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Stratégies de prospection alimentaire (2) Stratégies sociales

Recrutement local : lorsqu’un vautour découvre une carcasse, ce dernier décrit des cercles puis perd progressivement de l’altitude pour atteindre le site. Les individus à proximité sont attirés par ce signal comportemental, et exécute à leur tour ces déplacements. Cette réaction en chaîne permet la diffusion de l’information aux conspécifiques à moyenne distance, augmentant ainsi leur efficacité de prospection (Buckley, 1996; Silverman et al., 2004; Thiebault et al., 2014) (Source des illustrations : Déom, 2008).

Hypothèse du centre d’information : obtention d’informations passivement partagées par un individu de retour d’un site d’alimentation, à la colonie ou au dortoir collectif. Les conspécifiques ont alors tendance à suivre cet individu ‘informé’ lorsqu’il quitte à nouveau la colonie puisqu’il existe une forte probabilité qu’il retourne sur le site précédemment visité (Harel et al., 2017). Cette stratégie présente une valeur adaptative lorsque la ressource est disponible suffisamment longtemps pour permettre plusieurs allers-retours à la colonie (Richner and Heeb, 1995).

Hypothèse du centre de recrutement : partage actif d’information pour recruter assez de congénères pour tirer les bénéfices de l’alimentation en groupe (Richner and Heeb, 1996).

Prospection en réseau: structuration spatiale de déplacements synchronisés tels que les individus maintiennent entre eux une distance suffisamment grande de façon à couvrir une grande surface de recherche mais assez petite pour maintenir un contact visuel. Stratégie de prospection sociale basée sur le transfert actif d’information entre les individus (Wittenberger and Hunt, 1985; Deygout et al., 2010; Thiebault et al., 2014).

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(Thomson et al., 1997). Ce terme est mentionné pour la première fois en 1971 (Janzen, 1971) pour désigner le comportement de fourragement d’Abeilles à orchidées (ou abeilles euglossines) respectant un plan de vol précis de façon à visiter les mêmes plantes dans un ordre défini et de façon répétée. Du point de vue de la théorie de l’approvisionnement optimal, le traplining est une stratégie optimisant l’équilibre coût/bénéfice en fonction d’un niveau seuil de prévisibilité spatio-temporelle de la ressource alimentaire. Le cas échéant, la distance parcourue et le temps investi dans la phase de prospection sont minimisés (puisque le trajet est optimisé et s’apparente au chemin le plus court), et le gain énergétique est maximisé (puisque la probabilité de trouver des ressources régulièrement renouvelées est élevée).

Stratégie sociales

Plusieurs hypothèses sont débattues quant à l’utilisation et au transfert passif et/ou actif d’information sociale chez les vautours de l’Ancien Monde et du Nouveau Monde (Encadré 2(2), p32). L’apparition soudaine de vautours dans le ciel et le rassemblement d’un grand nombre d’individus autour d’une carcasse dans un laps de temps limité suscitent depuis longtemps de nombreuses interrogations (Tristam, 1874 dans Houston, 1974). Le recours à des stratégies sociales de prospection alimentaire est susceptible d’avoir été favorisé par les bénéfices tirés de l’alimentation en groupe (e.g. accès aux organes internes et aux muscles des cadavres d’ongulés facilité par la participation des congénères qui déchirent les cuirs en tirant la peau de toutes parts avec leurs becs acérés). De récents travaux suggèrent que l’efficacité des stratégies sociales dépend des conditions environnementales locales telles que les patrons de disponibilités des ressources alimentaires (Harel et al., 2017: test de l'hypothèse du centre d'information chez les vautours fauves en Israël) et la densité locale des congénères (Deygout et al., 2010: test de la stratégie de prospection en réseau).

2.5 De fortes contraintes de déplacements

Utilisant la technique du vol à voile, les vautours sont capables d’exploiter les ascendances thermiques et orographiques disponibles dans leur environnement de façon à parcourir de longues distances avec un très faible coût énergétique (e.g. chez le Vautour fauve, Duriez et al., 2014). Si les conditions aérologiques et météorologiques le permettent, les individus peuvent voler plusieurs heures durant sans se poser (Chapitre 4, Article 2).

