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Statut d’occupation et marché du travail

POLITIQUES D ’ AIDE À L ’ ACCESSION

1.1 Les justifications économiques des dispositifs d’aide à l’accession

1.1.4 Statut d’occupation et marché du travail

Le statut de propriétaire réduit la mobilité géographique (Boehm, 1981; Roche et Stewart, 1996; Lundberg et Skedinger, 1999). Du fait de l’existence de coûts de transaction plus élevés, la propriété entraîne une certaine stabilité géographique et les propriétaires sont en moyenne moins mobiles que les locataires (Dietz et Haurin, 2003). Se pose alors la question des conséquences du statut de propriétaire sur le marché du travail. Le fait d’être propriétaire réduit-il les perspectives d’emploi sur le marché du travail ? D’un point de vue théorique, cette plus faible mobilité géographique des propriétaires pourrait avoir des conséquences négatives sur le marché du travail (Dietz et Haurin, 2003). En cas de choc négatif sur l’emploi, le fait d’être propriétaire peut alors représenter un obstacle dans la recherche d’emploi et diminuer la qualité de l’appariement sur le marché du travail. La propriété réduit

en effet le nombre d’offres d’emploi envisageables et contribue à rendre imparfaite l’allocation spatiale des chômeurs, freinant ainsi l’adéquation entre chômeurs et emplois vacants.

Dans la littérature, il n’existe aujourd’hui pas de consensus sur cette question.

L’absence de consensus s’explique par les difficultés méthodologiques liées à l’éva-luation des effets du statut de propriétaire sur le marché du travail. En effet, la relation entre ces deux variables est fortement endogène. Des caractéristiques in-dividuelles sont susceptibles d’affecter à la fois le statut sur le marché du travail et le statut sur le marché du logement. Afin de parvenir à identifier un effet causal, il faudrait pouvoir disposer d’une variation exogène du taux de propriétaires permet-tant d’isoler l’effet du statut d’occupation sur la probabilité de rester au chômage ou de sortir de l’emploi. A défaut de disposer de ce type de choc, il existe aujour-d’hui, dans la littérature, deux types de travaux sur cette question. D’une part, des analyses reposant sur l’établissement de corrélations à partir de données macroé-conomiques ont été conduites. Ces travaux consistent à étudier la corrélation entre le taux de chômage et le taux de propriétaire dans différents pays. D’autre part, ont été menées des études microéconomiques à partir de données individuelles.

Ces dernières reposent souvent sur des stratégies d’identification ne permettant pas toujours l’établissement indiscutable d’une relation de causalité.

Dans ses travaux réalisés à partir de données macroéconomiques concernant les États américains et les pays de l’OCDE, Oswald (1999) a pu mettre en évidence une corrélation positive entre le taux de propriétaires et le taux de chômage. A partir de ces résultats, il formule l’hypothèse suivante : la hausse de la part de propriétaires s’accompagne nécessairement d’un allongement de la durée des épisodes de chô-mage. Oswald (1999) montre, par l’établissement d’une simple corrélation, qu’une augmentation de dix points du taux de propriétaires est associée à une hausse de deux points du taux de chômage. Encourager l’accession à la propriété serait alors directement responsable du chômage dans les pays développés. C’est pour-quoi Blanchflower et Oswald (2013) plaident pour la fin des aides à l’accession.

Green et Hendershott (2001), en utilisant les variations du taux de propriétaires entre les différents États américains entre 1970 et 1990, montrent également que

le taux de propriétaires détermine significativement le taux de chômage national, notamment pour les ménages situés dans les classes d’âge intermédiaires.

Par la mise en place de méthodes économétriques, d’autres travaux ont cherché à identifier une relation causale entre la propriété et le chômage à partir de don-nées individuelles. Brunet et al. (2012) conduisent une étude comparée entre la France et les États-Unis. Aux États-Unis, ils montrent que le fait d’être propriétaire n’a pas d’impact significatif sur la durée des épisodes de chômage. Les résultats de Brunet et al. (2012) s’expliqueraient principalement par la faiblesse des coûts de transaction aux États-Unis qui faciliterait la mobilité résidentielle et limiterait ainsi les conséquences négatives associées au fait d’être propriétaire. En France, les au-teurs parviennent à des résultats semblables. Ils expliquent cependant ces résultats par des mécanismes largement différents de ceux à l’œuvre aux États-Unis. Ainsi, l’effet non significatif du statut d’occupation s’expliquerait principalement par des effets de structure et un comportement différencié entre propriétaires et accédants à la propriété. Ces derniers, contraints de rembourser un emprunt, auraient ten-dance à avoir un salaire de réserve plus bas et ainsi à choisir des emplois moins bien rémunérés que ce à quoi ils pourraient prétendre. Ce mécanisme avait déjà été souligné dans les travaux de Goss et Phillips (1997). Dans plusieurs études, dans lesquelles aucune distinction n’est faite entre propriétaires et accédants à la pro-priété, par effet de structure, on peut être amené à conclure à un effet moyen non significatif voire même positif du fait d’être propriétaire sur la sortie du chômage.

La réduction des épisodes de chômage ne se fait alors qu’au détriment de la qualité de l’appariement sur le marché du travail (Brunet et Havet, 2009). À partir de don-nées américaines, Coulson et Phillips (2002) trouvent également un effet positif de la propriété : les propriétaires sont moins souvent au chômage. Ils expliquent leur résultat par le fait que les propriétaires, conscients des coûts de transaction, décident d’acquérir un bien immobilier seulement si leurs perspectives en termes d’emploi sont suffisamment sûres. Au Royaume-Uni, Battu et al. (2008) étudient les transitions entre emplois et vers l’emploi et l’effet du statut d’occupation sur ces transitions. En tentant de contrôler pour le caractère endogène ainsi que pour l’hé-térogénéité inobservée, ils montrent que le statut d’occupation n’a aucun effet sur

la durée des épisodes de chômage. Au Royaume-Uni, la régulation du marché ban-caire est beaucoup moins importante que ce qu’elle n’est en France par exemple. Ce faible niveau de régulation permet d’accroître la flexibilité dans les transactions sur le marché du logement, contribuant ainsi à neutraliser les effets potentiellement négatifs du statut d’occupation sur le marché du travail. Enfin, à partir de données danoises, Munch et al. (2006) développent un modèle théorique dans lequel ils dis-tinguent le marché du travail local du marché du travail national et testent ensuite les prédictions du modèle à partir de données individuelles. Les auteurs soulignent que le fait d’être propriétaire a un effet positif sur la probabilité de trouver un em-ploi sur le marché du travail local. Cet effet domine l’effet négatif lié à une plus faible mobilité géographique des propriétaires. Ainsi, la propriété tend à diminuer la durée des épisodes de chômage, contrairement à la corrélation mise en avant par Oswald.

Les deux types d’approche parviennent à des conclusions sensiblement diffé-rentes. Dietz et Haurin (2003) concluent que les études reposant sur l’exploitation de données microéconomiques tendent à rejeter un effet du statut de propriétaire sur l’emploi quand celles reposant sur des données agrégées à un niveau macroéco-nomique, au contraire, valident empiriquement cette relation. S’il est incontestable que le statut de propriétaire réduit la mobilité géographique, son effet sur le chô-mage est donc beaucoup plus incertain.