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3.2 La structure Li 3 P

4.1.2 Structure Electronique de FeP

Au vu de la structure cristalline décrite plus haut, différents arrangements de spin peuvent être étudiés pour ce système. Comme nous l’avons mentionné, les distances F e − F e présentes dans F eP ne sont pas équivalentes dans toutes les directions du réseau cristallin. Les interactions F e − F e se font via deux ou trois ponts phosphores, selon que les octaèdres sont connectés par arête ou par face, respectivement. Comme le montre

Chapitre 4. Electrodes Chargées F ePy (y = 1, 2, 4)

la Figure 4.2, cela conduit à des chaînes en zigzag le long de la direction a du réseau cristallin, et à des triangles de F e dans le plan (b,c).

Fig.4.2:Réseau des atomes de fer dans le système F eP dans une maille (1×1×2) c’est-à-dire doublée dans la direction c du réseau cristallin.

Les triangles de F e sont des systèmes frustrés lorsqu’ils sont équilatéraux, c’est-à-dire qu’il est impossible d’obtenir un arrangement totalement antiferromagnétique pour des raisons de symétrie (cf. Figure 4.3).1 Dans le cas présent de triangles isocèles, la notion de frustration est moins rigoureuse. Cependant, comme pour le cas précédent de l’austénite, forcer un arrangement partiellement AF conduit à une brisure de symétrie (électronique et structurale) en accord avec la structure relaxée qui perd la symétrie locale du triangle isocèle. Pour essayer de conserver la symétrie, nous avons donc le choix, pour chaque triangle, entre (i) deux interactions AF (selon b) et une interaction FM (selon c) ou (ii) trois interactions FM.

Fig. 4.3: Illustration de la frustration de spin dans le triangle isocèle du système F eP .

Ainsi, quatre arrangements magnétiques seront considérés dans notre étude, auxquels 1

4.1. La phase F eP

nous ajouterons l’état totalement AF (selon les trois directions du réseau cristallin) pour lequel la symétrie du triangle isocèle est brisée. Dans ce dernier cas en effet, les atomes de fer du triangle isocèle sont couplés de manière FM et AF selon les deux distances équivalentes (2.791 Å). Ces 5 arrangements seront notés par la suite AFAFF, FAFF, AFFF, FFF et AFAFAF pour distinguer la nature totalement FM ou partiellement AF des triangles et leur couplage FM ou AF selon la direction a du réseau cristallin (cf. Figure 4.4). D’un point de vue pratique, des moments magnétiques locaux maximum (5µB) sont imposés à chaque atome de fer avant la relaxation électronique (SCF) et structurale.

Fig. 4.4: Quatre arrangements possibles des spins dans le réseau F eP .

Résultats DF T

Les résultats sont présentés dans la Table 4.1. Ils mettent en évidence des valeurs théoriques très légèrement sous-estimées par rapport aux valeurs expérimentales, en raison probablement d’une description imparfaite des effets de la corrélation électronique dans ce système. L’accord théorie-expérience est cependant très bon puisque des erreurs relatives

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systématiquement inférieures à 2% et 3% sont relevées pour les paramètres cristallins et les distances locales F e − P et F e − F e, respectivement.

Tab. 4.1: Erreurs relatives (en %) par rapport à la structure expérimentale du F eP pour les paramètres de maille (∆x/x) et les distances moyennes δ(F e − P ) et δ(F e − F e). La dernière colonne donne l’énergie (eV) associée à chacun des arrangements de spin considérés, par unité formulaire (UF). Les paramètres numériques correspondent à une énergie de coupure des ondes planes de 500 eV et à une grille de points k régulièrement espacés dans la première zone de Brillouin (7×7×11).

F eP ∆aa (%) ∆b

b (%) ∆c

c (%) δ(Fe-P) (%) δ(Fe-P) (%) Eie(eV)/UF NSP -1.11 -0.37 -1.57 -1.01 -2.56 -14.9011 FFF -0.73 -0.48 -1.61 -2.39 -0.98 -14.926 FAFF -0.55 -0.48 -1.71 -2.39 -0.94 -14.941 AFFF -0.77 -0.56 -1.29 -2.34 -0.80 -14.935 AFAFF -0.65 -0.31 -1.58 -2.34 -0.80 -14.944 AFAFAF -0.55 -0.48 -1.71 -2.39 -0.94 -14.941

