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Anne Steiner dans son livre « Les En-dehors, anarchistes individualistes et illégalistes à la belle époque 44 » décrit les milieux libres, elle racontent que les militant-es de cette

Thomas et Barbara

B- Anne Steiner dans son livre « Les En-dehors, anarchistes individualistes et illégalistes à la belle époque 44 » décrit les milieux libres, elle racontent que les militant-es de cette

époque avaient déjà une réflexion sur l'écologie. Par exemple sur le végétarisme, l'agriculture, sur la consommation d'alcool, le sport, la pédagogie... Élisée Reclus écrit sur la nature. Emilie Lamote, sur le couple, le contrôle des naissance et la contraception45. Kropotkine sur l'entraide dans les écosystèmes46. Bref, on voit une tendance à la simplicité pour s'émanciper du travail et du salariat.

44 Steiner Anne, Les En-dehors, anarchistes individualistes et illégalistes à "la belle époque", L'échapée, 2008 45 Emilie Lamote (1877-1909) est une pédagogue libertaire. Certains de ses textes sont diponibles sur

infokiosques.net.

T- Tu cites beaucoup d'anarchistes individualistes, de personnes qui pensent que le changement passera par le changement des individus. J'y adhère aussi en partie. Dans le courant anarchiste, on dit qu'il y a trois courants, mais je ne suis pas sur qu'il soit possible de les cloisonner. J'ai l'impression d'être un mélange de tous.

Je ne suis pas sur de croire à l’insurrection, donc je ne suis pas vraiment un insurrectionnaliste. Je n'ai pas l'impression que spontanément des masses vont se soulever et tout balayer. Dans tous les cas, je ne suis pas sur que ça produise une société libertaire derrière. Je suis persuadé qu'un travail de conscientisation, effectué par la classe ouvrière, en amont est nécessaire. Mais certain-es anars disent que ça viendra de la société dans son ensemble et que ça ne viendra pas forcément que de la classe ouvrière !

Pour la consommation d'alcool les syndicats étaient extrêmement ferme au début du XX eme siècle, l'alcool faisait énormément de dégâts dans la classe ouvrière. Et, il était presque prohibé, ou très mal vu, dans le mouvement syndicaliste-révolutionnaire.

Sur les autres questions que tu poses, le syndicalisme a souvent eu « le cul entre beaucoup de chaises ». Notamment sur la question écologique, parce qu'on peut penser parfois qu'il a eu des positions productivistes en défendant l'emploi. Mais quel emploi, pourquoi et pour quelle société ? Là, je pense qu'on n'a pas toujours été très clairs !

Comme la question du travail. C'est un sujet conflictuel dans le monde libertaire. Un des autocollant qu'on diffuse beaucoup en ce moment c'est « Travaillons toutes et tous, moins et autrement ! ». Il y a une partie du courant anarchiste qui ne comprend pas du tout ça et qui dit « il faut arrêter de travailler ! ». On n'a sans doute pas la même définition du terme travail ! Le mouvement punk était dans une recherche d'autonomie. Il cherchait à sortir du travail salarié. D'où le do it your self, si tu le fais toi-même, tu n'as pas besoin de l'acheter, et si t'es libre de ça, t'as pas, ou presque plus, besoin de travailler.

La lutte sur la Zad de Notre Dame des Landes a mélangé tous les courants et pas que libertaires.

Si j'avais une critique à faire à la CNT c'est de peu se positionner sur la question écologique, alors que ça devient une urgence. Ici, on essaye de se le transmettre dans la gestion du quotidien. Même si je suis convaincu que les plus grands pollueurs sont les industriels et qu'on aura beau mettre notre bout de carton dans la poubelle verte, la terre ne se portera pas beaucoup mieux. Pourtant, on n'a pas beaucoup d'expressions sur le sujet !

La ZAD a bousculé tout ça, la question écologique était très présente. Et les pratiques de luttes et d'organisations étaient d'inspiration libertaires. Ils emploient des pratiques d'actions directes, - l'action directe est un principe fort dans le syndicalisme, il date des

46 Pablo Servigne s'inspira des travaux de Kropotkine pour écrire. Pablo Servigne, Chapelle Gauthier, L'entraide, l'autre loi de la jungle, les liens qui libérent. 2017

anarchistes de la « belle époque » -, ça ne veut pas dire poser des bombes, mais juste se passer d'intermédiaire : le dire et le faire !

B- Tu as employé le terme de « classe ouvrière », alors que « certains spécialistes » à la radio ont dit qu'elle n'existait presque plus. Dans tous les cas on ne voit presque plus d'ouvrier-es d'aujourd'hui dans les séries télé47 !

