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1. Concepts Fondamentaux et Eléments Bibliographiques

1.3. Stabilité des minéraux carbonatés

Afin de comprendre les différents processus mis en cause au cours de la compaction chimique des carbonates, il est crucial de connaitre les conditions de précipitation et de dissolution des cristaux de carbonate de calcium. Les carbonates de calcium les plus fréquents sont : l’aragonite (CaCO3, système orthorhombique), la dolomite (CaMg(CO3)2) et la calcite (CaCO3, système trigonal rhomboédrique). La calcite magnésienne contient une quantité variable de MgCO3.

1.3.1. Considérations générales

Lorsqu’il existe une interaction entre les roches carbonatées et une solution aqueuse, trois équilibres majeurs interviennent, ainsi que présenté par Stumm et Morgan (1970) :

(Eq.2) 𝐶𝑂2(𝑔) + 𝐻2𝑂(𝑙) = 𝐻2𝐶𝑂3 (𝑎𝑞𝑞) (Eq.3) 𝐻2𝐶𝑂3(𝑎𝑞𝑞) = 𝐻𝐶𝑂3(𝑎𝑞𝑞) + 𝐻+(𝑎𝑞𝑞) (Eq.4) 𝐻𝐶𝑂3(𝑎𝑞𝑞) = 𝐶𝑂32−(𝑎𝑞𝑞) + 𝐻+(𝑎𝑞𝑞)

Ces trois réactions successives montrent que l’ion carbonate se forme en milieu alcalin à partir du dioxyde de carbone de l’air. La source du CO2 peut être l’air, la matière organique ou provenir des carbonates dissous.

Deux réactions principales dans la diagenèse des carbonates peuvent ensuite avoir lieu. Il s’agit de la réaction de précipitation (Eq. 5) et de dissolution (Eq. 6) du carbonate de calcium (calcite ou aragonite).

(Eq.5) 𝐶𝑎2+(𝑎𝑞𝑞) + 𝐶𝑂32−(𝑎𝑞𝑞) = 𝐶𝑎𝐶𝑂3(𝑠) (Eq.6) 𝐶𝑎𝐶𝑂3(𝑠) = 𝐶𝑎2+(𝑎𝑞𝑞) + 𝐶𝑂32−(𝑎𝑞𝑞)

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La formation de la calcite magnésienne, minéral commun de l’environnement diagénétique marin, peut quant à elle être décrite par l’équation 7 (Morse et al. 2007):

(Eq.7) 𝐶𝑎(1−𝑥)𝑀𝑔(𝑥)𝐶𝑂3 = (1 − 𝑥)𝐶𝑎2++ 𝑥𝑀𝑔2++ 𝐶𝑂32− x représentant la fraction molaire de MgCO3 dans la solution solide.

Lorsque la réaction est à l’équilibre, son état est caractérisé par une constante d’équilibre K, dépendant de la température et de la pression. Afin de connaitre l’état de saturation d’un fluide par rapport à un minéral, on utilise son indice de saturation SI. Cet indice de saturation se définit comme le rapport du produit d’activité (log Q) sur le produit de solubilité (log K) du minéral. On a donc :

(Eq.8) 𝑆𝑆𝐼 = 𝑙𝑜𝑔 (𝑄𝑄/𝐾) = 𝑙𝑜𝑔𝑄𝑄 – 𝑙𝑜𝑔𝐾

Le produit d’activité représente alors la composition du fluide, tandis que le produit de solubilité représente la composition à l’équilibre avec le minéral. Ainsi :

• SI < 0 conduit à Q/K < 1, d’où Q < K, le fluide est considéré comme sous-saturé par rapport au minéral.

• SI > 0 conduit à Q/K > 1, d’où Q > K, le fluide est considéré comme sur-saturé par rapport au minéral.

• SI = 0 signifie que Q = K, le fluide est alors considéré comme étant à l’équilibre avec le minéral.

1.3.2. Stabilité en fonction de la composition de la calcite

D’après Morse et al. (2007), et ainsi que présenté sur la Figure 10, la solubilité de la calcite varie avec sa composition en magnésium. La solubilité minimum est atteinte pour une calcite avec une fraction molaire de 2%. Passé ce seuil, la solubilité augmente avec la fraction molaire de MgCO3. Par conséquent la calcite faiblement magnésienne (Low Magnesian Calcite LMC) est plus stable que la calcite fortement magnésienne (High Magnesian Calcite HMC) lors de l’enfouissement. Ceci explique la transformation de la calcite magnésienne en calcite non magnésienne lors de la diagenèse. D’autre part, l’aragonite étant instable aux conditions de pression et température de surface, sa transformation en calcite peut débuter dès l’eogenèse.

