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Les stratégies développées par la municipalité pour faire face à ses besoins

On l’a vu, les difficultés que Gitega rencontre dans l’administration de sa fiscalité locale sont de plusieurs ordres, et touchent tous les segments de la chaîne fiscale : la définition de l’assiette et des taux an amont, ainsi que le recensement et le recouvrement. Des efforts de gestion des finances locales ont toutefois été déployés, dont la traduction la plus évidente est un accès réussi à l’emprunt, démonstration qu’en dépit des difficultés mentionnées plus haut, la commune parvient à maintenir une dynamique de gestion relativement saine.

Réviser les taux à la hausse, une initiative trop circonscrite dans le temps

La révision des taux de la fiscalité locale est une nécessité pour toutes les collectivités locales du Burundi. La monnaie burundaise n’a cessé d’être dévaluée, mettant les budgets locaux sous pression, et requérant une hausse des taux comme variable d’ajustement.

Gitega a donc rehaussé les taux relatifs aux impôts sur l’activité économique en 2005, afin de capturer une partie des opportunités de renforcement de recettes fiscales ouvertes par la croissance des activités économiques de la ville et corriger les effets de la dévaluation de la monnaie sur son budget. Cet effet taux, entendu comme une variation du produit des impôts et taxes sur les activités économiques suite à la révision des taux, à base constante, a permis à la commune d’accroître une partie de ses recettes fiscales. Néanmoins, les taux étant fixés par la loi nationale, cette initiative communale se place dans l’illégalité et rend difficile sa réitération.

18Monographie de la commune de Gitega, Ministère de la Planification du Développement et de la Reconstruction Nationale, UNDP, Septembre 2006.

19La région de Gitega regroupe 11 communes, et la ville de Gitega, qui porte le même nom, en est le chef-lieu.

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Encadré 3. La clarification des lois nationales est un pré requis, illustration par l’action de la GIZ au Rwanda

Dans son objectif de renforcement des capacités des collectivités locales au Rwanda, la GIZ a mené deux actions : un accompagnement des différents Ministères responsables de la décentralisation dans l’élaboration d’un nouveau cadre législatif sur les sources de revenu des collectivités locales, et un appui technique à ces dernières dans leurs efforts de mobilisation des recettes fiscales. Cette initiative a permis de donner un cadre législatif clair, facilitant l’action des municipalités, d’élargir la base fiscale et d’intégrer une composante sociale importante en reflétant les capacités contributives des différentes couches de la société. Ainsi, concernant l’impôt foncier, les petites propriétés sont exonérées tandis que les exonérations qui concernaient les grandes propriétés ont toutes été supprimées. Si des tentatives analogues ont eu lieu plusieurs fois au Burundi, afin de permettre la révision des bases et des taux de la fiscalité locale, celles-ci n’ont pas encore donné de résultats tangibles, bien que l’urgence de ces réformes soit forte.

Source : Entretien avec Wenceslas Nbiyizi, GIZ

Renforcer les services de recouvrement : des mesures encore insuffisantes pour changer la donne de manière significative

Gitega a également initié quelques mesures pour d’améliorer les conditions du recouvrement fiscal, à travers notamment :

§ une incitation financière dirigée vers les percepteurs qui sont en droit de retenir 10% du produit de la taxe sur la bière locale ;

§ l’informatisation du service en 2012, qui permet de remplacer le travail manuel et les supports papiers par des fichiers permettant d’accéder rapidement au nom et au dossier du contribuable ;

§ le recours au recouvrement forcé (mesures contraignantes) avec notamment la fermeture de 40 établissements en 2011, 25 en 2012, et 16 en 2013.

Des signes d’amélioration des recettes fiscales ont visiblement été enregistrés, en témoignent les chiffres avancés lors de l’enquête (une réalisation de 84% en 2011 avec 111 167 777 Fbu de montant recouvré sur le prévu, et, 118% en 2014 pour une collecte de 156 835 893 Fbu sur 132 265 000 prévus sur l’année 2013). Cependant, ces dispositifs restent fragiles aux yeux des acteurs locaux : tout le service comptable gagnerait en effet à être pareillement informatisé. De même, suite à l’acquisition de matériel informatique en 2012, la commune a développé elle-même son fichier de suivi des contribuables, bien que les agents jugent qu’un logiciel adapté aux besoins spécifiques du recouvrement devrait être mis sur pied afin de faciliter le suivi des paiements.

