• Aucun résultat trouvé

PARTIE II : les comptabilités environnementales agricoles : analyse comparative

1. Spécificités de la comptabilité agricole

La production agricole diffère des autres secteurs de l’économie par un certain nombre de caractéristiques spécifiques. L’agriculture est basée sur l’utilisation de la terre comme principal moyen de production. Les processus de reproduction économique sont donc étroitement liés aux processus naturels et biologiques. Par conséquent, la période de travail au cours duquel sont générés des coûts, n’est pas la même que la période de réception des produits (Beliy et al., 1992, p. 10).

De plus, les conditions de production et les conditions météorologiques influencent les résultats. L’effet des conditions climatiques, naturelles et des caractéristiques biologiques

conduit à la saisonnalité de la production agricole, d’où des coûts irréguliers de la production et du travail pendant l’année. La grande masse des coûts a lieu lors de l’exécution des opérations agricoles de base telles que les semis, les soins des cultures, la récolte. Par conséquent, le volume des activités comptables au cours de l’année change radicalement. Ce facteur doit être pris en compte lors de l’organisation du processus comptable.

Dans l’agriculture, le processus de production a un caractère de long terme, il continue d’une année civile à l’autre. Par conséquent, à la fin de l’année, il y a beaucoup d’en cours. À cet égard, on considère les coûts de production non seulement selon les objets individuels mais on les répartit en trois catégories : coûts des années précédentes pour la récolte de l’année en cours, coûts de l’année de la récolte de la même année et coûts de l’année pour la récolte des années à venir.

En raison de leur saisonnalité, les produits agricoles arrivent d’une façon irrégulière le long de l’année, et leur coût réel n’est estimé qu’à la fin de l’année civile quand sont pris en compte tous les coûts de production et le rendement total. Au cours de l’année les produits agricoles consommés à des fins de production (semences ou aliments pour animaux, par exemple) sont pris en compte selon leurs coûts prévisionnels. Les résultats financiers définitifs de l’entreprise (profit ou perte) sont déterminés après le calcul du coût réel des produits vendus, soit à la fin de l’année civile.

Par ailleurs, il existe des spécificités en matière de comptabilisation des animaux, qui peuvent être enregistrés en fonction de leur destination et utilisation dans les actifs immobilisés ou circulants (comme des stocks ou des produits en cours).

En outre, la production agricole provenant des cultures peut être utilisée à la ferme pour l’alimentation des animaux et les semences. Il faut pour cela une comptabilisation distincte des produits de commodité, des semences et des aliments pour animaux. Un flux massif des produits dans une période de temps relativement courte avec une grande surface nécessite un contrôle effectif sur son mouvement en transit et en stockage.

Un trait caractéristique de la production agricole est le fait qu’il y a souvent des produits différents obtenus d’une même culture ou d’un type d’élevage. On peut distinguer la production de base, les produits joints et les sous-produits. La production de base est celle pour laquelle une telle culture est produite. Par exemple, à partir des céréales sont produits : les grains comme produits principaux, et la paille comme sous-produit. Si, à partir d’une culture ou d’un groupe technique de bétail il y a plusieurs sortes de produits de base, ces produits sont les produits joints. Lors du calcul du coût de production une répartition des coûts est nécessaire entre les produits principaux, les produits joints et les sous-produits.

agricoles de la France et de la Russie est que les deux pays ont à leur disposition une organisation standardisée et réglémentée de la comptabilité grâce au plan comptable.

Le premier plan comptable général agricole (PCGA) français a été approuvé par le Conseil National de la Comptabilité le 9 juillet 1986, et officialisé par un arrêté du ministère de l’Agriculture en date du 11 décembre 198688 (Fioleau, 2009). Le PCGA se base sur les principes et normes du Plan Comptable Général (PCG), donc il ne s’agit pas d’une simple transposition du (PCG), mais bien d’une conception spécifique pour les exploitations agricoles, « quelles que soient leur forme juridique et sociale et leur orientation technique et économique » (Fioleau, 2009, p.115-116).

Les principales adaptations du PCGA français concernent les biens vivants (c’est-à- dire, « l’ensemble des animaux et végétaux impliqués dans l’activité de production de l’exploitation »), la définition et la comptabilisation de l’autoconsommation de 1’exploitant, le traitement comptable des indemnités et des subventions, et des opérations de compensation (Fioleau, 2009, p.115-117).

Le PCGA considère comme un bien vivant immobilisé « tout animal ou végétal destiné à servir de façon durable à l'activité de l'entreprise agricole pour produire des biens ou des services vendus ou à être incorporés dans le cycle d'exploitation. Il s'agit par exemple des animaux reproducteurs, des vignes ou des plantations pérennes » (Fioleau, 2009, p.117). « Les biens vivants considérés comme non immobilisés sont les animaux ou végétaux qui interviennent dans le cycle d’exploitation pour être « exclusivement » vendus au terme d’un processus de production » (Fioleau, 2009, p.117).

Une des particularités du PCGA français est la reconnaissance de l’existence de l’autoconsommation de l’exploitant, de sa famille ou de ses associés ou salariés. Elle est définie « comme une consommation prélevée sur la production de l’entreprise sans contrepartie monétaire » (Fioleau, 2009, p.117-118) et elle doit être évaluée au coût de production.