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Figure 10. Solubilité de la calcite magnésienne (log IAP) en fonction de sa composition en MgCO3 (Mucci, 1983)

1.3.3. Stabilité en fonction de la température

Le rôle de la température sur les processus chimiques mis en cause lors de la diagenèse des carbonates est difficile à cerner précisément. En effet, d’un côté l’augmentation de la température provoque l’augmentation de la cinétique des réactions fluide-roche ; à l’inverse, cette augmentation de température provoque une diminution de la solubilité de la calcite (Fig.11). De plus, une augmentation de la température influe sur la composition de la calcite précipitée. En effet, plusieurs études (Glover et Sippel, 1967 ; Kinsman et Holland, 1969 ; Katz, 1973 ; Füchtbauer et Hardie, 1976) ont montré une augmentation de la concentration en magnésium de la calcite corrélée avec une augmentation de température.

Dans les gammes de température de la diagenèse d’enfouissement (80 à 250°C), la calcite faiblement magnésienne (LMC) et la dolomite, qui sont les constituants principaux des réservoirs carbonatés profonds, sont thermiquement stables. Cette stabilité thermique est une grande différence avec les roches silicatées, qui montrent une variation de leur solubilité avec l’augmentation de la température. Il est cependant possible que ces LMC et dolomites subissent des processus de dissolution et/ou de recristallisation. Ces processus impliquent alors des processus chimiques et/ou physiques, contrecarrant l’effet stabilisateur de l’augmentation de la température.

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Figure 11. Solubilité de la calcite en fonction de la température (Duan and Li, 2008)

1.3.4. Stabilité en fonction du pH

Les minéraux carbonatés ont une vitesse de dissolution variant en fonction de leur nature ainsi que du pH du milieu (Fig. 12). Ainsi, les phases se dissolvant le plus rapidement sont l’aragonite puis la calcite et la dolomite. La solubilité de l’aragonite diminue avec l’augmentation du pH, sans se stabiliser. Celle de la calcite diminue avec l’augmentation du pH et se stabilise pour un pH proche de 6. Celle de la dolomite se stabilise pour un pH proche de 7. La solubilité des minéraux carbonatés dépend donc du pH mais aussi d’autres paramètres tels que la pression partielle de CO2, le degré de saturation du fluide par rapport à ces minéraux et les ions en solution.

Figure 12. Logarithme du taux de dissolution des principaux carbonates (calcite, dolomite et aragonite) en fonction du pH, à 25°C. D’après Marini (2007).

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1.3.5. Stabilité en fonction de la composition du fluide

La stabilité des minéraux carbonatés est aussi fonction de la composition du fluide de percolation, et plus précisément des ions en solution. Des expériences avec des solutions enrichies en ions autres que Ca2+ et CO32-, tels que Li+, K+, Na+, Mg2+, Sr2+, Pb2+, Ba2+, NH4+, Cl-, NO3-, SO42-, ont montré que ces ions affectent la stabilité des minéraux carbonatés (Saylor, 1928 ; Zeller et Wray, 1956 ; Wray et Daniels, 1957 ; Lippmann, 1960 ; Kitano, 1962 ; Kitano et Hood, 1962 ; Simkiss, 1964 ; Fyfe et Bischoff, 1965). Les études de Fyfe et Byschoffe (1965) ont notamment montré que la présence de Mg2+ dans le fluide poral inhibait en partie la transformation de l’aragonite en calcite. La Figure 13 montre les résultats de ces expériences : en présence de Mg2+, la transformation aragonite-calcite est retardée de plusieurs jours.

La concentration du fluide poral en NaCl, c'est-à-dire sa salinité, joue aussi un rôle important sur la stabilité des minéraux carbonatés. En effet, il a été déterminé par Mucci (1983) que le produit de solubilité de la calcite et de l’aragonite augmente avec la salinité. Il a cependant été expérimentalement montré que le taux de précipitation de la calcite ne varie pas quelle que soit la salinité (Zhong et Mucci, 1989) mais que celle-ci influe sur le taux de précipitation de l’aragonite (Zhong et Mucci, 1989) : lorsque la salinité augmente, le taux de précipitation de l’aragonite diminue.

Figure 13. Vitesse de transformation aragonite – calcite dans une solution de CaCl2 et une solution de CaCl2-MgCl2 à une température de 100°C environ. (Fyffe et Byschoffe, 1965).

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