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CHAPITRE 2 : Techniques de diagnostic

I. 6 Spectroscopie de pertes d'énergie des électrons 6.a Principe

37 Lorsque les électrons du faisceau traversent le matériau, ils interagissent avec les électrons des atomes de la matière avec une modification de leur quantité de mouvement et/ou de leur énergie. A la sortie de l’objet, les électrons sont collectés à l’entrée du spectromètre et déviés dans le champ magnétique d’un prisme en fonction de leur énergie. Ils sont ensuite sélectionnés ou non par un filtre puis détectés par une caméra CCD (fig. 2-3). Selon le mode d’acquisition expérimental, on obtient grâce à un interfaçage électronique adapté, soit le spectre EELS (fig. 2-3), soit une image filtrée en énergie (voir section suivante).

Figure 2-3 : Schéma de l’expérience EELS

I.6.b - Spectre EELS

Le spectre EELS permet de rendre compte de la distribution de la perte d’énergie qu’ont subie les électrons à la traversée de la matière. Il est caractérisé par un pic intense centré autour de la perte d’énergie nulle appelé le pic sans pertes dont la largeur à mi hauteur permet de déterminer la résolution en énergie de l’expérience. Typiquement, elle est inférieure à 1 eV sur le dispositif expérimental utilisé au laboratoire (Microscope FEI Tecnai G2 F20 S- Twin). Toutes les excitations d’énergie inférieures à cette demi-largeur (par exemple les phonons) ne sont pas résolues dans ce type d’expérience. Avec une intensité moindre mais cependant encore très importante, le second pic intense dans le spectre correspond au plasmon, c’est-à-dire à l’excitation collective des électrons de valence du semiconducteur.

38 Cette signature apparaît à 16,7 eV pour le Si massif et à 22,5 eV pour la silice. Enfin, dans le domaine des pertes d’énergie plus lointaines, au-delà de quelques dizaines d’eV, apparaissent des sauts d’intensité superposés à un fond continu décroissant, qui correspondent aux excitations des électrons de cœur du matériau étudié, comme par exemple l’excitation des électrons de caractère 2p du Si dans le cas de la figure 2-4 (seuil Si L). Les sauts d’intensité apparaissent à des énergies caractéristiques qui sont les énergies d’ionisation des électrons de cœur (environ 100 eV pour le seuil Si L). Pour cette raison, les signatures correspondantes dans le spectre EELS sont appelées distributions caractéristiques. L’intensité de ces distributions caractéristiques est nettement inférieure à celle du plasmon et ce d’autant plus que la perte d’énergie qui leur est associée est importante (facteur 10 pour une perte d’énergie vers 100 eV et facteur 1000 pour une perte d’énergie vers 500 eV).

Figure 2-4 : Spectre EELS du Si. La représentation avec une échelle logarithmique met en évidence la loi de décroissance en E-r de l’intensité du spectre EELS et permet de visualiser simultanément l’ensemble des signatures du spectre EELS dont l’intensité décroit selon une loi en E-r.(E : perte d’énergie, r : position des électrons).

I.6.c - Imagerie filtrée en énergie

Une image filtrée en énergie n’est plus une image de l’objet formée par tous les électrons transmis dans le faisceau direct comme pour une image en champ clair mais est une

39 image formée avec seulement une partie de la population de ces électrons transmis qui a été sélectionnée en fonction de la perte d’énergie qu’ils ont subie. Techniquement, ceci peut-être réalisé soit en formant directement l’image associée à une famille d’électrons sélectionnés en fonction de leur énergie à la sortie du spectromètre EELS (fig. 2-5). Cette méthode est appelée EFTEM (Energy Filtered Transmission Electron Microscopy) et peut être mise en œuvre avec une source cohérente d’électron (source à émission de champ), un spectromètre ayant une détection 2D et équipé à sa sortie dans le plan de dispersion spectrale d’une fente de sélection en énergie des électrons. C’est le système qui a été utilisé au CEMES avec le filtre en énergie de dernière génération GIF TRIDIEM (Gatan Imaging Filter) attaché en bas de la colonne du microscope FEI Tecnai G2 F20 S-Twin fonctionnant à 200 kV.

