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LE STANDARD DE FIABILITÉ COMME RÈGLE DE DROIT,

LA RÉGLEMENTATION DE LA SIGNATURE ÉLECTRONIQUE

PAR LES LOIS-TYPE DE LA CNUDCI

[102] Le concept de standard juridique, selon le sens que notre étude lui attribue, fait appel à une règle de droit. Ainsi, le standard est une disposition qui fait partie de l’ensemble normatif régissant un phénomène ou un groupe de rapports. Lorsque nous référons au standard de fiabilité en matière des moyens électroniques de signature, nous envisageons une règle de droit faisant partie de l’encadrement juridique de la signature électronique. Si les règles du droit formant l’institution de signature déterminent les conséquences juridiques associées à l’usage de la signature, le standard de fiabilité précise l’application de ladite institution aux moyens électroniques de signature. Il serait justifié de dire que l’application même du droit de la signature en matière de signature électronique s’effectue à la lumière d’une règle de droit, mettant en avant la fiabilité des moyens de signature électroniques, que nous appelons standard de fiabilité. Vincent Gautrais réfère à ce standard

comme à un ensemble d’éléments techniques attachés à la signature88. Nous adhérons à une telle affirmation, parce que le standard de fiabilité est de par sa nature une règle juridique qui possède cependant un contenu essentiellement technique.

[103] L’intervention du standard de fiabilité se remarque dans les dispositions concernant la signature électronique résultant des travaux de la CNUDCI, notamment la Loi type sur le commerce électronique89, la Loi type sur les signatures électroniques90, ainsi que L’avant-

projet de convention sur les contrats électroniques91. L’article 7, alinéa 1 (b) de la Loi type sur le commerce électronique dispose :

« 1. Lorsque la loi exige la signature d’une certaine personne, cette exigence est satisfaite dans le cas d’un message de données :

a) Si une méthode est utilisée pour identifier la personne en question et pour indiquer qu’elle approuve l’information contenue dans le message de données; et

b) Si la fiabilité de cette méthode est suffisante au regard de l’objet pour lequel le message de données a été créé ou communiqué, compte tenu de toutes les circonstances, y compris de tout accord en la matière. »

[104] La disposition est reprise littéralement dans l’article 6, alinéa 1 de la Loi type sur les signatures électroniques et l’article 13, alinéa 3 (b) de l’Avant-projet de convention. Les règles démontrent la présence du standard de fiabilité dans l’application des normes de l’institution de signature aux moyens électroniques.

[105] Après s’être attaché aux deux fonctions essentielles d’une signature, à savoir l’identification de l’auteur d’un document et la confirmation que l’auteur approuve la teneur dudit document (alinéa 1 (a)), la Loi type sur le commerce électronique impose une exigence de fiabilité du moyen électronique de signature. Aux termes de l’alinéa 1 (b) la méthode utilisée en vertu de l’alinéa 1 (a) devrait être aussi fiable que cela est approprié au vu de l’objet pour lequel le message de données a été créé ou communiqué, compte tenu de

88 Vincent GAUTRAIS, «Le contrat électronique au regard de la Loi concernant le cadre juridique des

technologies de l’information», dans Vincent GAUTRAIS (dir.), Droit du commerce électronique, Montréal, Éditions Thémis, 2002, 43

89 Adoptée par la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international en 1996 (ci-après

citée Loi type sur le commerce électronique)

90 Adopté par la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international le 5 juillet 2001 (ci-

après citée Loi type sur les signatures électroniques)

91 A/CN.9/WG.IV/WP.95, Trente-neuvième session New York, 11-15 mars 2002 (ci-après cité Avant-projet

toutes les circonstances, y compris tout accord entre l’expéditeur et le destinataire du message de données.

[106] En effet, l’exigence de fiabilité instaurée par l’alinéa 1 (b) porte sur la manière dont les moyens de signature électronique garantissent la capacité de la signature d’accomplir ses fonctions, objets de l’alinéa 1 (a). L’application de l’institution de signature aux signatures électroniques s’avère donc dépendante de deux conditions: l’exigence que la signature électronique remplisse les fonctions inhérentes à la signature traditionnelle d’une part, et le besoin que ces fonctions soient accomplies de manière fiable. La deuxième de ces règles conditionnant l’application du droit de la signature en matière de signature électronique introduit le standard juridique de fiabilité.

[107] Pour ce qui est de l’identification du standard, le paragraphe 58 du Guide d’application de la loi type énonce trois groupes de facteurs à prendre en considération. Ces groupes contiennent plusieurs paramètres permettant de juger de la fiabilité et d’appliquer le standard. Pour déterminer si la méthode utilisée en vertu de l’alinéa 1 est appropriée, des facteurs juridiques, techniques et commerciaux doivent être pris en considération. Le guide cite parmi les critères techniques le degré de perfectionnement du matériel utilisé par chacune des parties, la capacité des systèmes de communication, les procédures d’authentification proposées par les opérateurs des systèmes de communication, la série de procédures d’authentification communiquée par un intermédiaire. Dans la catégorie des facteurs de nature commerciale, la loi s’intéresse à la nature de l’activité commerciale, la fréquence avec laquelle s’effectuent les opérations commerciales, la nature et l’ampleur de l’opération, l’observation des coutumes et pratiques, l’existence de mécanismes d’assurance contre les messages non autorisés, l’importance et la valeur de l’information contenue dans le message de données, etc. Finalement au plan des facteurs juridiques le statut et la fonction de la signature dans un régime législatif et réglementaire donné doivent être pris en compte.

[108] Il est certain que lorsqu’il s’agit de mesurer les capacités des moyens électroniques de produire des signatures fiables (tel que le standard de fiabilité institué dans l’article 7, alinéa 1 (b) l’exige), se sont les critères d’ordre technique qui détermineront la substance du standard de fiabilité. En revanche, les facteurs juridiques et commerciaux indiqueront la rigueur que l’application du standard nécessite.

[109] Ainsi, à l’intersection du droit de la signature et ces moyens électroniques de signature intervient le standard de fiabilité des moyens de signature électronique. Ce standard représente un complément de règles techniques lié à l’encadrement normatif de la signature électronique. L’approche de la CNUDCI peut être retrouvée dans plusieurs cadres législatifs concernant la convergence du droit et des technologies en matière d’authentification. Le standard de fiabilité demeure toujours présent malgré les différences dans ses manifestations et rôles qu’il joue.

Section II – L’EXIGENCE DE FIABILITÉ DANS LA