soumis à une accélération sinusoïdale. Résonance en puissance du système en fonction de (a) l’amplitude 𝐴 de l’accélération d’entrée (à 𝑐𝑒= 𝑐𝑚 = 0.05 N. s/m constant), ou

(b) l’amortissement électrique 𝑐𝑒 (𝐴 = 1𝑔 constant). (c) Evolution de la fréquence effective propre du système (𝐴 = 1𝑔, 𝑐𝑒= 𝑐𝑚). (d) Influence du sens de variation de la fréquence 𝑓 de l’input

harmonique, pour différentes valeurs d’amortissement électrique 𝑐𝑒 (sens croissant en trait plein,

décroissant en pointillés).