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Figure 3.1. Principe de formation des ascendances thermiques. Au contact de la surface du sol chauffée par le soleil, l’air froid se réchauffe et s’élève sous forme de bulle d’air chaud.

Figure 3.2. Principe de formation des ascendances orographiques. A la rencontre d’un obstacle, ici un relief montagneux, le vent s’élève dynamiquement le long de la pente. Source des illustrations : Mouze 1998

Figure 4. Représentation triangulaire du compromis de minimisation du temps, de l’énergie et du risque chez les oiseaux pratiquant le vol à voile, à l’instar du Vautour fauve. Chacune de ces trois composantes est estimée par l’efficacité du vol à voile, le vol battu, et l’indice de prise de risque en vol (RAFI,

Risk-aversion flight index ; Horvitz et al. 2014),

respectivement. Les flèches représentent les gradients de minimisation de chaque composante (de la meilleure à la moins bonne minimisation, du plus foncé au plus clair). Meilleure minimisation du temps : l’individu pratique le vol à voile très efficacement ce qui résulte en une vitesse moyenne de vol plus rapide. Meilleure minimisation de l’énergie : l’individu pratique le vol à voile sans battre des ailes. Meilleure minimisation du risque : le vautour plane relativement lentement entre les thermiques (RAFI élevé, proche de 1).

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A la manière d’ascenseurs, les masses d’air chaudes soulevées au contact de la surface du sol réchauffée (géothermie ou « vol thermique » ; Figure 3.1), ou les courants dynamiques créés lors de leur rencontre avec un obstacle ou un relief (orographie ou « vol de pente » ; Figure 3.2), permettent aux vautours de gagner de l’altitude sans dépenser d'énergie. A compétences égales pour localiser les ascendances thermiques, les individus non expérimentés (âgés de moins de cinq ans) pratiquent un vol à voile moins efficace – et donc plus énergivore - comparativement aux adultes qui décrivent des spirales optimales à l’intérieur des thermiques (Harel et al., 2016b). Chez les grands planeurs tels que les vautours, c’est le vol battu, principalement utilisé lors des phases de décollage et d’atterrissage, qui requiert d’importantes ressources énergétiques (Duriez et al., 2014; Norberg, 1996). La dépendance du vol à voile aux conditions environnementales place les vautours face à un véritable compromis de minimisation du temps investi, de l’énergie dépensée et du risque encouru lorsqu’ils s’engagent dans un déplacement (Chapitre 5, Article 3 ; Figure 4).

2.6 Problématiques et questions abordées dans ma thèse

Dans le cadre de mon doctorat, j’ai choisi d’étudier les stratégies de déplacements des vautours fauves et les processus en jeu dans les prises de décision individuelles en adoptant une approche mécaniste multi-sites et multi-échelles.

La première question soulevée se situe à l’interface entre écologie comportementale et biologie de la conservation : Le soutien alimentaire représente-t-il un risque de piège évolutif chez une espèce nécrophage stricte comme le Vautour fauve ? (Chapitre 3, Article 1). J’ai choisi d’aborder le risque de piège évolutif auquel peuvent être confrontés les vautours face à la modification des paysages et des dynamiques naturelles des ressources biotiques et abiotiques, induite par un outil de conservation tout aussi répandu que controversé. En utilisant des outils méthodologiques récents basés sur des analyses de Fourier et des analyses d’entropie conditionnelle, j’ai tenté de répondre aux questions suivantes : En augmentant la prévisibilité spatiale et temporelle des carcasses, le soutien alimentaire crée-t-il une dépendance comportementale chez les vautours fauves installés sur le territoire ? Le cas échéant, les individus adoptent-ils des comportements stéréotypés vis-à-vis des sites d’équarrissage naturels à l’échelle temporelle (i.e. périodicité des visites sur ces sites) ? et/ou à l’échelle spatiale (i.e. recours à une stratégie de prospection de type traplining) ?

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Encadré 3. Principes de l’accélérométrie

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