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5.4 Roche complexes

5.4.1 Spectres de météorites SNC

Une première approche vers le cas des roches naturelles consiste à analyser les données acquises sur les météorites martiennes SNC. Comme nous l’avons résumé dans la partie 2.4.1.1 page 32, celles-ci sont admises comme étant représentatives de la diversité minéralogique existant à la surface de Mars et

Fig. 5.27 – Spectres de météorites SNC provenant de la librairie spectrale RELAB. Les références des spectres peuvent être trouvées en annexe page 310.

vont donc, dans une certaine mesure, nous permettre de nous confronter à des situations minéralogiques martiennes. En outre, comme le montre la figure 5.27, les spectres correspondants ne présentent pas de traces d’altération et les absorptions minéralogiques sont assez marquées. Cela s’apparente donc au jeu de données de laboratoire précédent. Le détail et les références des données sont détaillés dans l’annexe page 310.

Nous avons donc appliqué la procédure automatique à l’ensemble des spectres de météorites mar- tiennes disponibles. Les résultats pour chaque configuration sont donnés dans le tableau 5.4. Ainsi, pour un spectre, les sept modélisations sont vérifiées au travers des critères de tri et les configurations retenues par la procédure sont indiquées par une croix.

Le premier spectre correspond à la météorite ALH84001. Deux configurations sont validées : celle dédiée à l’orthopyroxène et celle dédiée au clinopyroxène. Le résultat MGM avec la configuration ortho-

Configuration validée

Spectre Lithologie Ol Opx Cpx OlOpx OlCpx OpxCpx OlOpxCpx

ALH84001 Orthopyroxénite X X

ALH77005-B Lherzolite X

ALH77005-C Lherzolite X

ALH77005-D Lherzolite X X

Chassigny Dunite X

EET79001-A-73 Basalte à olivine X X

EET79001-A-79 Basalte à olivine X X X

EET79001-B-79 Basalte X X X

EET79001-A-PA Basalte à olivine X X X X

EET79001-B-PB Basalte X X X

Shergotty Basalte X X X

Zagami Basalte X X

Nakhla Pyroxénite

Lafayette Pyroxénite

Tab. 5.4 – Tableau récapitulatif des résultats de notre procédure, dans le cas des météorites martiennes (X=configuration validée). Les références RELAB correspondantes sont données en annexe page 310.

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Fig. 5.28 – Résultats MGM pour : a) Orthopyroxénite (ALH84001), b) Harzburgite (ALH77005), c) Dunite (Chassigny), d) et e) Clinopyroxénite (EET79001 A-73) et f), g) et h) Clinopyroxénite (EET79001 B-PB).

pyroxène est représenté sur le diagramme a de la figure 5.28. Cette météorite étant une orthopyroxénite, la ”détection” du clinopyroxène est erronée. Cependant, seule une différence de quelques nanomètres existe entre les deux solutions. D’après le diagramme d’Adams, l’association de la position des centres à la fois autour de 920 et de 1945 nm peut correspondre aux deux pyroxènes (cf. Fig. 4.37) et nous sommes dans un cas de figure où la spectroscopie indique qu’il s’agit d’un pyroxène pauvre en calcium (LCP) sans pouvoir discriminer plus avant. D’après les données de Cloutis et Gaffey (1991b), il s’agit d’une enstatite contenant un peu de fer, donc nous nous orienterons vers la solution orthopyroxène (cf. Fig. 5.29), en accord avec les résultats de Kanner et al. (2007).

