• Aucun résultat trouvé

Spécifier l’objectif thérapeutique

Dans le document Bien prescrire les médicaments (Page 57-60)

Médicament de prédilection et traitement de prédilection

Étape 2: Spécifier l’objectif thérapeutique

Avant de décider d’un traitement, il vous faut absolument spécifier votre objectif thérapeutique, c’est-à-dire ce que vous attendez du traitement. Les exercices qui suivent permettent de se familiariser avec cette démarche.

Exercice: patients 9 à 12

Pour chacun des cas présentés ci-dessous, spécifiez votre objectif thérapeutique. Les solutions sont discutées plus bas.

Patiente 9:

Fillette de 4 ans présentant des signes de sous-nutrition légère. Souffre d’une diarrhée aqueuse depuis trois jours. Pas de vomissements.

Depuis vingt-quatre heures elle n’a pas uriné. L’examen ne révèle pas de fièvre (36,8°), mais le pouls est rapide et la peau manque d’élasticité.

Patiente 10:

Étudiante de 19 ans. Se plaint de maux de gorge. À l’examen, on constate une légère inflammation du pharynx. Pas de fièvre ou d’autre signe. Après une hésitation, elle vous indique qu’elle n’a pas eu ses règles depuis trois mois. L’examen révèle qu’elle est effectivement enceinte.

Patient 11:

Homme de 44 ans insomniaque depuis six mois. Vient se faire renouveler une ordonnance prescrivant un comprimé de diazépam à 5 mg avant le coucher. Le patient désire 60 comprimés.

Patiente 12:

Femme de 24 ans. Déjà venue à la consultation il y a trois semaines en se plaignant d’être constamment fatiguée depuis qu’elle a accouché de son second enfant. La sclérotique est un peu pâle mais l’hémoglobine est normale. Auparavant, vous lui aviez conseillé de s’abstenir d’effort physique. Elle revient vous voir parce que sa fatigue persiste et qu’un ami lui a dit qu’une injection de vitamines lui ferait du bien. De fait, c’est ce qu’elle souhaite.

C

préoccupante, l’enfant étant déjà légèrement sous-alimentée. En l’occurrence, l’objectif thérapeutique est donc: 1) d’empêcher une aggravation de la déshydratation; 2) de réhydrater. Attention: il ne s’agit pas de soigner l’infection (des antibiotiques seraient de toute manière inefficaces).

Patiente 10 (grossesse):

Vous aurez reconnu ici la patiente 5 qui se plaignait de maux de gorge alors que son véritable problème était la présomption de grossesse. Vous ne résoudrez pas le cas en lui prescrivant un remède contre l’angine. L’objectif thérapeutique dépend de l’attitude de la patiente envers sa grossesse et, à ce propos, il lui faut plus probablement des conseils qu’autre chose. L’objectif thérapeutique, en l’espèce, est donc de l’aider à prendre des dispositions pour l’avenir, ce qui n’implique vraisemblablement pas de traiter sa pharyngite. En outre, parce qu’elle est en début de grossesse, il convient, sauf circonstances impératives, de ne pas lui prescrire de médicament.

Patient 11 (insomnie):

Quant à ce patient, le problème n’est pas de décider quel médicament lui prescrire, mais comment cesser la médication. Le diazépam n’est pas indiqué pour un traitement prolongé de l’insomnie, car un épuisement d’effet apparaît rapidement; il ne doit être utilisé que brièvement, lorsque c’est absolument nécessaire. Dans le cas présent, l’objectif thérapeutique n’est pas de venir à bout de l’insomnie du patient, mais d’éviter la pharmacodépendance. On pourrait donc réduire progressivement la posologie, sous surveillance attentive, afin d’atténuer les symptômes de sevrage, tandis qu’on se tournerait vers des techniques comportementales plus appropriées pour soigner l’insomnie et parvenir ainsi à cesser complètement la médication au diazépam.

Patiente 12 (fatigue):

Il n’y a pas d’explication apparente à la fatigue de cette patiente. C’est pourquoi il est difficile d’établir un plan de traitement rationnel. Une fois exclue l’hypothèse de l’anémie, vous pourriez imaginer que, jeune mère élevant deux enfants et travaillant de surcroît à l’extérieur, elle est en permanence surmenée. Votre objectif thérapeutique est donc de l’aider à réduire son surmenage physique et émotionnel, ce qui exigera peut-être d’impliquer d’autres membres de sa famille.

On a ici un bon exemple de traitement non médicamenteux. L’administration de vitamines serait inutile, ne servirait que de placebo. En fait, une injection de vitamines aurait probablement sur vous aussi un effet de placebo en vous donnant l’illusion que vous avez fait quelque chose pour votre patiente.

Conclusion

Vous constatez donc que l’objectif thérapeutique est parfois très simple: on soigne une infection ou une maladie. Mais ce n’est pas toujours le cas, comme pour la patiente dont l’état de fatigue s’explique mal. Il arrive même qu’on soit induit en erreur (étudiante avec l’angine). Vous avez remarqué que le fait de spécifier un

objectif thérapeutique est un bon moyen de structurer votre pensée: ça vous contraint à vous concentrer sur le véritable problème, ce qui limite les possibilités thérapeutiques et, partant, facilite le choix.

Spécifier l’objectif thérapeutique permet d’éviter dans une grande mesure le recours inutile à des médicaments. Cette démarche devrait également vous dissuader de traiter simultanément deux maladies si votre diagnostic est incertain, ce qui pourrait se produire au cas où, constatant de la fièvre, vous ne sauriez s’il faut prescrire un antipaludéen ou des antibiotiques; ou encore, hésitant entre une mycose et un eczéma, s’il convient de prescrire une pommade contenant un antifongique ou un corticostéroïde.

Spécifier l’objectif thérapeutique vous aidera également à ne pas prescrire inutilement une médication à titre prophylactique, faute très fréquente quand on administre un antibiotique pour prévenir l’infection d’une plaie, ce qui est irrationnel.

Avant de commencer le traitement, c’est une bonne idée que de discuter avec le patient de l’objectif thérapeutique: il peut alors vous apparaître que celui-ci a des vues parfaitement divergentes des vôtres quant aux causes de ses maux, au diagnostic et au traitement; de plus, la discussion fait du patient un partenaire informé qui n’en observera que mieux le traitement.

hapitre 8

Étape 3: S’assurer de l’adéquation du

Dans le document Bien prescrire les médicaments (Page 57-60)