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CHAPITRE 2 ÉTAT DE L’ART

2.2 La télédétection du couvert nival

2.2.3 Le spectre visible

La présence ou l’absence de neige peut être détectée beaucoup plus facilement que l’ÉEN en exploitant la télédétection basée sur le régime visible du spectre électromagnétique. Bien que différent de l’ÉEN, la présence de neige peut néanmoins être utilisée comme indicateur d’une certaine quantité d’eau conservée dans la neige détectée. Il a été démontré que le suivi de cette variable a des bienfaits pour les simulations hydrologiques (Andreadis et Lettenmaier, 2006; Bergeron et al. 2014; Lavallée et al. 2006; McGuire et al. 2006; Roy et al. 2010; Tang et Lettenmaier, 2010), de même que pour le calage des modèles (Parajka et Blöschl, 2008b).

La neige se distingue des autres éléments terrestres dans le spectre visible en raison de son albédo élevé. L’albédo de la neige fraîche se situe généralement entre 80% et 90%, tandis que l’albédo de la neige en fonte peut descendre jusqu’à 50% et moins dépendamment des impuretés présentes dans la neige (Winther et al., 1999; Wiscombe et Warren, 1980). En effet, l’albédo de la neige varie principalement en fonction du contenu d’eau dans la neige, des impuretés, et de la taille et la forme des grains (Dozier et al., 2009). Sans connaître toutes ces informations a priori, une approche basée sur la réflectance d’un pixel terrestre obtenue par télédétection peut être suffisante pour détecter la présence ou l’absence de neige au sol de façon binaire (Dozier, 1984), bien qu’il existe également des méthodes pour quantifier la fraction de neige au sol (Kaufman et al., 2002; Painter et al., 2009; Rosenthal et Dozier, 1996; Salomonson et Appel, 2004).

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La méthode du démixage spectral est une méthode qui suppose que la signature spectrale observée par un capteur multispectral est une combinaison des signatures spectrales pures de toutes les composantes du pixel. La fraction des composantes, la neige par exemple, peut alors être déduite tant que le nombre de bandes spectrales est plus grand ou égal au nombre de composantes (plus d’équations que d’inconnues). Dans la pratique, il est nécessaire de borner les fractions afin de respecter les contraintes physiques (fractions positives et somme des fractions égale à l’unité). L’approche des moindres carrés peut être employée sur toutes les bandes pour obtenir des valeurs réalistes des fractions des composantes (Rosenthal et Dozier, 1996). Cependant, l’estimation de la fraction de neige n’est pas fiable en présence de végétation puisque celle-ci peut cacher la neige sous-jacente, ce qui diminue la fraction de neige estimée (Painter et al., 2009). Une détection binaire (neige ou sans neige) doit donc être employée.

Une autre méthode pour estimer la fraction de neige au sol est plus simplement d’utiliser un indice basé sur une différence de réflectance entre deux bandes spectrales (Kaufman et al., 2002) ou encore un polynôme d’un tel indice comme le Normalized Difference Snow Index (NDSI; Hall et al., 2001; Salomonson et Appel, 2004). Le NDSI est défini comme étant la différence entre la réflectance de la surface dans une bande spectrale dans le spectre visible d’un capteur et la réflectance dans une bande spectrale dans l’infrarouge à courte longueur d’onde (Short Wave Infrared, SWIR) normalisée par la somme de ces deux réflectances :

où 𝑏𝑉𝐼𝑆 est la réflectance dans la bande visible et 𝑏𝑆𝑊𝐼𝑅 est la réflectance dans la bande SWIR.

Cet indice permet entre autres de distinguer la neige au sol des nuages puisque la neige reflète beaucoup moins dans le SWIR que les nuages (Dozier, 1989). Les méthodes courantes basées sur le NDSI utilisent généralement une approche mixte pour détecter la présence de neige au sol. Par exemple, Hall et al. (2002) et Thirel et al. (2012) utilisent un arbre de décision basé à la fois sur les réflectances absolues dans certaines bandes spectrales du capteur satellitaire MODIS et de la valeur du NDSI pour estimer la présence de neige sous forme binaire (neige ou non-neige). L’exactitude des produits basés sur ces méthodes varie toutefois en fonction de la densité et du type de couvert végétal, de la présence de nuages et du temps de l’année,

NDSI = 𝑏𝑉𝐼𝑆− 𝑏𝑆𝑊𝐼𝑅

La télédétection du couvert nival 17 notamment pendant la période de fonte et d’accumulation où l’erreur est plus importante que le reste de l’année (Arsenault et al., 2014; Hall et al., 1998; Hall et al., 2007; Poon et Valeo, 2006).

Plusieurs capteurs sont actuellement disponibles pour la détection de la présence ou la fraction de neige, en plus des capteurs actuellement non fonctionnels pour faire un suivi sur une plus longue période (Dietz, 2012). Toutefois, la résolution spatiale et temporelle de ces capteurs varie énormément, allant de 30 à 8000 m de long par pixel et 3 h à 18 jours entre l’acquisition de deux images d’un même endroit.

La présence de nuages demeure cependant une nuisance pour la détection de la neige au sol. Les nuages diffusent trop le rayonnement visible et SWIR pour extraire une information par rapport à l’état du couvert de neige. Certaines études tentent néanmoins de réduire le nombre de pixels nuageux en appliquant un filtre spatial ou temporel (Painter et al., 2009; Parajka et Blöschl, 2008a) ou encore en combinant des informations obtenues à différents moments de la journée par différents capteurs (Bergeron et al., 2014; Marcil et al., 2016; Parajka et Blöschl, 2008a; Wang et al., 2009). Le filtre spatial consiste à compter le nombre de pixel avec et sans neige voisinant le pixel nuageux et à attribuer une présence ou une absence de neige à ce pixel selon l’information qui se manifeste en plus grand nombre. Le filtre temporel consiste à reculer dans le temps jusqu’à un nombre de jours précisé et d’attribuer au pixel nuageux la dernière information observée sans nuages. Ces méthodes par filtre augmentent effectivement le nombre de pixels sans nuages, mais au détriment de l’exactitude du produit final (Parajka et Blöschl, 2008a).

Finalement, l’approche multicapteurs peut être avantageuse pour deux raisons principales. Premièrement, les temps de passage des satellites peuvent être différents, de sorte que les nuages ont possiblement le temps de se déplacer entre les passages (Parajka et Blöschl, 2008a; Wang et al., 2009). Deuxièmement, les différents types de capteurs, comme les capteurs dans le spectre visible et les capteurs micro-ondes passives et actives, peuvent être complémentaires au niveau de la résolution spatiale et la sensibilité à la présence de nuages comme le produit

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ANSA (Foster et al., 2011), ou un mélange des deux comme le produit IMS (Ramsay, 1998) parmi d’autres (Bergeron et al, 2014; Gao et al., 2010).