• Aucun résultat trouvé

Stratégies développées par les végétaux pour limiter les effets délétères du plomb

4. Les mécanismes de tolérance des plantes au plomb

4.2. Stratégies développées par les végétaux pour limiter les effets délétères du plomb

plomb

Afin de contrer les effets délétères induits par la présence de plomb dans leur milieu de culture les plantes ont mis en place deux types de stratégie. La première est l’évitement qui consiste : 1) à accumuler le plomb dans l’apoplasme et/ou 2) à le séquestrer rapidement dans les vacuoles s’il parvient jusqu’au symplasme. Ces mécanismes ne sont pas exclusifs (Yang et al., 2005; Clemens, 2006). Dans la deuxième stratégie, les structures intracellulaires sont exposées au polluant mais sont peu affectées du fait de caractéristiques particulières qui leur permettent de tolérer des teneurs élevées en Pb. Ces mécanismes peuvent correspondre à une tolérance constitutive. Ce phénomène a été montré au laboratoire dans le cas de la sécheresse. D’après le modèle construit, une des capacités induite est l’autolyse cellulaire adaptative (ACA) qui permet notamment la dégradation de protéines, et la remise en circuit de précurseurs pour la synthèse de protéines permettant l’adaptation cellulaire au nouvel environnement (Zuily-Fodil et al., 1990; Roy-Macauley et al., 1992; El Maarouf et al., 1999; Cruz de Carvalho et al., 2001; D'Arcy-Lameta et al., 2006).

4.2.1. La stratégie d’évitement

Chimiquement, le Pb est classé comme un acide de Lewis faible. Il peut se lier par liaisons covalentes fortes dans les sols et dans les plantes. A la surface des racines, les ions Pb2+ se lient aux groupements carboxyles des acides uroniques du mucilage sécrété par les cellules racinaires. Ainsi, celui-ci forme une barrière protectrice du système racinaire (Morel et al., 1986). Dans les parois cellulaires, le Pb peut se lier aux groupements carboxyles tels que l’acide galacturonique et l’acide glucuronique (Rudakova et al., 1988). Ces différentes liaisons immobilisent efficacement le Pb dans l’apoplasme.

31 Si les sites apoplastiques de fixation du Pb ne sont pas suffisamment nombreux, l’élément peut intégrer le symplasme. Les cellules des tissus concernés le séquestre dans des vacuoles (Antosiewicz et Wierzbicka, 1999) et le rendre ainsi inactif. Le plomb entrant dans les cellules sous forme ionique est rapidement lié à des chélateurs internes tels que le glutathion ou les phytochélatines. L’ion Pb2+ lié au GSH est ensuite transféré à une PC (Mehra et al., 1995). Du Pb est retrouvé sous forme de dépôts et d’agrégats dans les vacuoles (Wierzbicka et Antosiewicz, 1993; Meyers et al., 2008). Il existe donc des transporteurs au niveau du tonoplaste permettant le passage du Pb. Ces molécules n’étant pas à ce jour clairement identifiées, il est possible de penser qu’il s’agirait de transporteurs du même type que les transporteurs ABC impliqués dans la séquestration du complexe Cd-PC.

Ainsi la possibilité de fixation du plomb dans les parois cellulaires et son stockage dans les vacuoles constituent une forme de tolérance au Pb par évitement (Piechalak et al., 2002). Cependant des mécanismes de protection plus directs peuvent être mis en jeu par certaines espèces végétales.

4.2.2. La protection et la tolérance vis à vis des métaux lourds

Certaines plantes présentent des mécanismes de protection contre les ROS produits lors de nombreuses contraintes abiotiques comme la sécheresse (Esfandiari et al., 2008), l’ozone (Dizengremel et al., 2008), les variations de température, la salinité (Miller et al., 2008) et la présence d’un métal lourd tel que le Pb. Ils visent à la protection de molécules dont les protéines ; dans le cas où celles-ci sont endommagées, un système endoprotéolytique permet de les dégrader.

a. Détoxification des ROS

Les radicaux superoxydes formés dans les cellules sont transformés en H2O2 par la superoxide dismutase (SOD) (Sandalio et del Río, 1987; del Rio et al., 2003). Ces molécules d’H2O2 sont ensuite dégradées par la catalase (CAT) et l’ascorbate peroxydase (APX) dans les peroxysomes, par la peroxyredoxine et le cycle ascorbate-glutathion (ou cycle d’Halliwell- Asada) dans les chloroplastes et le cytosol, et seulement par le cycle ascorbate-glutathion dans les mitochondries (Mittler et al., 2004). Ce cycle met en jeu des molécules de GSH et d’ASC et implique différentes enzymes : une ascorbate peroxidase (APX), une glutathion réductase

32 (GR), une monodehydroascorbate réductase (MDHAR) et une dehydroascorbate réductase (DHAR) (Asada, 1996; Noctor et Foyer, 1998) (Fig. 10).

L’APX réduit une molécule d’H2O2 en H2O, en utilisant deux molécules d’ASC. Cette réaction génère deux molécules de monodehydroascorbate (MDHA) (Noctor et Foyer, 1998). Le MDHA peut être réduit directement en ASC par la MDHAR et le donneur d’électron pour cette réaction peut être le NAD(P)H2 (Asada, 1997). Au cours de cette réaction, du dehydroascorbate (DHA) est formé. Il est réduit en ASC par la DHAR qui utilise le GSH comme substrat (Foyer et Halliwell, 1976). Cette réduction s’accompagne d’une production de glutathion disulfide (GSSH), qui est ensuite réduit en GSH par la GR en présence de NADPH (Van Montagu et Inze, 1992; Noctor et Foyer, 1998).

