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PARTIE 2 LES P-BODIES

2. F ORMATION DES PB

2.3. Focus sur trois protéines d’assemblage des PB : LSM14A, 4E-T et DDX6

2.3.1. Structure primaire et fonctions moléculaires

Figure 38 Structure primaire de DDX6, LSM14A, 4E-T et LSM14B

En noir le nom des domaines et motifs protéiques, en bleu les partenaires protéiques directs, en orange les fonctions moléculaires associées.

99 DDX6 :

La protéine DDX6 est une hélicase à ARN à boîte DEAD (Cordin et al., 2006) évolutivement conservée de la levure à l’homme (Presnyak and Coller, 2013; Weston and Sommerville, 2006) localisée dans le cytoplasme et particulièrement concentrée dans les PB (Minshall et al., 2009). Comme les autres hélicases à motif DEAD, DDX6 possède deux domaines globulaires centraux D1 et D2 contenant chacun le domaine RecA caractéristique des hélicases (Fairman-Williams et al., 2010)(Figure 38). Le domaine D1 contient les motifs Q, I(AKNGTGK), Ia (VPTRELALQ), Ib (TPGR), II (DEAD), et III (SAT). Le domaine D2 contient les motifs IV(IIF),QwwR, V (TRGID). et VI(LHRIGRSGR). Chacun de ces motifs contribue à différents aspects de l’activité biochimique de DDX6 à savoir : la liaison à l’ATP (motifs Q, I et II), l’hydrolyse de l’ATP (motifs Q et III), la liaison à l’ARN (motifs Ia, Ib, IV et V) et l’activité hélicase (motif VI) (Cordin et al., 2006; Nishimura et al., 2015; Tanner et al., 2003).

DDX6 et ses homologues se trouvent particulièrement abondants dans le cytoplasme : dans des cellules HeLa, DDX6 est 7 fois plus abondante que l’ARNm en ratio molaire (Ernoult-Lange et al., 2012), dans les ovocytes de Xénope elle y est 15 fois plus abondante que les ARNm réprimés (Smillie and Sommerville, 2002) et 8 fois plus abondante chez le trypanosome (Kramer et al., 2010)

En termes de propriétés biochimiques, DDX6 se lie avec une grande affinité (Kd= 1 nM) et sans spécificité de séquence à l’ARNm (Dutta et al., 2011; Ernoult-Lange et al., 2012). De plus, elle s’oligomérise in vitro, sous forme de dimère et trimère, indépendamment de la présence d’ARN (Ernoult-Lange et al., 2012a).

Dans les cellules humaines, DDX6 possède une activité de répresseur démontrée par une approche de tether (Chu and Rana, 2006). Le domaine D2 est particulièrement important dans cette activité de répression puisque la fixation artificielle de D2 dans la 3’UTR d’un ARNm rapporteur suffit à en réprimer la traduction in vivo (Minshall et al., 2009). Le domaine D2 contient également les sites de liaison de DDX6 à plusieurs partenaires protéiques. Plusieurs approches structurales ont co-cristallisé D2 avec différents répresseurs de la traduction et activateurs du decapping : LSM14A, EDC3, PAT1B, CNOT1 et 4E-T. Les interactions entre DDX6 et LSM14A/EDC3/ PAT1B/4E-T sont mutuellement exclusives (Brandmann et al., 2018; Ozgur et al., 2015a; Sharif et al., 2013a; Tritschler et al., 2008, 2009), ce qui expliquerait que DDX6

100 soit impliquée dans plusieurs complexes protéiques associés à différentes fonctions biologiques que nous détaillons par la suite.

LSM14A :

LSM14A est une RBP appartenant à la famille LSM et conservée des eucaryotes unicellulaires à l’homme (Albrecht and Lengauer, 2004). Chez les vertébrés, LSM14 a évolué en deux protéines paralogues, LSM14A et LSM14B (Marnef et al., 2009). Chez le Xénope, les deux paralogues présentent une expression temporelle différente dans les ovocytes: LSM14B y est exprimée de manière croissante jusqu’au stade II de l’ovogenèse (Minshall et al., 2007) et co-sédimente avec DDX6 sur des ARNm spécifiques, activement traduits à ce moment du développement (Ladomery and Sommerville, 2015). L’expression de LSM14A s’accroît quant à elle progressivement en parallèle de la décroissance d’expression de LSM14B à partir du stade II de l’ovogenèse (Minshall et al., 2007; Tanaka et al., 2006). Chez A. thaliana, DCP5 (homologue de LSM14A) est également impliquée dans le développement précoce en régulant la traduction et la stabilité d’ARNm spécifiques impliqués dans la germination (Xu and Chua, 2009). Dans les cellules humaines, LSM14A et LSM14B co-localisent dans les PB de cellules somatiques (Yang, 2006) et ont un statut différent vis-à-vis du maintien des PB : alors que l’absence de LSM14A entraine la disparition des PB, l’absence de LSM14B accroît quant à elle leur formation. Cette dernière observation est à mettre en relation avec l’existence d’une co-régulation entre ces deux protéines : la diminution d’expression de LSM14A stimule l’expression de LSM14B et inversement (Ayache et al., 2015) (Figure 39).

