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Statut et rôle du français écrit en LSF

Nous rappelons que la LSF se décline sous la modalité orale car c’est une langue visuo- spatiale-gestuelle. La modalité écrite relève du français, langue complémentaire à la LSF du fait du bilinguisme des individus. Bien que la modalité écrite ne soit pas objectif d’appren- tissage en tant que tel, il est essentiel de la faire étudier pour en faire un support efficace parallèlement en langue française de façon contrastive permanente, liée et constructive.

1. Prise de position par rapport aux textes officiels existants

Dans le CECR LS, nous avons constaté l’absence du français écrit dans l’enseignement : il considère que la LSF est l’étude d’une seule et unique langue n’ayant pas d’écriture. Ainsi il transpose la modalité écrite de l’activité langagière en LSF en modalité « signer en différé » dans l’activité langagière en LSF3. Cela revient à dissocier l’enseignement du français écrit qui relève pour le CECR LS de l’enseignement de la langue française et qui par conséquent l’écarte de l’enseignement de la LSF. Le BO 29 quant à lui, tout en reconnaissant et tout en

appliquant la situation de bilinguisme posée par la loi 20054, adopte cependant la position du CECR LS où la modalité « signer en différé » marque également la transposition de la modalité écrire. Nous nous démarquons de ce point de vue et considérons que « signer en différé » n’est pas une modalité mais seulement un exercice d’entrainement de pratique de la LSF : se voir signer pour se corriger, c’est l’intérêt de s’enregistrer en production et en réception pour progresser. De plus, dans la réalité quotidienne sociale des sourds, « signer en différé » n’a ni valeur d’écriture ni de réalité concrète, ce qui appuie notre position. Ce sera donc une activité supplémentaire qui, en aucun cas, ne se substituera à la modalité écrite.

2. Parallèle avec les langues vocales

Pour aborder la place de l’écrit en LSF, nous rappelons que d’une part pour la plupart des langues vocales l’apprentissage de l’écrit se fait parallèlement à celui de l’oral et que d’autre part le double aspect du bilinguisme, où la modalité écrite de l’activité langagière en LSF est le français écrit, doit être respecté. Il doit à ce titre être étudié parallèlement à la langue orale visuo-spatiale-gestuelle dans un travail bilingue contrastif (BO29). L’étude “français écrit/LSF” comme l’étude “français écrit/français oral” est reconnue complémentaire dans l’apprentissage des acquisitions5. Il n’est pas question d’écarter le français écrit de l’ensei- gnement de la LSF, mais cela montre que son acquisition est considérée implicitement comme déjà faite « classiquement » : le BO 296insiste sur la nécessité de « tenir compte du niveau de français atteint par l’élève ». Or cette supposition est mise en question par le fait que, chez les élèves sourds, les retards de français sont souvent importants.

Pour observer la place que prend le français écrit dans l’évaluation et donc dans l’enseigne- ment d’une langue étrangère, nous allons nous aider de l’épreuve facultative du baccalauréat et les examens de langue anglaise. Tout d’abord l’épreuve facultative de LSF au baccalauréat (Note de Service 2007) propose comme support d’épreuve « un texte contemporain, écrit en français d’une longueur maximale de 2000 signes typographiques », ce qui montre la présence simultanée des deux langues français écrit et LSF. Autre exemple avec deux épreuves de Cer-

4. BO 29 Collège p1, BO 29 Lycée p2 et 3 5. Circulaire 2010-68 et circulaire 2008-109

tificat de Compétences en Langues de l’Enseignement Supérieur en anglais : pour le CLES 1 niveau B1 (session 2009), les consignes et les questions sont en français écrit pour les quatre compétences (production et réception orales et écrites) et seules les réponses sont attendues en anglais. Pour le CLES 2 niveau B2 (session 2007), les consignes d’environnement de l’examen et le résumé global des épreuves sont en français écrit. Les consignes et les questions propres à l’examen sont en anglais écrit pour les quatre mêmes compétences. L’examen est dans la langue que l’on veut évaluer mais l’environnement est, pour un candidat français, stipulé en langue française écrite.

3. Utilisation pertinente des supports français écrit pour la LSF

Il est vrai cependant que, pour les petits ou les débutants, l’enseignement de la LSF se base le plus possible sur des supports d’images, de dessins ou de schémas. La première raison est que l’utilisation de ces supports permet que le rapport signifié/signifiant/référent soit direct, immédiat. La deuxième raison est que l’écrit et la LSF n’ont pas la même logique, l’écrit rele- vant de la logique linéaire et la LSF de la logique spatiale. Les supports d’images supprimant l’écrit permettent que la logique spatiale de la LSF ne soit pas influencée par la logique li- néaire de l’écrit. Il est également vrai que dans une progression plus avancée de l’acquisition de la LSF on arrive à un niveau où on peut utiliser comme support la vidéo, par exemple dans l’exercice d’une prise de rôle ou pour un énoncé plus complexe. Mais il est tout autant possible de prendre comme support un article de journal, un extrait de livre ou un autre texte plus ou moins difficile à signer afin d’expérimenter l’exercice de traduction d’une langue à l’autre.

Notons que, outre l’intérêt de la complémentarité de l’écrit et de l’oral dans l’apprentissage, l’absence de l’écrit en LSF d’une part priverait l’enseignement d’un nombre conséquent de supports, et d’autre part supprimerait des supports dont l’application s’inscrit directement dans la vie quotidienne où l’écrit est omniprésent. Enfin c’est le français écrit – et non le français oral – qui instaure la situation de bilinguisme dans l’évaluation de toutes les langues étrangères. Son rôle dans l’évaluation des langues, et donc dans l’évaluation de la LSF, rend légitime sa présence en amont dans l’enseignement et l’apprentissage scolaires de la LSF pour les sourds. C’est pourquoi nous maintenons la modalité écrite portée par le français écrit dans l’activité

langagière en LSF en rattachant son enseignement aux compétences de l’activité langagière du français.

Cela aura pour conséquence de supprimer une dizaine de critères « signer en différé » dont les contenus se retrouveront dans les compétences de l’activité langagière du français. En revanche cette notion « signer en différé », qui présente un intérêt pour l’entrainement, figurera dans l’activité langagière en LSF comme simple exercice.

III. Les compétences communicatives langagières du

niveau B2 LSF