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Stabilité de la trajectoire

Dans le document Pliage de tiges et rupture de plaques (Page 105-109)

5.3 Trajectoire d’une fissure

5.3.2 Stabilité de la trajectoire

Avant d’établir un critère permettant de prédire la trajectoire sélectionnée lors de la propagation d’une fissure dans un plan, les observations suivantes ont été faites :

– La trajectoire d’une fissure centrée dans un plan et soumise à des contraintes d’ou- verture (mode I) est rectiligne (Fig. 5.7).

– La trajectoire d’une fissure soumise à un cisaillement (mode II) est déviée afin que la fissure se propage perpendiculairement aux contraintes imposées soit en mode I (Fig. 5.8).

– La trajectoire d’une fissure initialement perpendiculaire aux forces appliquées mais décentrée par rapport à l’axe de symétrie de l’échantillon est déviée et rejoint l’axe central.

F

-F

a)

b)

Fig. 5.7 – (a) Des contraintes sont appliquées perpendiculairement à une fissure initiée dans une feuille de papier (mode I). (b) La trajectoire de la fissure est rectiligne.

a)

b)

F

-F

Fig. 5.8 – (a) Des contraintes de cisaillement et d’ouverture sont appliquées à une fissure initiée dans une feuille de papier (mode I+II). (b) La trajectoire de la fissure dévie de la direction initiale afin de se propager perpendiculairement aux contraintes imposées soit en mode I.

La seconde observation suggère que la trajectoire de la fissure est choisie de façon à annuler les contraintes de cisaillement au voisinage de la pointe de la fissure : une fissure propagée en mode mixte I+II est déviée de façon à éliminer la composante de mode II. La troisième

observation résulte également de l’annulation des contraintes cisaillantes : la dissymétrie de la configuration introduit un mode II à la pointe de la fissure qui sont annulées lors de la propagation. Gold’stein et Sagalnik le formulent à travers le principe de symétrie locale (PLS pour Principle of Local Symmetry) [Gol’dstein and Sagalnik, 1974, Leblond, 1989] :

KII = 0 (5.16)

Une seconde approche (maximum energy release rate criterion) considère qu’une fissure se propage dans la direction selon laquelle l’énergie élastique relâchée est maximale [Erdogan and Sih, 1963]. Les prédictions émanant de ces deux principes sont quasiment équivalentes. Concernant la trajectoire d’une fissure propagée en mode de cisaillement hors du plan ou mode III, il n’existe pas de critère bien établi. Il semble admis qu’ici encore, la trajec- toire choisie est celle qui permet une propagation en mode I pur. Cependant, différents comportements de la trajectoire sont observés. Le front d’une fissure initiée dans un so- lide et propagée en mode mixte I+III tourne pour annuler les contraintes cisaillantes à sa pointe. Dans certains cas, la rotation est abrupte [Sommer, 1969, Hourlier and Pineau, 1979], dans d’autres elle est graduelle [Palaniswamy and Knauss, 1975]. Des critères ont été proposés, le premier par Schollman [Schollmann et al., 2002], une extension du PLS en trois dimensions, le second par Lazarus [Lazarus et al., 2001] mais ils ne permettent pas de décrire la diversité des comportements d’une fissure.

Nous allons maintenant présenter les études expérimentales de propagation de fissures dans des films minces. La spécificité des films minces est qu’ils se courbent plus facilement qu’ils ne s’étirent contrairement aux solides épais. Leur comportement face au processus de fracturation en est modifié.

Propagation d’une fissure dans un

film mince

La propagation d’une fissure dans un plan a été largement étudiée et les critères de propagation sont bien établis (section 5.2). En revanche, il n’existe pas encore de critère pour prévoir la propagation et la sélection du chemin d’une fissure en mode de cisaillement hors du plan. Il est intéressant de noter que Barenblatt, qui a proposé la description en facteurs d’intensité, s’est d’abord penché sur la propagation en mode III [Barenblatt and Cherepanov, 1961]. Sur la base d’arguments de symétrie, proches de ceux utilisés pour établir le PLS, il a proposé un critère ; mais les prédictions ne concordaient pas avec les observations. Comme nous l’avons évoqué section 5.3.2, il est admis que la trajectoire est selectionnée de façon à annuler les contraintes de cisaillement à la pointe de la fissure aussi bien en mode II qu’en mode III. Jusqu’à maintenant ce critère a été invoqué pour expliquer le comportement d’une fissure propagée en mode III au démarrage de la propagation [Som- mer, 1969, Hourlier and Pineau, 1979, Palaniswamy and Knauss, 1975] et non pour prédire sa trajectoire macroscopique.

De nombreux travaux ont été réalisés sur la propagation d’une fissure induite par des déformations hors du plan dans des matériaux ductiles [Hinkley and Hoogstraten, 1987, Muscat-Fenech et al., 1992]. Un plus petit nombre de travaux s’intéressent à cette propagation dans des matériaux fragiles [Lazarus et al., 2008]. Le champ de contraintes à la pointe de la fissure est complexe ce qui rend difficile une détermination propre de l’orienta- tion de la fissure par rapport aux directions des contraintes présentes. Expérimentalement, choisir un système propre pour lequel les contraintes introduites sont connues est difficile. Par exemple, dans les matériaux épais, des effets de cisaillement de surface sont observés lorsque l’on introduit des déformations en mode III.

Notre dispositif expérimental s’inspire de la configuration du trousers test - la traduc- tion littérale étant le test du pantalon, nous nous en tiendrons au terme anglais. Ce test a été développé par Rivlin et Thomas [Rivlin and Thomas, 1953]. Depuis le travail réalisé par Mai et Cotterell [Mai and Cotterell, 1984], il est utilisé pour mesurer le travail spéci- fique de rupture en déchirement d’un matériau ductile sous forme de feuilles [Wong et al., 2003]. L’originalité de notre étude est d’utiliser le trousers test pour un matériau fragile

sous forme de feuille (ou film mince). La totalité de l’énergie introduite à grande échelle par des déformations élastiques est utilisée pour créer de nouvelles surfaces à la pointe de la fissure contrairement aux matériaux ductiles pour lesquels une partie de l’énergie est perdue sous forme de déformations plastiques. Comme l’épaisseur du film est faible, les effets de cisaillement de surface disparaissent. Puisque toute l’énergie est utile, ce système permet de comprendre comment l’énergie est focalisée depuis les grandes échelles jusqu’à la fissure.

Dans cette étude, nous commençons par déterminer la trajectoire d’une fissure propa- gée à grande échelle en cisaillement hors du plan puis nous examinons le problème de la transmission des contraintes vers la fissure. Afin d’aider à la visualisation tridimensionnelle, nous vous proposons de garder pendant la lecture une feuille que vous aurez commencé à déchirer sans séparer complètement les deux parties.

6.1

Dispositif expérimental

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