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Figure 39 Co-régulation de l’expression de LSM14A et de LSM14B

Après transfection des siLSM14A ou si LSM14B, les protéines sont analysées par WB avec les anticorps indiqués et les signaux quantifiés dans 3 expériences indépendantes. (Modifié d'après Ayache et al., 2015)

En termes de structure primaire (Figure 38), la protéine LSM14A se compose du domaine caractéristique LSm pouvant se lier à l’ARN et à 4E-T (Brandmann et al., 2018; Nishimura et al., 2015) , d’une région riche en sérine/thréonine pouvant être modifié post-traductionnellement par phosphorylation, d’un motif FDF (phénylalanine-aspartate-phénylalanine) et de motifs FDF-TFG impliqués dans des interactions protéine-protéine avec DDX6 (Brandmann et al., 2018). Le motif FFD de LSM14A est capable de lier directement EDC4 (Brandmann et al., 2018). Enfin, les deux motifs RGG arginine-glycine-glycine peuvent être méthylés par PRMT1 ce qui contribue à localiser LSM14A dans les PB (Matsumoto et al., 2012). LSM14B diffère structurellement de LSM14A au niveau de sa partie C terminale, plus courte, et ne contenant qu’un seul motif RGG.

L’activité de répression de la traduction de LSM14A a été démontrée in vivo par des expériences de tether de la partie N-terminale de LSM14A chez le Xénope (Tanaka et al., 2006a) et du domaine Lsm chez l’homme (Brandmann et al., 2018).

4E-T

4E-T (eIF4E Transporter protein) aussi appelé EIF4ENIF1 (eIF4E Nuclear Import Factor1) est une protéine évolutivement conservée parmi les métazoaires. Elle a initialement été

102 caractérisée comme une 4E-BP requise pour la localisation d’eIF4E dans le noyau (Dostie et al., 2000b). Si la protéine 4E-T peut être localisée dans le noyau, elle se trouve majoritairement présente dans le cytoplasme et dans les PB (Andrei, 2005; Ferraiuolo et al., 2005).

Comme les autres 4E-BP, la partie N-terminale de 4E-T contient deux motifs de liaison à eIF4E: le motif consensus YX4Lϕ entrant en compétition avec eIF4G (Sonenberg and Hinnebusch, 2009), et le motif adjacent commun aux 4E-BP mais absent chez eIF4G (Peter et al., 2015). Les séquences NLS (Nuclear localisation Sequence) et NES (Nuclear Export Sequence) sont responsables de l’activité de transporteur nucléaire de 4E-T (Dostie et al., 2000b), (Figure 38). La comparaison des séquences de 4E-T entre les vertébrés et la Drosophile a identifié quatre motifs conservés : les motifs I (131-161), II (291-316), III (331-346) et CHD. Le motif I lie spécifiquement la protéine UNR, les motifs II et III n’ont pas de rôle connu à ce jour et le domaine CHD se lie à DDX6 (Kamenska et al., 2016). D’après la structure du complexe LSM14A-4E-T, la partie C terminale de 4E-T contient un motif s’associant au domaine Lsm de LSM14A (Brandmann et al., 2018). De plus, une région centrale de 4E-T (résidus 335–490) interagit in vitro directement avec le domaine Lsm de LSM14A (Nishimura et al., 2015) ce qui est confirmé in vivo par co-immunoprécipitation (Kamenska et al., 2016).

Concernant les fonctions moléculaires de 4E-T, cette protéine possède une activité de répresseur général de la traduction. En effet, sa surexpression diminue la traduction générale, et ce de manière eIF4E-dépendante (Ferraiuolo et al., 2005; Kamenska et al., 2014b). De plus, 4E-T réprime la traduction d’ARNm spécifiques indépendamment de sa liaison à eIF4E. En effet 4E-T réprime la traduction d’un ARNm rapporteur en tether assay même lorsque les motifs d’interaction de 4E-T avec eIF4E sont mutés. Enfin, 4E-T contribue à la répression de la traduction dans le cadre des régulations par les miARN conjointement avec DDX6 (Kamenska et al., 2014b).

2.3.2. Principaux complexes mRNP cytoplasmiques incluant DDX6,

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