Bien qu’exemplaires, ces initiatives restent relativement modestes pour véritablement infléchir de manière significative les recettes de la commune.

Un recours à l’emprunt.. à deux reprises

Malgré ses difficultés, la municipalité est parvenue à obtenir un premier crédit auprès de l’Interbank Burundi en juillet 2007 afin de financer l’achat d’une benne servant aux travaux de construction des écoles et l’achèvement de la construction d’un immeuble commercial abritant les bureaux de la commune, resté en chantier pendant plusieurs années.

Le second crédit contracté par la commune auprès de la même banque, à hauteur de 161 millions FBU (77 051€ et 21.76% du budget de la commune), a servi à financer la construction d’une école technique secondaire et à réhabiliter l’immeuble qui abrite les bureaux municipaux.

40 Figure 12 : CARACTERISTIQUES DES CREDITS OBTENUS PAR LA COMMUNE DE GITEGA

Type de crédit Banque Date Montant

(FBU) Taux d'intérêt

(%) Maturité

1er crédit Interbank

Burundi 12/07/2007 60.000.000 18,76 2 ans 2nd crédit Interbank

Burundi Mai 2012 161 000 000 16,75 3 ans

Source : Commune de Gitega

Contracté auprès d’une banque locale, l’emprunt de la municipalité de Gitega illustre deux points :

§ il constitue tout d’abord le signe d’une bonne gestion. Selon les acteurs locaux, la banque a en effet considéré au préalable le mouvement de fonds effectué par les percepteurs sur le compte bancaire de la commune, et jugé ces éléments satisfaisants ;

§ Cette démarche reflète une certaine stratégie de programmation budgétaire. Consciente de la difficulté de financer les projets de développement qu’elle envisage avec ses seules ressources propres, Gitega a eu recours au crédit afin d’apporter les fonds additionnels nécessaires.

La commune prévoit par ailleurs de contracter un nouveau crédit une fois la totalité de ses remboursements réalisés. Or, les propos recueillis durant l’enquête auprès d’agents techniques semblent indiquer une stratégie de réduction des dépenses de fonctionnement plutôt que de renforcement des recettes pour dégager des marges de manœuvre en matière d’investissement, élément contradictoire au vu de l’état des recettes fiscales et de leur potentiel d’accroissement.

« La commune injecte des fonds considérables pour l'investissement après avoir effectué ses dépenses de fonctionnement sur les recettes perçues. Il y a très peu de communes du pays qui parviennent à investir avec des fonds propres. La commune essaie de comprimer ses dépenses de fonctionnement pour pouvoir investir. Mais ceci n'est pas sans conséquence. Le personnel communal n'est pas très motivé. Il se plaint de ses salaires très bas. »

Une politique d’investissement modeste au regard des besoins de la ville

L’examen de l’évolution de la part du budget alloué aux dépenses d’investissement au cours des cinq dernières années révèle une proportion croissante de ces dernières (Figure 13). La plus notable concerne l’exercice 2012, année correspondant à l’obtention du second crédit par la ville. Cette évolution confirme une réelle volonté politique d’investissement sur le territoire, et la volonté de la commune de se tourner vers d’autres sources de financement, telles que l’emprunt et la coopération bilatérale.

Figure 13 : PART DU BUDGET DE GITEGA CONSACREE AUX INVESTISSEMENTS AU COURS DES 5 DERNIERES ANNEES (%)

2009 2010 2011 2012 2013

35.29 24.72 34.25 50.30 42.14

Source : Commune de Gitega

La composition de ces dépenses d’investissement (cf. Figure 14) montre que plus de la moitié est tournée vers la construction d’écoles et la rénovation des bâtiments administratifs communaux (54%). Viennent ensuite les infrastructures socio-économiques (35%), et enfin les dépenses d’équipement pour la commune (11%). L’essentiel de l’effort d’investissement est donc tourné vers l’édification, la rénovation et l’équipement de bâtiments à usage administratif et scolaire.

41 Figure 14 : DEPENSES D’INVESTISSEMENT REALISEES PAR LA COMMUNE DE GITEGA

Dépenses d'investissement principales % Construction écoles et bâtiments administratifs 53,8 Infrastructures socio-économiques 35,19

Matériel, machines et équipement 11,01

Total 100

Source : Commune de Gitega

D’autre part, réinterrogés sur ce qu’ils estimaient être les défis urbains auxquels la municipalité devait faire face de manière prioritaire, les agents ont mis en avant la défaillance du réseau routier et du système d’éclairage urbain. La formulation de ces urgences signale la faiblesse des infrastructures de base et la modestie des moyens dont la ville dispose actuellement pour y faire face.