Pour la météorite ALH77005, trois spectres sont disponibles, chacun d’eux représentant une zone différente (spectres B, C et D, cf. Tab. 5.4). D’après les informations disponibles dans la base de données RELAB, le spectre B correspond à une face interne de la météorite, le spectre C correspond à la partie inférieure de la météorite et le spectre D correspond à une partie noire située dans la même zone que le spectre B. Les compositions exactes pour les trois phases ne sont toutefois pas renseignées. La météorite dans son ensemble est une lherzolite et elle est donc dominée par un mélange d’olivine et de pyroxène. Le spectre B n’est validé qu’avec la configuration OlOpx (diagramme b figure 5.28), ce qui paraît alors cohérent avec la composition globale. Le spectre C semble être plutôt représentatif de la phase associée à l’orthopyroxène. Ainsi, d’après la figure 5.29, les centres des gaussiennes (930 et 1908 nm) nous indique une pigeonite pauvre en calcium, ce qui est cohérent avec les données de la littérature. Le spectre D, représentatif de la dernière phase, est quant à lui validé avec les configurations Ol et OlOpx. Nous serions donc en présence d’une phase très riche en olivine avec seulement un peu d’orthopyroxène.

La troisième météorite, Chassigny, est une dunite et elle est correctement modélisée avec la confi- guration dédiée à l’olivine. Contrairement à de nombreux spectres d’olivine naturelle, les absorptions sont ici particulièrement bien marquées, en accord avec l’identification d’une olivine de type forstérite (Fo70pour Fo68d’après Floran et al., 1978). Le résultat est représenté sur le diagramme c de la figure

5.28.

Les cinq spectres associés à la météorite EET79001 sont représentatifs de deux lithologies différentes. Néanmoins, même dans le cas de la lithologie contenant de l’olivine, ce minéral est présent en proportion réduite (moins de 10%, cf. § 2.4.1.1 page 32). Au vu des données sur les poudres (voir les parties précédentes), les spectres ne devraient donc pas être affectés.

Les spectres A-73, A-79 et B-79 ont une forme similaire et les configurations Cpx (Fig. 5.28 dia- gramme d), Opx et Opx-Cpx (diagramme e) sont validées pour les trois spectres (cf. Tab. 5.4). Pour les deux premières configurations, nous sommes dans une situation identique au cas décrit pour ALH84001, c’est-à-dire qu’il s’agit d’un minéral pyroxène de composition intermédiaire plutôt faible en calcium. Il faut noter que pour le spectre A-73, seule la configuration clinopyroxène est retenue car la position du centre à 1 µm est très proche de la limite de tri pour l’orthopyroxène et les quelques nanomètres de variation entre les deux solutions mathématiques suffisent à écarter la configuration Opx. Nous avons donc deux possibilités : il s’agit soit d’un minéral de composition intermédiaire soit d’un mélange de deux pyroxènes.

Les spectres A-PA et B-PB présentent quant à eux une absorption plus large dans le domaine à 1 µm. Comme pour les trois premiers spectres décrits dans le paragraphe précédent, nous retrouvons les configurations Opx, Cpx (diagramme f Fig. 5.28) et Opx-Cpx (diagramme g) validées. Cette fois, se rajoute en plus la configuration OlCpx (diagramme h). Du point de vue des critères de tri, les solutions semblent toutes convaincantes. Cependant, d’après Sunshine et Pieters (1998), la dernière configuration

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Fig. 5.29 – Compositions des pyroxènes existants dans les différents types de météorites d’après les données de la littérature (voir le paragraphe 2.4.1.1 page 32 pour les références) par rapport aux données de Cloutis et Gaffey sur la position des centres des absorptions dans le quadrilatère.

Fig. 5.30 – Positions des centres des gaussiennes des pyroxènes dans le diagramme d’Adams pour les spectres correspondants à la météorite EET79001. Les spectres A-PA et B-PB pour lesquels la configuration Px est validée sont représentés en plus des solutions avec la configuration Cpx.

ne semble pas réaliste car les centres des gaussiennes de l’olivine ”850” et ”1250” (respectivement à 890 et 1205 nm) sont contradictoires. En effet, la première suggère une olivine de type fayalite et la seconde se rapproche des valeurs de centre associées à une forstérite. Il est néanmoins probable que l’olivine soit ici présente mais en quantité insuffisante pour être détectée correctement. Nous remarquons également que la gaussienne ”1200” des pyroxènes (configuration Cpx et Opx-Cpx) se place à des valeurs relativement élevées (1200-1250 nm), ce qui est aussi un indice de sa présence d’après Parente et Bishop (2006).