NSP = sans polarisation de spin ; AF = antiferromagnétique : F = ferromagnétique

La comparaison des structures AFFF / FFF ou AFAFF / FAFF nous permet de montrer qu’il n’y a pas d’interaction FM ou AF significative entre les triangles dans cette structure. En effet, lorsque les triangles sont partiellement AF, aucun couplage n’est observé puisque les deux structures AFAFF/ FAFFsont iso-énergétiques. Lorsqu’ils sont FM, une très légère stabilisation est obtenue pour AFFF par rapport à FFF, suggérant qu’un ordre magnétique AF très faible pourrait exister à très basse température entre les triangles de F e du système F eP . Notons que l’état AFAFAF qui brise à la fois la symétrie électronique et cristalline converge naturellement vers l’état FAFF.

Aucune interaction magnétique locale significative n’est donc mise en évidence dans la structure F eP à Uef f = 0 eV et par voie de conséquence, aucun ordre magnétique à longue portée n’est attendu pour ce système à température ambiante, en excellent accord avec des mesures de magnétisme récemment effectuées par D. Zitoun (Equipe AIME de l’Institut Charles Gerhardt de Montpellier). [76]

Compte tenu des résultats qui précèdent, il ne fait aucun doute que le système F eP possède un état électronique fondamental complexe, probablement décrit par une fonction

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Tab. 4.2: Moments magnétiques locaux sur les F e dans la structure F eP calculés pour les différents arrangements de spin envisagés.

FFF AFFF AFAFF FAFF

µ(F e) (µB) + 0.42 ± 0.58 ± 0.56 ± 0.68

d’onde multi-référentielle, que la DF T mono-déterminantale n’est donc pas capable de reproduire (dans son principe). Néanmoins, la proximité énergétique des différentes confi-gurations de spin suggère l’existence de fluctuations quantiques dans l’état fondamental de F eP . Ceci est conforté par le fait que ces configurations (obtenues dans une gamme d’énergie inférieure à 10 meV) sont associées à des magnétisations différentes sur les 4 atomes de F e de la maille F eP . Comme nous pouvons le constater dans la Table 4.2, ces magnétisations sont faibles mais différentes d’une structure magnétique à l’autre, et évidemment nulles pour la structure NSP. Cette dernière étant moins stable que toutes les autres d’une valeur supérieure ou égale à kBT (∼ 25 meV à T = 300 K) on peut donc s’at-tendre à ce que F eP soit un système paramagnétique, associé à une légère polarisation de spin au niveau de Fermi à température ambiante, induite par les fluctuations quantiques de spin. Comme nous le verrons plus loin, ceci a été confirmé par de récentes mesures de RMN du31P , effectuées par E. Bekaert et M. Ménétrier à Bordeaux (ICMCB). [77]

Avant d’étudier l’évolution des propriétés structurales et électroniques de F eP en fonction du paramètre de corrélation Uef f, il est intéressant d’analyser sa structure élec-tronique pour comprendre l’état élecélec-tronique que nous venons de décrire. Sur la Figure 4.5, nous avons représenté la densité d’états calculée sans polarisation de spin (NSP ; µ(F e) = 0) et avec polarisation de spin (AFAFF; µ(F e) = 0.56) pour la plus stable des structures étudiées.

La densité d’états (DOS) calculée sans polarisation de spin (Figure 4.5a) montre un comportement métallique, en accord avec la forte délocalisation électronique attendue pour une structure cristalline aussi compacte. Cependant, un système métallique décrit par une bande quasiment remplie est connu pour être instable vis-à-vis d’une transition métal → semi-conducteur (ou métal → semi-métal) du second ordre. Dans le cas présent, cette transition pourrait correspondre à une localisation électronique induite soit par les

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(a) (b)

Fig. 4.5: Densités d’états totales et projetées sur les niveaux électroniques F e(d), P (s) et P (p) pour la structure F eP optimisée en DF T (U = 0 eV) pour des calculs sans (a) ou avec (b) polarisation de spin. Le niveau de Fermi (eF) est représenté par une ligne verticale en traits pointillés (au zéro d’énergie).

