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LA CULPABILITÉ ET SON INFLUENCE

Section 2. Les effets de la culpabilité sur la persuasion et les comportements de don

1. LES STIMULI CULPABILISANTS

1.1. Les stimuli verbaux

L’étude de la culpabilité dans les relations interpersonnelles a montré que cette émotion était utilisée comme moyen d’influence afin que l’individu adopte un comportement conforme à la requête formulée par le demandeur (O’Keefe, 2002). En rejetant une première requête, l’individu se sent coupable et va donc, pour soulager sa culpabilité, répondre favorablement à une seconde requête (O’Keefe et Figge, 1997).

Vangelisti, Daly et Rudnick (1991) ont identifié douze techniques pour susciter de la culpabilité dans des relations interpersonnelles dont quatre sont majoritairement

44 employées : (1) rappeler à la personne ses obligations dans la relation au demandeur ou à une tierce personne (« tu n’as pas fait telle chose, pourtant tu le dois »), (2) lister les sacrifices ou concessions faits par le demandeur pour une tierce personne, (3) rappeler ses responsabilités à la personne ou (4) comparer le comportement de la personne à celui du demandeur ou d’une tierce personne. La mise en avant de la responsabilité individuelle, du tort causé et de la transgression de valeurs ou de normes vont permettre de générer de la culpabilité (Hoffman, 1982 ; Izard, 1977 ; Kubani et Watson, 2003). L’utilisation de l’empathie, si le demandeur demande à la personne de se mettre dans la situation du demandeur ou d’imaginer ce qu’il ressent, est également un moyen d’induction de culpabilité (Miceli, 1992 ; Miceli et Castelfranchi, 1998).

1.2. Les stimuli écrits

Les messages culpabilisants sont généralement composés de deux parties. La première va pointer un décalage entre un comportement et un standard moral. Ensuite le message présentera le moyen de réduire ou d’éviter la culpabilité ressentie (O’Keefe, 2002). Les trois formes de culpabilité identifiées dans la littérature en psychologie peuvent être utilisées en communication publicitaire. En général, la culpabilité anticipée est la plus utilisée devant la culpabilité réactive et la culpabilité existentielle (Huhmann et Brotherton, 1997). Dans le cas de la culpabilité réactive, l’annonce présentera un produit permettant de diminuer le sentiment de culpabilité (Burnett et Lunsford, 1994). Lorsqu’un message utilise la culpabilité anticipée, l’utilisation du produit préconisé (Burnett et Lunsford, 1994) ou l’adoption du comportement recommandé (Lindsey, 2005) permettra d’éviter de ressentir ce sentiment. La culpabilité anticipée entraînerait des attitudes plus favorables que la culpabilité réactive car elle est perçue moins négativement et moins intensément (LaBarge et Godek, 2006). Enfin, la culpabilité existentielle est la forme de culpabilité la plus utilisée en publicité par le secteur caritatif. Les associations insistent dans leur message sur la responsabilité du récepteur à soulager la souffrance des victimes de pauvreté, de famine ou de catastrophes naturelles (Huhmann et Brotherton, 1997).

Burnett et Lunsford (1994) ont identifié les thèmes les plus souvent utilisés en communication publicitaire pour faire ressentir de la culpabilité au récepteur : la

45 culpabilité financière (achats extravagants ou inutiles), la culpabilité liée à la santé (consommation de produits néfaste : graisse, cigarette), la culpabilité relative à la responsabilité sociale (oubli de dates d’anniversaire, ne pas donner à une association) et la culpabilité morale (transgression de valeurs morales personnelles). Ces deux derniers thèmes peuvent être utilisés par les associations lors de leurs sollicitations.

Selon Lindsey (2005), pour être efficace un mailing culpabilisant doit :

- induire une croyance dans une menace existante ou imminente afin d’obtenir des sentiments de culpabilité anticipée. Il s’agit de la raison qui poussera à agir. - présenter un comportement préconisé efficace :

o efficacité de la réponse : efficacité des recommandations proposées pour remédier au problème et

o efficacité personnelle : la capacité du lecteur à réaliser l’action recommandée28.

Ces recommandations de rédaction de messages sont issues des travaux sur les appels à la peur et du modèle de la motivation à se protéger de Rogers (1975). Rogers propose un modèle intégrant les conditions d’efficacité du déclenchement du processus de contrôle du danger. Le message faisant appel à la peur sera efficace si la menace présentée est suffisamment forte ou sérieuse (sévérité perçue de la menace), si la probabilité d’occurrence de cette menace est forte et si la solution proposée par le message pour réduire cette menace est efficace et réalisable (efficacité de la solution et efficacité personnelle). Sans recommandations efficaces, l’individu contrôlera le danger et non la menace présentée. Ce modèle a été validé dans le cas de messages culpabilisants (Basil, Ridgway et Basil, 2008 ; Bécheur, 2006).

Il est également important d’induire un sens de la responsabilité dans le message afin que les individus se sentent bien coupables (Basil, Ridgway et Basil, 2001 ; 2006 ; Brennan et Binney, 2010) et d’insister sur le besoin urgent d’aide (Ruth et Faber, 1988) pour qu’ils agissent. L’individu doit tout d’abord se sentir responsable d’avoir causé la situation ou de ne pas avoir pu empêcher cette situation. S’il ne se sent pas responsable,

28

Exemple : « Beaucoup de gens meurent de leucémie. Je peux faire quelque chose pour stopper la

souffrance de ces individus : m’enregistrer comme donneur potentiel de moelle ou je me sentirai coupable si je ne fais rien pour aider ».

46 il ne ressentira pas de culpabilité (Kubany et Watson, 2003 ; Regan, 1971 ; Weiner, Graham et Chandler, 1982).

L’empathie serait également un moyen d’induire de la culpabilité dans un message écrit. La capacité de se mettre à la place d’autrui améliore les comportements prosociaux, cette émotion pourrait s’avérer efficace afin de développer de la culpabilité dans un message de collecte de fonds (Basil, Ridgway et Basil, 2006 ; 2008). Cette hypothèse s’est vérifiée : le message uniquement basé sur de l’empathie donne des réponses de culpabilité plus fortes que celui présentant de l’empathie et de la culpabilité et que celui n’utilisant que la culpabilité. L’utilisation de l’empathie peut ainsi permettre d’éviter les phénomènes de réactance déclenchés par l’utilisation d’une trop forte culpabilité (Basil, Ridgway et Basil, 2006 ; 2008).

Les effets des messages basés sur la culpabilité ont été étudiés en communication marchande et en marketing social dans le but de prévenir des comportements à risque et dans le but de récolter des fonds.