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2.1 Les maladies en lien avec les fluides

2.1.2 Le sperme

Le corps de la femme étant perçu comme une réplique maladive de celui de l’homme, il était admis au XVIIe siècle que la femme fabriquait du sperme. Pour qu’un couple soit fécond, la femme doit en produire. Cet écoulement ne peut être déclenché que

30 Jacques Guillemeau, D e la G rossesse et accouchement des fe m m e s..., p. 543. 31 Jacques Guillemeau, D e la G rossesse et accouchement des fe m m e s..., p. 545. 32 Jean Liébault, Trois L iv re s..., p. 361-362.

si la femme comme l’homme éprouvent du plaisir au « combat vénérien »33, ce qui fait de la jouissance féminine une condition indispensable à la fécondité des mariages34. Le flux spermatique féminin proviendrait du sang blanchi, à l’instar du lait35. La semence d’une femme en bonne santé est de couleur blanche, claire et transparente, sa texture est gélatineuse et elle ne dégage aucune odeur. Elle coule en petite quantité, mais par intermittence, ce qui explique pourquoi les parties génitales ne sont pas toujours humides36. Cette semence est aussi nécessaire à la génération que peut l’être le sperme de l’homme. Pour Liébault,

Nature ou plustost Dieu ayant premièrement créé la femme non seulement pour estre compaigne à l’homme, mais aussi pour luy servir de subject & champ fertil à la génération des individus : a esté aussi soigneuse de l’accomplissement, accroissement & nourriture du petit enfant conceu & formé en la matrice de la femme, par le meslange des deux semences génitales joinctes ensemble37.

Cela signifie que la conception ne peut s’effectuer sans semence féminine et que cette semence est équivalente que celle de l’homme. Elle proviendrait du sang échauffé lors du coït ou lorsque la femme a des pensées libidineuses. Elle s’écoulerait à partir du cerveau et le long de la moelle épinière par des veines qui se rendent jusqu’aux organes génitaux, avant de s’accumuler dans les testicules pour sortir par les vaisseaux éjaculatoires39.

Seulement deux maladies sont liées au flux spermatique chez les femmes. Même s’il arrive que leur nom change selon le degré d’importance de la maladie, elles sont

33 Jean Liébault, Trois L iv re s..., p. 213.

34 Yvonne Knibiehler et Catherine Fouquet, La fem m e et les médecins, p. 69. 35 Louise Bourgeois, O bservation d iverses..., p. 31.

36 Jacques Guillemeau, D e la G rossesse et accouchement des fe m m e s..., p. 542. 37 Jean Liébault, Trois L ivres..., p. 62.

38 Les ovaires.

toujours causées soit par une surabondance, soit par la rétention du sperme féminin40. En ce qui concerne l’abondance, nos auteurs croyaient que cette maladie, nommée « pollution nocturne »41, était d’origine vénérienne. Guillemeau la décrit comme étant « une trop grande abondance de semence, ou de la chaleur & acrimonie qui provoque & irrite la nature : ou de la grande force & vigueur des vaisseaux spermatiques, c’est pourquoy sortant en abondance & tout à coup, elle excite un ressentiment & volupté »42. Il en résulte un désir insatiable d’avoir des relations sexuelles43. Cette maladie se nomme également « satyriasis »44, mais elle n’est pas spécifiquement féminine, car généralement, le « satyriasis » est une maladie masculine, son pendant féminin est la fureur utérine. Cette maladie est causée par le réchauffement des artères qui se dilatent et expulsent la semence. Quand ce mal tourmente une femme, elle ressent une grande démangeaison au niveau de ses parties génitales, accompagné d’un désir de faire l’amour tellement violent qu’elle ne peut s’empêcher de « porter souvent les mains aux lieux secrets »45. La tension causée par l’accumulation de sperme cesse après le coït, mais pour très peu de temps.

Pire que le satyriasis est la fureur de l’utérus, car en plus des conséquences du satyriasis mentionnées plus haut, la femme peut souffrir d’accès de rage et de frénésie, en raison d’une « ardeur excessive de l’amarry46, qui est communiqué au cerveau & au reste du corps par la conduicte de l’espine du doz ou par les vapeurs acres qui montent au cerveau de la matrice embrasee »47. Généralement, ce sont les jeunes filles de nature

40 Jean Liébault, Trois L iv re s..., p. 63-99.

41 Jacques Guillemeau, D e la G rossesse et accouchement des fe m m e s..., p. 510. 42 Jacques Guillemeau, D e la G rossesse et accouchement des fe m m e s..., p. 510.

43 Joël Coste, « Les « envies » maternelles et les marques de l’imagination : histoire d’une représentation dite « populaire » », Bibliothèque de l'école des chartes, 2000, tom e 158, p. 507-529.

44 Jean Liébault, Trois L iv re s..., p. 109. 45 Jean Liébault, Trois L iv re s..., p. 109. 46 C’est-à-dire l ’utérus.

chaude qui sont atteintes de ce mal. Liébault se l’explique parce qu’elles se plaisent à tous les délices et voluptés, se nourrissent beaucoup et ne pensent qu’à contenter leurs plaisirs charnels. Elles en perdent la raison et ne font plus que parler de choses vénériennes48.

La rétention du sperme, quant à elle, est l’une des maladies les plus graves chez les jeunes filles, hormis l’arrêt des menstruations. Elle provient principalement d’un manque de relations sexuelles. En effet, les moniales peuvent être atteintes de ce mal, ou les femmes s’abstenant de rapports sexuels de leur plein gré, ou encore celles qui ont été mariées à des hommes peu amoureux. Finalement, les veuves dont les maris possédaient un caractère lascif sont sujettes à développer cette maladie49.

Le problème ici semble moins la rétention que ses conséquences. En effet, les femmes souffrant de la rétention de leur sperme sont oisives, elles se plaisent dans la compagnie des hommes et recherchent avidement les ébats amoureux50. La semence restée dans les conduits spermatiques attend la venue de la semence masculine pour concevoir un enfant et ainsi être libérée. Si la femme ne trouve pas un mari ou un amant, les conséquences sur son corps peuvent être désastreuses. D’autant que, selon Liébault, la rétention du sperme est plus grave que celle des menstruations. En effet, il se putréfie plus rapidement et les vapeurs qui s’en échappent sont « plus malignes, plus veneneuses, & plus pernicieuses »51. Il en résulte des sommeils profonds ressemblant à la mort, ainsi

48 Jean Liébault, Trois L iv re s..., p. 115. 49 Jean Liébault, Trois L iv re s..., p. 440. 50 Jean Liébault, Trois L iv re s..., p. 441. 51 Jean Liébault, Trois L iv re s..., p. 63.

que des crises d’hystérie, car la malade est alors prise de convulsions, de mouvements de la matrice, de paralysies et de syncopes .

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