défauts présents dans le réseau (qui créent des potentiels aléatoires qui piègent les trous résiduels de la bande de conduction), soit par une magnétisation apparaissant sur les atomes de fer (qui ouvrent un gap dans le haut de la bande métallique pour conduire à un comportement semi-métallique localisé). Puisque nos calculs sont réalisés sur un cristal parfait, seule la seconde hypothèse peut être vérifiée. Comme le montre la Figure 4.5b, la densité d’états calculée pour la structure AFAFF montre un comportement non plus métallique mais semi-métallique puisque le niveau de Fermi se trouve maintenant dans une gamme d’énergie associée à une très faible DOS. L’apparition d’un moment magnétique non nul sur les atomes de fer conduit donc à une structure électronique plus stable que celle obtenue en NSP pour des moments magnétiques nuls. Notons que toutes les structures magnétiques étudiées possèdent une DOS équivalente à celle de la structure AFAFF.

Sur toutes ces DOS, une faible contribution des niveaux électroniques du phosphore est observée dans la bande située au-dessus du niveau de Fermi. Par ailleurs, une analyse des niveaux électroniques des deux bandes situées de part et d’autre du niveau de Fermi (eF) montre qu’elles sont issues principalement des orbitales locales t2g pour la plus basse et eg pour la plus haute. Notons que ces étiquettes de symétrie ne sont pas adaptées à la symétrie du réseau F eP (qui est bien plus basse que celle de l’octaèdre en réalité) mais que nous les utiliserons pour faciliter la discussion. Compte tenu de l’occupation majoritaire des niveaux t2g et de la faible magnétisation résiduelle des ions F e dans toutes

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les structures magnétiques étudiées, nous pouvons en déduire un degré d’oxydation (DO) formel F e+III (d5) et une configuration bas-spin (BS) pour le fer dans le système F eP . Les ions phosphures sont alors formellement P−III.

Résultats DF T +U

Pour étudier l’influence du paramètre de corrélation Uef f sur l’état fondamental du système F eP , nous avons réalisé une étude systématique de l’évolution des paramètres de maille et des distances F e − P et F e − F e pour toutes les structures magnétiques envisagées dans la section précédente, en fonction de Uef f variant de 0 eV (limite DF T ) à 6 eV (limite fortement corrélée).

(a) (b)

Fig. 4.6: Erreurs relatives (en %) pour les paramètres de maille (a) et pour les longueurs de liaisons F e − P et F e − F e (b) du système F eP par rapport aux données expérimentales en fonction du paramètre Uef f (eV) variant de 0 à 6 eV pour chaque arrangement de spin considéré.

De manière générale, l’erreur relative entre les paramètres expérimentaux et les para-mètres relaxés augmente avec Uef f et ce quel que soit l’arrangement magnétique imposé dans le calcul (cf. Figure 4.6a). Pour des valeurs de corrélation comprises entre 0 à 3 eV, les paramètres cristallographiques sont très bien reproduits par nos calculs et présentent une faible erreur relative (inférieure à 5%). Cette erreur devient bien plus importante au-delà de Uef f = 3 eV, pour atteindre une valeur de 15% pour Uef f = 6 eV.

Concernant les liaisons F e − P et F e − F e, on observe la même tendance que pour les paramètres de maille. La Figure 4.6b montre que l’augmentation du paramètre de corrélation Uef f conduit à un allongement des liaisons F e − F e et F e − P en accord avec

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la relocalisation partielle des orbitales 3d du fer. Cet allongement est évidemment plus marqué pour les structures FM que pour les structures AF.

Fig. 4.7: Variation du moment magnétique du F e dans F eP en fonction du paramètre Uef f (eV) pour les différentes structures magnétiques imposées dans les calculs

Fig. 4.8: Différences d’énergie entre ces différentes structures magnétiques moment magné-tique du F e dans F eP en fonction du paramètre Uef f (eV)

Intéressons nous maintenant à l’évolution des moments magnétiques du F e en fonction de Uef f pour les différentes configurations de spin étudiées pour le système F eP . Comme le montre la Figure 4.7, une transition de spin apparaît autour de Uef f = 3 eV. Elle est cohérente avec la pénalisation énergétique imposée aux états de double occupation des orbitales 3d du F e par le terme Uef f, qui ouvre un gap au niveau de Fermi entre les états

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de spin ↑ (up) et les états de spin ↓ (down). Notons cependant que la magnétisation du fer tend vers une limite asymptotique inférieure à celle attendue pour un F e+III haut spin (HS) (µ(F e) = 5µB). Ce résultat suggère une délocalisation des électrons du fer sur la liaison F e − P , ce qui est parfaitement cohérent avec le caractère plutôt covalent de ces liaisons, par rapport aux oxydes de métaux de transition par exemple. Pour des valeurs de Uef f inférieures à 2 eV, la configuration électronique BS du F e+III est conservée, quelle que soit la structure magnétique considérée.