Les résultats du MGM pour les centres des gaussiennes des cinq spectres ont été reportés dans le diagramme d’Adams (Fig. 5.30). Suivant la configuration utilisée, nous distinguons trois ensembles de points : les deux extrêmes correspondent aux cas des mélanges tandis que le troisième, qui s’étale entre les deux, est associé à la configuration Cpx. Hormis le spectre A-73, nous constatons que les points pour les mélanges de pyroxènes se situent légèrement en dessous des valeurs de la littérature, notamment pour les clinopyroxènes qui présentent des centres au delà de 2300 nm. Si nous reportons ces mêmes résultats, en fonction des données de Cloutis et Gaffey, dans le quadrilatère des pyroxènes (Fig. 5.29), il est possible de distinguer deux groupes pour la configuration Cpx. Le premier contient les spectres A-73, A-79, B-79 et A-PA (ellipses rouges en pointillés) et se place entre les compositions extrêmes de la littérature concernant les pigeonites (représentées par les ronds noirs sur la figure 5.29, cf. § 2.4.1.1 page 32). Le spectre B-PB (ellipses rouges en trait plein) se place quant à lui entre les symboles noirs de la littérature qui concernent les augites. Les résultats pour les mélanges (ellipses bleues en trait plein) sont eux décalés, les centres des orthopyroxènes se situant plus près du pôle enstatite et les centres des clinopyroxènes plus près du pôle diopside. Dans le cas des mélanges, seuls les résultats du spectre A-73 (ellipses bleues en pointillés) correspondent aux valeurs de la littérature concernant la composition des deux pyroxènes.

Nous pouvons en conclure que les spectres A-79, B-79 et A-PA correspondent plutôt à des lithologies dominées par la pigeonite, tandis que le spectre B-PB correspond lui à une lithologie dominée par de l’augite. Ces deux résultats restent cohérents avec la composition générale de cette météorite (McSween, 1994). Le spectre A-73, quant à lui, semble représenter une lithologie où les deux types de pyroxènes sont en proportions équivalentes. L’ensemble de ces résultats suggère que la météorite présente des phases hétérogènes.

Les météorites Shergotty et Zagami, sont aussi des shergottites basaltiques. Elles ont par conséquent des minéralogies comparables à celle de la météorite EET79001 décrite dans les paragraphes précédents. L’origine des différentes solutions retournées par notre procédure (cf. Tab. 5.4) s’explique donc de la même manière et les valeurs données par le MGM sont comparables aux résultats pour le spectre B-PB, c’est-à-dire une composition de type augite. Ces deux météorites sont aussi représentées dans les figures 5.30 et 5.29.

Les deux derniers spectres correspondent aux météorites de la famille des nakhlites. Que ce soit pour Nakhla ou Lafayette, dans les deux cas aucune configuration n’est validée. L’initialisation pour le clinopyroxène amène en effet une solution mathématique aberrante, le continuum étant fortement convexe comme le montre la figure 5.31. Par contre, la configuration a priori dédiée à l’orthopyroxène modélise correctement les données d’un point de vue mathématique, avec cependant des paramètres de gaussiennes correspondant à ceux d’un clinopyroxène. Cet exemple reflète le fait que le MGM est particulièrement sensible à l’initialisation. La position trouvée pour les centres (1011 et 2197 nm) concorde avec une composition de type augite (cf. Fig. 5.29), en accord avec les compositions attendues (Bunch et Reid, 1975; Friedman et al., 1994).

5.4 Roche complexes

Fig. 5.31 – Résultats MGM avec les configurations Cpx (a) et Opx (b) dans le cas du spectre de la météorite Lafayette.