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Chapitre IV : Structuration génétique de Plutella xylostella

1. Introduction

Dans les deux précédents chapitres, nous nous sommes plus particulièrement penchés sur la biologie et l’écologie de deux parasitoïdes de la teigne. Nous avons également étudié l’influence des facteurs biotiques et abiotiques de l’environnement tropical, au Sénégal et au Bénin, sur la dynamique des populations du ravageur et de ses ennemis naturels. Nous allons dans ce dernier chapitre nous intéresser tout particulièrement au ravageur.

Plutella xylostella est une espèce cosmopolite dont l’aire de répartition est mondiale.

L’étendue de sa propagation est due essentiellement à son importante capacité de déplacement par migration passive, à l’extension des cultures de Brassicacées due à l’activité humaine et à son importante capacité d’adaptation à des conditions de vie les plus extrêmes et les plus variées. Cela a pour conséquence de former un véritable « patchwork » de populations aux contours souvent indéterminés, ce qui rend son contrôle encore plus délicat. Pour autant, ce ravageur est toujours considéré comme une seule et même espèce. Quelques études ont montré une certaine variabilité génétique au sein de populations de P. xylostella originaires d’une même région (Corée, Sud-Est de l’Australie et de la Chine) (Kim et al. 2000 ; Endersby et al. 2005 ; Wei et al. 2013). Cependant, aucune étude sur la variabilité et la structuration des populations de P. xylostella à l’échelle mondiale n’avait été menée à ce jour.

On peut supposer que les populations présentes dans des régions géographiques éloignées peuvent être différenciées génétiquement. Des études sur la résistance aux pesticides chez P. xylostella ont mis en évidence des niveaux de sensibilité différents entre des populations séparées par moins de dix kilomètres dans des régions des îles Hawaii et de Taïwan (Cheng 1981 ; Liu et al. 1982 ; Tabashnik et al. 1987). Ces variations sont probablement induites par des variations de la pression de sélection dues aux différents composés insecticides utilisés. A Hawaii, les flux géniques entre les populations ne sont pas suffisants pour réduire les différences de sensibilité aux insecticides. Toutefois, les adultes des populations situées en zone tempérée sont capables de migrer sur de longues distances, par exemple entre le sud de la Finlande et l’Angleterre (McKenzie 1958) ou entre le sud des Etats-Unis et le Canada (Harcourt 1986). Dans certaines régions, les flux de gènes entre les populations pourraient donc réduire les effets d’une dérive génétique au sein de ces populations.

Notre étude a pour objectif de déterminer si des populations d’origines très différentes au niveau mondial sont génétiquement différenciées, d’évaluer lesquelles semblent les plus isolées génétiquement et de déterminer s’il existe une relation entre les distances génétiques et les distances géographiques entre les populations.

Nous avons pour cela comparé des populations de P. xylostella d’origines géographiques différentes à l’échelle intercontinentale (Ile de la Réunion, Afrique du Sud, Bénin, Egypte, Brésil, Etats-Unis, Canada, Martinique, France, Roumanie, Autriche, Ouzbékistan, Japon, Philippines, Hong Kong, Laos, et quatre localités australiennes). Pour réaliser cette étude, nous avons utilisé deux marqueurs moléculaires : les isozymes et les ISSR (Inter Simple Sequence Repeat). Ces résultats font l’objet des articles 7 et 8.

2. Synthèse des résultats

Marqueur enzymatique : sur 21 enzymes étudiées, seulement sept (IDH, MDHP, G6PDH, MPI, PGM, HK, AAT) ont révélé des loci polymorphes avec des bandes clairement lisibles permettant une interprétation. Les tests d’Hardy-Weinberg ont montré que les populations de P. xylostella sont en déséquilibre pour de nombreux loci. Les déviations de l’équilibre sont dues à un déficit d’hétérozygotes pour quatre loci (IDH, MDHP, G6PGH et MPI) et à un excès pour un locus (AAT).

Marqueur ISSR : sept amorces ont été testées mais trois d’entre elles n’ont produit que des « smears » en raison d’une trop faible spécificité. A partir des quatre amorces restantes, 188 bandes ont été sélectionnées et utilisées dans les différentes analyses. La variabilité observée entre les populations est maximale (100% de polymorphisme) et les populations sont hautement différenciées sur le plan génétique (Gst = 0,238). Toutefois, la plus grande part de la variabilité est exprimée entre les individus au sein des populations mais les 19 populations étudiées restent cependant parfaitement identifiables.

Avec les deux marqueurs, on ne constate pas de corrélation entre les distances géographiques et les distances génétiques. Par contre, on observe clairement une structuration génétique des populations à l’échelle mondiale. Cependant avec les isozymes, cette structuration génétique semble plus cohérente. En effet, on distingue un premier groupe réunissant toutes les populations australiennes, un second groupe représenté uniquement par la population du Japon et un troisième groupe réunissant le reste des autres populations

Chapitre IV : Structuration génétique de Plutella xylostella

étudiées. Si on fait un lien avec le type de climat, les populations sont réparties en deux groupes : les populations originaires des régions tropicales (Brésil, Philippines, Bénin et Réunion) et les populations originaires des régions tempérées (Australie, Ouzbékistan, France, USA, Afrique du Sud).

3. Conclusion

Les résultats obtenus avec les deux marqueurs moléculaires ont décrit une très forte variabilité au sein de chacune des populations. Malgré tout, la variabilité entre les populations reste très importante puisqu’elles sont parfaitement bien séparées. Il existe une structuration génétique des populations de P. xylostella à l’échelle mondiale. On peut penser que cette structuration est influencée par le type de climat : tropical ou tempéré.

Ces résultats étaient attendus en raison de la grande échelle géographique couverte par notre étude. Cependant, même des populations relativement proches géographiquement (moins de 600 km) présentent une forte différenciation là où Endersby et al. (2006) concluaient à des populations identiques en utilisant des microsatellites comme marqueurs.

Cette très haute variabilité intra et inter-populations trouve son origine dans la nature du marqueur utilisé (ISSR) ainsi que dans la biologie du ravageur. En effet, les ISSR étant des fragments d’ADN situés sur des portions non-codantes (marqueurs neutres), ils tendent à accumuler les mutations qui apparaissent au cours des générations. Ces mutations peuvent apparaitre en très grand nombre en raison, d’une part, de l’usage d’insecticides, agents mutagènes par excellence, d’autre part, d’un grand nombre de générations (plus de 20) susceptibles de se succéder au cours d’une même année sous des conditions climatiques de type tropical.

ARTICLE 7

Genetic differentiation among various populations of the diamondback