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Quelques spécificités de La Primevère qui ont trait au fonctionnement dans la réalité de l’école

4. Présentation et analyse des résultats

4.6. Réflexions sur l’école

4.6.2. Quelques spécificités de La Primevère qui ont trait au fonctionnement dans la réalité de l’école

Dans cette deuxième catégorie d’analyse, en bleu dans le tableau en tête de ce chapitre, il y a un point essentiel qui a été soulevé dans les entretiens : le rôle central joué par la personne responsable de La Primevère. Boisvert (2000) souligne le rôle important que le leader et le type de leadership appliqué peuvent jouer dans le fonctionnement d’une équipe (cf. p. 19-21). À La Primevère, selon les personnes interrogées, le responsable tient ce rôle de leader avec une bienveillance qui insuffle motivation et confiance à l’équipe, ce qui rappelle le concept de vouloir-agir de Le Boterf (2015, cf. p. 20) Il laisse à chacun une marge de manœuvre et une autonomie qui sont valorisantes, tout en étant garant du respect du cadre.

On a un responsable qui a des valeurs, qui sait ce qu'il fait, qui permet qu'on puisse s'organiser, parce que c'est très important qu'on puisse organiser. Ça aussi je pense que c'est cette qualité-là qui nous donne une direction. Et dans le respect de tout le monde, sans subir les hiérarchies, l'arrogance ou l’égo que pourrait développer chacun (E3).

Il est aussi évoqué le rôle de filtre que joue cette personne face aux autorités, filtre qui préserve l’équipe et qui tient parfois du vital, pour le bien des enfants et de l’équipe :

La spécificité de la Primevère tient peut-être beaucoup à notre responsable, qui ne suit pas aveuglément les édits du canton. Avant d'appliquer quelque chose on se demande si ça a du sens pour les enfants de la Primevère. Il me semble qu'on a une équipe qui se questionne beaucoup sur le sens des choses par rapport à d'autres lieux que j'ai côtoyés. Et que la priorité est mise aussi bien sur les enfants que sur l'équipe. Mais ça c'est notre responsable, pour beaucoup, à qui on le doit (E4).

L’importance de la personne responsable et de ses valeurs se fait également ressentir dans l’engagement des collaborateurs, où une chance peut être laissée à chacun :

J'ai l'impression qu'on a été engagé pour ce qu'on pouvait amener à l'école et pas parce qu'on correspondait à un canevas. Donc là, quand on est engagé de cette manière, on est très motivé parce qu'on se sent reconnu dans nos compétences et puis on a envie d'y aller, d'utiliser ces compétences qu'on a qui ont été reconnues et sur lesquelles on attend quand même quelque chose (E5).

Dans les autres aspects concrets qui font la spécificité de La Primevère, il y a le fait que c’est une petite structure : « ça fonctionne mais aussi parce que ce n'est pas trop complexe, pas trop immense et aussi parce qu'on a une certaine autonomie par rapport à l'institution » (E3). Nous possédons un cadre et une dotation privilégiés : « le fait qu'on soit dans des classes, dans des groupes petits, ça permet d'être plus proche de l'enfant, de mieux le comprendre, de mieux le sentir, de mieux l'écouter et de le suivre » (E2). C’est clairement une différence par rapport à l’école ordinaire. L’enfant est ici particulièrement au centre. « On ne peut pas partir de la classe pour faire travailler l'enfant. Il faut partir de l'enfant, des spécificités de l'enfant, de ses besoins particuliers, de ses compétences pour faire après un projet plus global de classe » (E6). Cela va bien dans le sens de ce qu’évoque Delion (2010) en disant que « l’enfant qui porte cette

pathologie est un être en développement, et à ce titre, doit devenir le sujet de toutes nos préoccupations pour l’aider à « maturer » avec toutes les possibilités à sa disposition » (p. 46). Se pose aussi la question du rythme. « À La Primevère, je trouve que c'est une école qui permet de suivre le rythme de l'enfant, parce qu'on voit bien que ces enfants ils ont un rythme différent. Ils ont une manière de non-adaptation qui est particulière » (E2). Tout est pensé et construit en fonction des besoins de l’enfant, comme évoqué par Laxer (2012) p. 8-9. « On est particulier dans le sens où on prend soin de ses besoins, on le met moins dans cette pression, dans cette tension de la performance, parce que ça n'a pas de sens pour ces enfants » (E3).

Mais qu’en est-il alors des points communs avec l’école ordinaire ? Il y en a, et ils sont nombreux. La question du rythme a également été évoquée comme étant un point commun, non pour une question d’adaptation au rythme de l’enfant, mais pour la question d’inscrire l’enfant dans la « normalité quotidienne ». « Les départs et les retours. Moi j'aime bien ce rythme. Parce que ça donne un rythme ordinaire à des enfants qui sont extraordinaires. Et je trouve que ça contribue à ce qu'ils soient inscrits dans la vie sociale » (E4). « Je pense que garder le rythme scolaire, pour le regard extérieur en tout cas, ça les maintient dans ce statut d'enfants » (E4). Ainsi l’idée de « normalité » est évoquée par le fait de s’inscrire comme « école » avant tout, plutôt que comme un établissement spécialisé :

Je me mets un peu du côté de la famille, je pense que c'est très important pour eux que leur enfant puisse aller dans un lieu où on dit : « il va à l'école ». Pas « il va dans une institution spécialisée » qui fait quand même tout de suite très enfermant dans des difficultés, et puis après c'est quel genre de difficultés, et tout ça. Là, « école », c'est un mot qui est commun pour les enfants qui ont des difficultés ou pas finalement (E5).

Un autre point commun avec l’école ordinaire est la question de la socialisation.

Pour moi, l'école, pour ces enfants, c'est une école qui permet à l'enfant de se socialiser, déjà. De vivre ensemble avec d'autres enfants. Et puis ça, je pense que c'est l'école, pour tout enfant. C'est permettre à l'enfant de faire les apprentissages vraiment basiques. Mais comme on peut proposer à d'autres enfants. S'organiser, se repérer dans le temps, dans l'espace, s'autonomiser, être un minimum autonome, pouvoir choisir, pouvoir s'exprimer,

pouvoir jouer. Je trouve que ça reste une école comme pour des enfants dits « ordinaires » (E2).

Cette citation pose aussi la question de l’autonomie. Aller à l’école c’est grandir et apprendre à se débrouiller. Pour tout enfant. Même si pour certains le chemin sera plus long…

Pour moi ce qui est important de travailler dans le cadre d'une école, de cette école, c'est de travailler sur l'autonomie des enfants. C'est que dans tous les domaines on aide l'enfant à grandir, à s'autonomiser, à se débrouiller de mieux en mieux tout seul. Ce qui est un peu les mêmes objectifs que dans toute école. Les aider à grandir, les aider à consolider leurs bases, à prendre confiance en eux, à s'autonomiser, à pouvoir se débrouiller seuls le plus possible (E6).

Au vu de tout ce qui a été relevé dans ce chapitre, il me semble pertinent de dresser une brève synthèse des divers constats mis en évidence par l’analyse effectuée dans ce travail.