En forme de bilan, on constate :

§ une commune qui déploie, de facto, de véritables stratégies d’investissement mais dont le fléchage peut encore difficilement être ambitieux tant les montants restent modestes ;

§ une ville qui a réussi à améliorer sa gestion financière pour l’investissement, mais qui peine à grossir ses recettes fiscales alors même que le rattrapage à effectuer en matière de services publics de base est important.

3 questions à Omer Ndayishimiye, Conseiller Municipal de la Ville de Gitega

* La fiscalité locale est-elle adaptée aux besoins de Gitega ?

Les impôts et les taxes sont plus ou moins adaptés aux besoins de la commune car il y a un équilibre entre les recettes de fonctionnement et les dépenses de fonctionnement. Cependant après avoir exécutées toutes les dépenses de fonctionnement, il ne reste plus grand chose pour l'investissement. Pour améliorer la situation actuelle, il faut élargir l'assiette fiscale et inventorier tous les produits taxables pour un recouvrement exhaustif.

* Quels sont les points forts et les points faibles de l'organisation actuelle de l'administration fiscale de Gitega ? Les points forts : nous avons une administration territoriale bien structurée qui permet un recouvrement adéquat. L'adressage de la ville qui est en cours va nous permettre d'inventorier facilement tous les produits taxables.

Les points faibles : l'assiette fiscale n'est pas suffisamment large et la commune n'a pas le droits d’en fixer le taux ; l'ordonnance ministérielle fixant le taux fiscal est vieille, elle date de 1997. Les autorités centrales ont, par ailleurs, imposé aux communes l'exonération fiscale pour les confessions religieuses et les organismes internationaux comme le CICR, les agences des Nations Unies et d'autres ONG.

Ainsi, nos besoins se situent au niveau de l’élargissement de l'assiette fiscale, de la révision de l'ordonnance ministérielle fixant les taux fiscaux et de la suppression des exonérations fiscales, en proposant des taux relativement bas.

* Quels sont les défis urbains auxquels la commune doit faire face ?

Les défis urbains auxquels la commune fait face sont : le manque d'éclairage public, la gestion des déchets solide et liquide, le manque d'une bonne voirie urbaine. Les politiques publiques mises en œuvre pour faire face à ces défis : faire appel aux partenaires techniques et financiers, organiser la population pour des travaux de développement communautaires, améliorer la fiscalité locale pour qu’après les dépenses de fonctionnement, on puisse émarger un montant annuel pour les dépenses d'investissements.

CE QUIL FAUT RETENIR

_ Les moyens techniques et humains dont dispose la municipalité ne sont pas suffisants pour insuffler une dynamique vigoureuse de collecte de la fiscalité locale. Les besoins sont nombreux, entre la nécessité de procéder à un nouveau recensement, de réfléchir à un

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dispositif d’actualisation pérenne, celle de suivre les contribuables, et de se doter en moyens informatiques adaptés, susceptibles de faciliter l’administration de la chaîne fiscale (réduction des coûts, redéploiement des ressources humaines, logiciels et procédures ad hoc).

_ Face aux blocages institutionnels nationaux, au manque de moyens techniques et humains, la municipalité peut être tentée de s’engager davantage dans une stratégie à court terme de réduction de ses dépenses de fonctionnement que de renforcement de ses recettes, créant un risque d’affaiblissement structurel de ses marges de manœuvre futures.

_ Bien que la municipalité ait pu accéder à l’emprunt à deux reprises pour financer ses investissements, les moyens dont elle dispose sont limités en valeur absolue et le fléchage de ces financements reflète la modestie des projets au regard des besoins de base recensés.

_ Retravailler l’organigramme communal en profondeur et responsabiliser les différents services – en l’occurrence le service financier – afin d’organiser de manière plus rigoureuse le recouvrement fiscal semble être une solution adoptée par les acteurs du développement qui soutiennent Gitega. L’appropriation de cette dynamique par les agents locaux devrait se révéler au travers d’un dialogue opérationnel et stratégique plus étroit entre élus et services techniques, seul à même de maintenir dans le temps une dynamique de mobilisation des ressources endogènes (cf. l’étude de cas sur Marrakech où la refonte des administrations a été un facteur clef dans le renforcement des recettes municipales).

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Réorganiser les services de recouvrement pour augmenter les