Figure 2-5 : Analyse par EFTEM. On remarque les coordonnées spatiales Δx et Δy parallèle au plan de l’échantillon et l’axe vertical qui correspond à la variation d’énergie ΔE. L’introduction d’une fente permet de sélectionner une gamme d’énergie ΔEs correspondant à une région précise du spectre EELS, dans notre cas cette gamme d’énergie se situera autour du plasmon de Si vers 17eV.

I.6.d - Choix de la signature EELS utilisée pour le filtrage en énergie : le plasmon Parmi les signatures du spectre EELS accessibles pour réaliser des images filtrées, le plasmon vers 17 eV ou la distribution caractéristique Si L23 vers 100 eV, nous avons choisi d’utiliser la signature de basse énergie pour plusieurs raisons.

La raison principale est que le plasmon est représentatif de la phase à laquelle il se rapporte, par exemple, le silicium ou la silice, tandis que la distribution caractéristique n’est représentative que de l’élément chimique auquel elle se rapporte, par exemple Si dans le

40 silicium et Si dans la silice. Or, les signaux plasmon de Si et de SiO2 qui se présentent sous la forme d’un pic intense centré respectivement à 16,7 et 22,5 eV sont bien différenciés et présentent un bon rapport signal sur bruit (figure 2-6).

Figure 2-6 : Plasmons du Si dans Si et dans SiO2

En revanche, exploiter la distribution caractéristique du Si suppose qu’il existe une différence significative entre cette signature dans le Si et dans SiO2. Cette différence existe, notamment le décalage en énergie d’environ 5 eV de la position du seuil d’absorption du Si par rapport à celui de SiO2 (figure 2-7). Cependant, la majeure partie de l’intensité du spectre EELS est distribuée dans le domaine des faibles pertes d’énergie (plasmon) et le signal

41 Figure 2-7 : Distribution caractéristique du Si, Si L23, dans Si et dans SiO2 après extraction du fond continu.

exploitable dans le domaine des pertes d’énergie de cœur (distribution caractéristique) est celui obtenu seulement après soustraction du fond continu décroissant sous la distribution caractéristique. De ce fait, le rapport signal sur bruit dans ce cas est moindre par rapport à celui du plasmon. Ceci implique un temps d’expérience beaucoup plus long pour une sélection au niveau d’une distribution caractéristique qu’au niveau d’un plasmon. Ceci revêt une grande importance dans le cas d’échantillons qui présentent une sensibilité au faisceau d’électrons comme c’est le cas de nos échantillons.

L’application de la technique EFTEM à l’étude de nanocristaux de Si dans SiO2 est décrite en détails dans la thèse d’H. Coffin [Coffin05] et dans la référence [Schamm08]. Dans le cas de nos échantillons nous avons utilisé cette technique pour visualiser la population de nanoparticules de Si enrobées dans la matrice SiON dont la signature plasmon est très proche de celle de la silice. Ceci nous a permis de mener une étude quantitative sur des images en section transverse, à savoir de mesurer leur distribution de taille, leur densité volumique et leur position par rapport à la surface et à l’interface avec le Si (voir Annexe II : « Traitement des images EFTEM »).

La microscopie électronique à transmission et les techniques qui lui sont associées se révèlent être une source impressionnante d’informations et un excellent outil pour des analyses structurales. En particulier dans le cadre d’une étude sur des structures nanométriques, il se révèle quasi indispensable car la plupart des techniques ne sont pas sensibles à des couches aussi minces. Malgré la diversité des informations que l'on peu tirer d'un tel outil, la microscopie reste couteuse en temps, en matériel et en ressources ce qui nous a amenés à utiliser des méthodes complémentaires ainsi que des outils de simulation, que nous verrons plus en détail dans le chapitre 4. Nous allons donc maintenant vous présenter les autres méthodes qui ont été utilisées au cours de ce travail de thèse. En particulier l’ellipsométrie qui fut utilisée en complément puis en remplacement des études en MET pour la plupart des échantillons après avoir vérifié l’accord entre les deux méthodes. Comme nous allons le voir l’ellipsométrie est une technique très précise et sensible, ce qui a pour avantage d’être utilisable sur nos couches bien qu’elles soient très fines.