• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE I : LES SYSTEMES DE SUPPLEANCE VISUELLE

7) La stimulation du système nerveux

Le système nerveux est composé de neurones constitués eux-mêmes d’un corps cellulaire (ou soma, Figure 26) auquel sont connectées des ramifications dendritiques en entrée et un prolongement axonal, en général unique, en sortie. Lorsqu’un neurone est excité par l’intermédiaire de ses dendrites, une réponse appelée potentiel d’action peut apparaître à la base de son axone et se propager le long de celui-ci (Figure 26). La sommation des potentiels arrivant sur les dendrites conditionne l’excitation ou non du neurone. Si cette somme de potentiels dépasse le seuil d’excitabilité du neurone, un potentiel d’action va être généré au point d’insertion de l’axone et va ensuite se propager dans celui (Figure 27).

56

Figure 26: Schéma d'un neurone. Un potentiel d’action est initié au niveau du cône axonal, quand la somme des potentiels provenant des dendrites dépasse un seuil d’excitabilité. Ce potentiel d’action se propage tout le long de l’axone jusqu’aux terminaisons axonales. Le potentiel de repos des neurones est de -70 mV. Ce

potentiel devient positif (+40 mV) lors du passage du potentiel d’action.

Figure 27: Un potentiel d'action est généré quand un neurone est excité. Le neurone passe par une phase de dépolarisation et d’inversion de potentiel puis d’hyperpolarisation de la membrane avant de revenir au potentiel de repos. Ces étapes sont suivies d’une période réfractaire pendant laquelle le neurone ne peut plus être excité. Le seuil d’excitabilité au-delà duquel un potentiel d’action est généré est d’environ -55 mV.

Il existe différentes manières d’interférer dans le fonctionnement du système nerveux en injectant de manière directe ou indirecte des courants électriques dans celui-ci.

57

Stimulation de surface : Stimulation Magnétique Transcrânienne

La TMS (Transcranial Magnetic Stimulation) est une technique utilisée en clinique pour le diagnostique de maladies neurologiques. Elle est cependant utilisée de plus en plus comme un outil de recherche en neurosciences. Cette méthode permet de stimuler des zones du cerveau depuis la surface du crâne, en appliquant une stimulation magnétique sur l’encéphale à travers le crâne au moyen d’une bobine métallique. Une variation rapide du champ magnétique (quelques µsecondes) induit un courant électrique perturbant le fonctionnement des neurones de la zone stimulée. Cette méthode permet d’évoquer des percepts visuels (phosphènes) en stimulant le cortex visuel (Kammer et al., 2005).

Figure 28: Illustration de la TMS (Source: Mayo Foundation for Medical Education and Research).

Le fait que la TMS ne nécessite aucune chirurgie en fait un outil de plus en plus étudié pour l’interaction homme-machine. Il n’est en revanche pas possible de stimuler avec précision une petite population de neurones dans une zone du cerveau bien définie puisque les courants électriques induits se propagent sur plusieurs centimètres, impliquant des millions de neurones et de nombreux circuits à chaque stimulation. Il faut utiliser des méthodes plus invasives pour stimuler l’encéphale de manière très précise.

Stimulation intracrânienne : électrodes de surface et intracorticales

La stimulation à l’aide d’électrodes directement en contact avec le système nerveux permet d’accroître la précision et de diminuer le courant électrique de stimulation nécessaire.

58

Les électrodes de stimulation de surface sont disposées à la surface du cerveau dans une zone que l’on souhaite stimuler. Brindley en 1968 (Brindley and Lewin, 1968) a été le premier à disposer une matrice de 80 électrodes de surface sur l’hémisphère droit, et plus particulièrement sur le cortex visuel.

Figure 29: Radiographie d'une matrice d'électrodes posée sur l'hémisphère droit du cerveau d'un patient atteint d'un glaucome aux deux yeux (Brindley and Lewin, 1968)

Le sujet était un homme, 52 ans, myope depuis le jeune âge qui avait un glaucome aux deux yeux ayant abouti à une cécité de l’œil gauche.

En 1996, une autre étude a été faite en implantant 38 électrodes intracorticales à 2 mm de profondeur dans le cortex visuel d’une femme de 42 ans. Cette personne avait un glaucome depuis 22 ans et n’avait plus aucune perception de lumière (Schmidt et al., 1996). (Figure 30).