Le GSH peut aussi intervenir directement pour minimiser l’effet des ROS en capturant les radicaux oxygénés dans la phase aqueuse protégeant ainsi les membranes (Barclay, 1988). En présence de Pb, une augmentation des activités de l’APX, la GR, la SOD et la CAT est observée chez différentes espèces végétales telles que Sesbania drummondii (Ruley et al., 2006), Oryza sativa (Verma et Dubey, 2003), Pisum sativum (Malecka et al., 2001) et Ceratophyllum demersum (Mishra et al., 2006) traduisant ainsi une augmentation de la prise en charge des ROS.

33

Figure 10 : Le cycle ascorbate-glutathion chez les plantes ; SOD : superoxide dismutase, APX : ascorbate peroxydase, MDHA : monodehydroascorbate, MDHAR : monodehydroascorbate réductase, DHA : dehydroascorbate, DHAR : dehydroascorbate réductase, GSH : glutathion, GSSH, glutathion disulfide, GR glutathion réductase. La stoichiométrie n’est pas respectée pour toutes les réactions (Noctor et Foyer, 1998).

b. Les molécules chaperonnes

L’expression de gènes codant des HSPs (Heat Shock Protein) est induite chez tous les organismes vivants, en réponse à la chaleur (Lindquist et Craig, 1988). Les HSP/chaperonnes (HSP60, HSP70 et HSP90) aident au repliement de protéines spécifiques (Hartl, 1996; Bukau et Horwich, 1998; Buchner, 1999; Frydman, 2001), et interagissent avec une grande gamme de protéines co-chaperonnes qui régulent leur activité (Wang et al., 2004). Les HSP70 agissent plus particulièrement dans la prévention de la formation d’agrégat de protéines immatures et dans l’aide à leur repliement aussi bien en condition normale qu’en condition de contrainte (Wang et al., 2004).

34 Lors de l’exposition à différentes contraintes (Heikkila et al., 1984) et notamment à des métaux lourds tels le Cd et le Pb (Vierling, 1991; Lewis et al., 2001) et à l’augmentation de la quantité d’O2 accumulée (Efremova et al., 2002; Rau et al., 2007; Wang et al., 2008), une augmentation de l’expression et de la quantité d’une HSP70 a été observée chez différentes espèces végétales dont Fucus serratus, Lemna mirror et Vicia faba. Les molécules chaperonnes de type HSP70 interviennent donc dans la protection des protéines contre les dommages provoqués par le Pb.

c. Les systèmes protéolytiques

Les protéines sont une des plus principales cibles des ROS induisant une augmentation de la teneur en protéines carbonylées (Dean et al., 1997). Le pool de protéines ainsi oxydées doit être dégradé afin d’éviter l’accumulation de protéines non fonctionnelles (Shringarpure et al., 2003). Le système protéolytique végétal est composé par les protéases, principalement localisé dans les lysosomes et organites, et la voie ubiquitine-protéasome, dans le cytosol et le noyau (Rawlings et al., 2004; Kurepa et Smalle, 2008).

Pena et son équipe ont étudié les effets de plusieurs métaux lourds dont le Pb sur le fonctionnement du système protéolytique d’Helianthus annuus L. (Pena et al., 2008). Tous les métaux testés inhibent l’activité du protéasome 20S. Dans le cas du Pb cette inhibition ne semble pas due à la contrainte oxydative et donc pas à l’accumulation des protéines carbonylées, comme cela est le cas lors des traitements par le Cu ou l’Hg. En présence de Pb une augmentation des protéines conjuguées à l’ubiquitine est observée. Dans les conditions normales les protéines polyubiquitinées ne s’accumulent pas dans les cellules puisqu’elles subissent une protéolyse spécifique par le système ubiquitine-protéasome. Le niveau intracellulaire des protéines ubiquitinées reflète alors la balance entre le taux d’ubiquitinisation des protéines et le taux de dégradation des protéines ubiquitinées. Dans le cas d’un stress cellulaire l’accumulation des protéines ubiquitinées reflèterait plutôt une diminution de l’activité du protéasome qu’une augmentation des processus d’ubiquitinisation (Vierstra, 2003). En conclusion, les dommages oxydatifs ne semblent pas être les seuls responsables de la diminution de l’activité protéasome/protéase, dans le cas d’une contrainte métallique.

Il a cependant été montré que les protéines carbonylées sont la cible de protéases comme certaines endoprotéases (Pena et al., 2006) qui les dégradent permettant ainsi d’obtenir des acides aminés libres pour la synthèse de nouvelles protéines (Palma et al., 2002).

35 Il existe quatre familles d’endoprotéases : les protéases à serine, les protéases à cystéine, les protéases à acide aspartique et les métallo-protéases. Elles sont impliquées dans la germination, la sénescence (Huffaker, 1990; Buchanan-Wollaston et Ainsworth, 1997; Palma et al., 2002) et la réponse à certaines contraintes comme la sécheresse (Zuily-Fodil et al., 1990; Roy-Macauley et al., 1992; Cruz de Carvalho et al., 2001; Drame et al., 2007), la contrainte oxydative (Solomon et al., 1999).

D’autres études ont montré qu’en réponse aux dommages oxydatifs, les activités des endoprotéases sont stimulées chez les plantes (Gallego et al., 2002; Romero-Puertas et al., 2002) de même qu’en réponse à la présence de métaux lourds tel que le Cd, l’Hg ou le Pb (Jana et Choudhuri, 1984; McCarthy et al., 2001; Garcia et al., 2006; Pena et al., 2006).