Quant aux indemnités et subventions, le PCGA les considère comme des produits faisant partie soit du résultat courant « lorsqu’ils se substituent à des produits normaux ou compensent des charges normales de l’exercice : la prime annuelle de vente de lait ou de produis laitiers correspond à ce cas de figure » (Fioleau, 2009, p. 118), soit du résultat exceptionnel (Lejet et Arnold, 1988 ; cités par Fioleau, 2009, p.118).

Le bilan, le compte de résultat et l’annexeintègrent les particularités du plan comptable général agricole (Fioleau, 2009, p. 118) : « Dans le bilan, les principales modifications interviennent à l’actif, la structure du passif étant identique à celle proposée par le plan comptable général ». L’actif immobilisé inclut des immobilisations corporelles hors biens

vivants, dont les aménagements fonciers et les améliorations de fonds, et les immobilisations corporelles (biens vivants), qui comprennent les animaux reproducteurs et les végétaux immobilisés. L’actif circulant fait apparaître « deux types de stocks relatifs aux « biens vivants et en-cours », selon que le cycle de production est supérieur à deux ans (cycle long) ou inférieur à deux ans (cycle court) » (Fioleau, 2009, p. 118-119). Ces stocks concernent notamment les animaux, les avances aux cultures, les autres végétaux et les en-cours.

Dans le compte de résultat, on retrouve également des rubriques spécifiques qui concernent en particulier les achats et les ventes d’animaux, les cotisations sociales personnelles de l'exploitant, la production auto-consommée et les variations d'inventaire relatives aux animaux producteurs immobilisés et aux biens vivants non immobilisés (Fioleau, 2009, p. 118-119).

En outre, Fioleau (2009, p.119) aborde le problème de traitement comptable du foncier :

« Deux situations peuvent se présenter pour l’exploitant : ou les terres qu’il exploite sont louées et, dans ce cas, il verse un fermage qui représente pour lui une charge d’exploitation, ou il en est propriétaire. Dans cette hypothèse, la fiscalité a une incidence importante sur les décisions à prendre pour ce qui concerne le foncier : « dans une optique fiscale, l’agriculteur a la latitude de considérer que les terrains constituent un bien privé, il peut ne pas le faire figurer au bilan de l’exploitation même lorsqu’il en est propriétaire » (Gourmet, 1984). L’agriculteur a donc le choix entre l’inscription ou non des terres au bilan de son exploitation ».

En Russie, les questions de l’organisation comptable en agriculture sont réglementées par les actes du Ministère de l’agriculture de la Fédération de Russie. La majorité de ces documents ont été élaborés pour développer les actes du Gouvernement et du Ministère des Finances de Russie. Par exemple, ce sont les Recommandations méthodiques de la comptabilisation des charges de production et du calcul des coûts des produits (travaux, services) dans les organisations agricoles, adoptées par l’arrêté ! 792 du Ministère de l’agriculture de Russie du 6 juin 200389, les Recommandations méthodiques de la comptabilité des immobilisations dans les organisations agricoles, adoptées par l’arrêté ! 559 du Ministère de l’agriculture de Russie du 19 juin 200290, les Recommandations méthodiques de l’organisation comptable dans les coopératives du 20 juillet 200091, en conformité avec la loi fédérale «De la coopération agricole» ! 193-FZ du 8 décembre 1995. Il existe, pour ainsi dire, des formes de documents comptables spécialisés en agriculture (92 formes), des formes de l’inventaire et des instructions pour leur tenue. On distingue également des biens vivants dont la comptabilisation est actuellement en ligne avec les règles françaises, mais avec une tendance

89 Les Recommandations méthodiques... (2003). 90

Les Recommandations méthodiques... (2002).

à aborder les règles internationales de la comptabillité agricole : il existe un projet d’un arrêté concernant les actifs biologiques qui est largement inspiré par la norme IAS 41 « Agriculture ». L’IAS 41 définit les actifs biologiques comme « un animal ou une plante vivants » (Focus IFRS.com, 2009). Cette norme distingue les produits agricoles au moment de la récolte qui sont des produits récoltés des actifs biologiques de l’entreprise. Ces catégories d’actifs doivent être évaluées à leur juste valeur diminuée des frais estimés du point de vente. IAS 41 suggère de distinguer les actifs biologiques consommables et producteurs, qui peuvent être ventilés entre actifs biologiques adultes et immatures (IFRS Foundation).

Quatrième chapitre : la comptabilité environnementale agricole : théories

On peut observer une multiplicité d’approches comptables proposées dans le contexte de l’agriculture durable. Le problème de comptabilité environnementale en agriculture a été examiné dans les travaux de Dalsgaard et Oficial (1997), Lewis et Bardon (1998), Bochu et al. (2000), Lamberton (2000), Bitchkova et Egorov (2001), Chirobokov et Zotov (2004), Volkova (2002), Zahm (2004), Halberg et al. (2005), Solomkina et al. (2005), Zotov (2006), Van Passel et al. (2007), Zahm et al. (2008), Houdet et al. (2009), Altukhova et Chirobokov (2010), entre autres.

Dans ce chapitre, je propose de regrouper ces études en deux approches : celles « purement » comptables, c’est-à-dire qui traitent directement des principes comptables, du plan comptable ou des règles de comptabilisation, et celles basées sur des indicateurs. Ce classement est opéré à partir des propos des auteurs concernés ou en fonction de notre propre analyse de leurs travaux, notamment en ce qui concerne les indicateurs de durabilité des entreprises agricoles.

Documents relatifs