59

Figure 30: Électrodes de stimulation intracorticales de 2 mm de longueur et 20 micromètres de diamètre. Celles-ci pouvaient être espacées de 250, 500 ou 750 micromètres (Schmidt et al., 1996).

L’objectif de ces deux études était d’établir la faisabilité d’une neuroprothèse visuelle en établissant les règles de transformation d’une image en une série de stimulations caractérisées par leur position, leur intensité et leur fréquence. Dans les deux études, les sujets devaient décrire les percepts induits par les stimulations. Du fait de la cécité d’un seul œil dans l’étude de Brindley, le patient pouvait indiquer grâce à son autre œil la position précise du phosphène et le décrire verbalement. Dans l’étude de Schimdt, la position du percept était indiquée en plaçant une fléchette sur un jeu de fléchettes circulaire divisé en 5 cercles concentriques représentant l’excentricité du percept. Les sujets devaient essayer de garder le regard fixe. La position des percepts était indiquée de manière absolue (pointage) ou relativement à d’autres phosphènes (eg : à gauche du précédent). Dans les deux études une carte des percepts en fonction de la position de la stimulation pu être établie, sans qu’il soit possible de s’assurer de leur reproductibilité étant donné le faible nombre de sujets. Il y a en revanche de nombreux résultats convergents ou complémentaires entre les deux études.Du centre jusqu’à 10° d’excentricité, les percepts étaient décrits comme des petits

60

points lumineux et au-delà de 10° comme des grains de riz ou des nuages (Brindley and Lewin, 1968). Les percepts étaient généralement uniques en partie centrale, mais pouvaient comporter jusqu’à une dizaine de percepts pour les excentricités élevées. Lorsque plusieurs percepts simultanés étaient présents pour une seule stimulation, le fait de diminuer le potentiel de la stimulation ne faisait pas diminuer le nombre de percepts mais parfois sa taille (Schmidt et al., 1996). Un potentiel de stimulation trop élevé (trois fois le seuil d’activation du percept provoquait des douleurs profondes dans le crâne (Brindley and Lewin, 1968). La plupart du temps, plusieurs stimulations simultanées évoquaient plusieurs phosphènes identiques à ceux générés par chaque stimulation indépendamment. Les percepts cessaient d’exister dès l’arrêt de la stimulation (Brindley and Lewin, 1968;Schmidt et al., 1996). L’augmentation du temps de stimulation induisait une augmentation de la luminance des percepts (Brindley and Lewin, 1968), ils devenaient également plus plaisants et mieux reconnaissables (Schmidt et al., 1996) et le seuil d’activation minimal (potentiel nécéssaire à la perception d’un phosphène) était plus faible (Brindley and Lewin, 1968). La fréquence de stimulation ne semble pas avoir d’influence sur le percept (entre 200 et 2000 Hz) pour des électrodes de surface (Brindley and Lewin, 1968) alors qu’elle influe sur la durée et la facilité de perception pour des électrodes intra-corticale. L’écart entre l’anode et la cathode faisait varier le nombre de percepts pour une même intensité de stimulation ; un résultat qui semble expliqué par la plus grande population de neurones stimulée lorsque l’écart est plus important. Le seuil d’activation des percepts était beaucoup plus élevé en implantation de surface qu’en intra-corticale. Finalement, il ne semble pas y avoir de fusion entre des phosphènes proches pour former un seul pattern, contrairement aux études sur la stimulation de la rétine (Humayun et al., 1999) où des phosphènes proches peuvent s’assembler pour former une ligne par exemple.

Ces études d’électrophysiologie chez l’homme montrent qu’il est possible d’évoquer des percepts lumineux chez des non-voyants avec certaines propriétés reproductibles. L’avenir des neuroprothèses corticales réside dans l’augmentation du nombre d’éléctrodes et la diminution du nombre de neurones stimulés à chaque stimulation. De nombreuses études sont menées en parallèle chez l’animal (Normann et al., 1999) avec des matrices d’éléctrodes toujours plus petites et plus denses (Figure 31).

61

Figure 31: Matrice de stimulation intra-corticale (Utah Slanted Electrode Array)