T- Il existe plusieurs définitions de « Classe ouvrière ». Il y a des termes qui sont souvent supprimés parce qu'ils sont trop connotés, mais on pourrait aussi parler de « prolétariat »48.

Il y a plein d'évolutions sémantiques sur les termes utilisés par les uns et les autres. Par exemple, la France Insoumise ne parle plus de travailleurs et de travailleuses, d'ouvriers et d’ouvrières, mais de « monde du travail ».

Nous nous pensons que la classe ouvrière est toujours là. C'est celle qui œuvre. C'est celle qui n'a que sa force de travail pour pouvoir vivre.

Nous on y ajoute une autre dimension qui est celle de l'exploitation. Il ne s'agit pas, même si tu n'as que le travail pour vivre, d'exploiter d'autres gens.

Souvent, les petits patrons sont présentés comme « pas vraiment des exploiteurs », au moins ceux qui travaillent. Car ils travaillent ! Mais pour nous, ils ne font pas partie de la classe ouvrière. La limite qu'on fixe est « il ne faut pas vivre de l'exploitation des autres ».

On insiste beaucoup aussi sur la notion de « Refus de parvenir » c'est hyper compliqué. Notre pire ennemi, c'est l'idée qu'à force de travail la classe ouvrière va s'extirper de sa condition, qu'elle montera dans l'ascenseur social. Cette idée fait que dans le secteur du bâtiment beaucoup de personnes se mettent à leur compte avec l'idée que demain, ils embaucheront des ouvriers qui feront le travail à leur place et qu'ils n'auront plus besoin de travailler. C'est dramatique ! Ils se rêvent une vie de grosses bagnoles et de grosses baraques.

C'est un frein au développement syndical parce qu'il n'y a plus de conscience de classe. Il y a l'idée qu'il faut en chier jusqu'à passer de l'autre côté et là, ça te permettra d'enfin profiter en faisant suer les autres. Cette idée fait que, les gens taisent toutes les années d'exploitations qu'ils subissent, parce qu'ils se disent « c'est pas grave, dans quelques années, je me mettrai à mon compte ». Ils ne résistent pas, ils ne s'opposent pas, ils baissent la tête. Ils attendent que les années passent, puis ils reproduisent ce qu'eux mêmes ont vécu.

47 Perret Gillet, De mémoires d'ouvriers, Les mutins de la Pangée, 2012

48 Prolétariat (selon wikipédia): Le prolétaire ne posséde ni capital ni moyen de production et doit donc, pour subvenir à ses besoins, avoir recours à du travail salarié. Le prolétariat ne réduit donc pas au stéréotype de l'ouvrier en blouse bleue ni du travailleur souillé des mines, mais recouvre l'ensemble des êtres humains qui doivent se soumettre à un travail salarié, quel que soient leur niveau de vie et leur niveau de salaire.

C'est un phénomène qui est très présent dans le secteur du bâtiment. Pire, des gens entrent dans ce secteur d'activité pour monter ensuite leur entreprise, c'est déjà écrit, projeté.

Ils ont choisi ce métier là, parce qu'ils savent que derrière ils pourront monter une boite. Et, nous au syndicat on dit, -et c'est la qu'on diverge avec beaucoup de partis d'extrême gauche-, que les petits patrons ne sont pas nos alliés, mais bien des ennemis de classe. Et, ça, on n'est pas nombreux à le dire, et en général c'est pas très bien compris ou pas très bien entendu.

Dans le mouvement des gilets jaunes on l'entend beaucoup « les petits patrons c'est quand même eux qui font vivre la France, ils en chient et ils payent des charges ! ». En France, je crois que 97% des entreprises sont des PME, les TPE je ne sais pas.

A Bordeaux, les travaux dans le secteur du bâtiment sont essentiellement réalisés par des entreprises de moins de 10 salariés avec des petits patrons. Et, c'est là que s'exerce la plus grande violence sociale en terme d'exploitation. C'est là que sont exploités les sans-papiers, que sont maltraités les apprentis. La présence syndicale est évidemment presque nulle dans les petites boites. Puis, la vieille tradition de l'artisanat qui forme les gens à coups de pieds au cul, subsiste. On ne se fait pas chier non plus avec le code du travail, personne ne l'a jamais lu. Et, les problèmes sont réglés n'importe comment. Pour nous, sur Bordeaux, c'est la plus grande exploitation, on le voit quotidiennement !