Parallèlement à l’évolution des moments magnétiques, nous avons étudié l’évolution énergétique des différentes structures magnétiques en fonction de Uef f. Comme le montre la Figure 4.8, la structure AFAFF reste la plus stable pour des valeurs de Uef f inférieures ou égales à 4 eV. Au-delà de cette valeur, c’est la structure FAFF qui devient la plus stable. Cette dernière correspond à une interaction ferromagnétique des triangles selon la direction a du réseau cristallin (cf. Fig. 4.2), chacun d’entre eux étant décrit par deux interactions AF et une interaction FM. Notons que cette transiton AF → FM s’explique par une trop forte relocalisation des orbitales 3d du métal de transition pour des valeurs de Uef f supérieures à 4 eV.

Il est intéressant de noter que toutes les structures magnétiques se trouvent dans une gamme d’énergie inférieure à kBT uniquement pour une valeur de Uef f = 0 eV. Au-delà de cette valeur, deux structures magnétiques sont favorisées pour Uef f = 1 eV et une seule pour Uef f > 1 eV. Le comportement paramagnétique observé expérimentalement pour F eP à température ambiante suggère donc que la DF T conventionnelle (Uef f ≤ 1 eV) est la mieux adaptée pour décrire son état fondamental et sa structure cristalline. En effet, au-delà de cette valeur, une seule configuration de spin est accessible à température ambiante, indiquant qu’un ordre magnétique devrait être observé pour cette structure, ce qui n’a jamais été observé expérimentalement.

Pour confirmer ce résultat, nous avons voulu comparer les DOS obtenues en DF T + U et avec la fonctionnelle hybride P BE0.2 Comme la DF T + U, cette fonctionnelle a été initialement proposée pour corriger l’erreur de self-interaction de la méthode DF T

conven-2

Notons que cette fonctionnelle n’est pas disponible dans le code V ASP mais dans le code W IEN 2K, développé par P. Blaha et A. Schwartz. [78] Ce programme est basé sur le formalisme FLAPW (Full linearized augmented plane waves) et sur l’approche muffin-tin.

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tionnelle. [16] Elle propose cependant un traitement légèrement différent de celui de la DF T +U en corrigeant la fonctionnelle d’échange-corrélation DF T par un terme d’échange Hartree-Fock. Même si cette fonctionnelle est également paramétrée, le paramètre de mé-lange DF T/HF est ici fixé de telle sorte que les problèmes de "non-variationalité" de la méthode DF T +U soient écartés. Le résultat obtenu avec la fonctionnelle P BE0 est donné sur la Figure 4.9a. Comme nous pouvons le constater, la DOS obtenue avec la fonctionnelle P BE0 est très proche de celle obtenue en DF T + U avec Uef f = 1 eV (cf Figure 4.9b). Elle montre un caractère semi-métallique pour F eP , avec un niveau de Fermi situé à la frontière entre deux bandes principalement métalliques, issues des orbitales locales t2g (pour la plus basse) et des orbitales eg (pour la plus haute). Elle fait néanmoins apparaître une faible polarisation de spin au niveau de Fermi, en réponse à l’existence de plusieurs états de spins différents accessibles en énergie et associés à différentes magnétisations du fer. -6 -4 -2 0 2 4 6 Energie (eV) 0 DOS (etats/eV) Fe(d) P(s) P(p) eF -6 -4 -2 0 2 4 6 Energie (eV) 0 DOS (etats/eV) Fe(d) P(s) P(p) eF (a) (b)

Fig. 4.9: Densités d’états totales et projetées sur les niveaux atomiques F e(d), P (s) et P (p) pour la structure F eP optimisée en spin-polarisé (a) avec la fonctionnelle P BE0 et (b) avec la fonctionnelle P BE en imposant une brisure de symétrie (AFAFAF).

Ce résultat est en excellent accord avec les mesures de RMN du31P réalisées à l’ICMCB de Bordeaux qui montrent un signal très large, caractéristique d’un fort couplage dipolaire et donc de la présence de spins électroniques (non appariés) au niveau de Fermi. [77]