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Spécificité du handicap psychique

B. Aspects légaux

3. Spécificité du handicap psychique

Dans leur livre blanc, les partenaires de Santé Mentale France (31) exposent les raisons qui les ont amenés à regrouper différentes associations sous une même « bannière » : le terme de handicap psychique y est présenté comme le nœud des revendications et des objectifs des partenaires que sont l'Union nationale des amis et familles de malades psychiques (UNAFAM) (32), la Fédération nationale des associations d'(ex)-patients psy

(FNAp-Psy), la conférence nationale des présidents de commissions médicales

d'établissements et la Fédération Croix marine.

Il s'agit, d'une part, de faire exister la population des personnes souffrant de troubles psychiques, d'autre part, d'informer la collectivité sur la vraie nature de ce handicap et sur les risques qui lui sont liés. Enfin il s'agit d'aider les responsables du social dans la cité, et ceux qui vont répartir les ressources disponibles et les validations officielles, à faire en sorte que les droits des personnes soient mieux protégés.

Cette prise de position politique, associant les acteurs sanitaires et sociaux, différencie le handicap psychique du handicap mental lié à la déficience intellectuelle. Il semblerait qu'elle ait été comprise par le législateur même si le terme de « handicap psychique » ne figure pas, en tant que tel, dans la loi du 11 février 2005. Cependant, l'altération des fonctions cognitives ou psychiques à l'origine du handicap y est mentionnée (33). Un changement présent dans la loi du 11 février 2005 est celle de l’apparition du concept de « handicap psychique ». En effet, bien que ce terme en lui-même ne figure pas dans la loi, « l’altération des fonctions cognitives et psychiques à l’origine du handicap » y est mentionnée.

« Le handicap psychique se distingue du handicap mental selon trois critères : l’intelligence, la médicalisation, la variabilité. Il n’y a pas toujours une déficience intellectuelle permanente, il y a un handicap comportemental se traduisant par :

Des difficultés à acquérir ou à exprimer des habiletés psychosociales avec des déficits d’attention et des difficultés à élaborer et suivre un plan d’action.

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Une alternance d’états psychiques calmes ou tendus, empêchant la grande majorité des patients d’assurer une activité professionnelle mais qui n’excluent pas une vie en milieu ordinaire, pourvu qu’un accompagnement adapté soit institué » (16).

La prise en compte par la loi du 11 février 2005 du handicap psychique a ainsi ouvert beaucoup d'espérances, notamment dans le cadre de l'élaboration d'un plan de compensation. Elle permet une certaine reconnaissance d'une population jusque-là « invisible » en termes de besoins, mais cependant repérée depuis longtemps dans les dispositifs dédiés aux personnes handicapées et en particulier les commissions mises en place par les lois de 1975.

La définition du handicap psychique proposée dans le livre blanc (31) est ainsi libellée : « le handicap psychique se distingue du handicap mental selon trois critères : l'intelligence, la médicalisation, la variabilité. Il n'y a pas toujours une déficience intellectuelle permanente, il y a un handicap comportemental se traduisant par :

• des difficultés à acquérir ou à exprimer des habiletés psychosociales avec des déficits d'attention et des difficultés à élaborer et suivre un plan d'action

• une alternance d'états psychiques calmes ou tendus, empêchant la grande majorité des patients d'assurer une activité professionnelle mais qui n'excluent pas une vie en milieu ordinaire, pourvu qu'un accompagnement adapté soit institué ».

Cette définition peut apparaître assez floue, manquant de pertinence en regard des exigences de la classification CIF. Elle mélange des symptômes de la maladie et des signes exprimant les conséquences de la maladie. La place des troubles cognitifs, expressions d'une déficience, mais aussi à l'œuvre dans la réalisation des limitations et incapacités, est ambiguë et traduit l'une des spécificités du handicap psychique. C'est donc plutôt dans une approche référencée aux travaux de Wood (il existe un processus dynamique et interactif entre les différents plans d'expérience) qu'il faut la comprendre.

Elle a cependant le mérite d'être une vignette illustrative de la complexité des situations de handicap vécues par les personnes souffrant de troubles psychiques.

On peut donc retenir comme particularités du handicap psychique :

• une fluctuation évolutive liée aux « poussées » de la maladie, ce qui contraste avec l'aspect fixé du plus grand nombre des handicaps, et qui le rend très contingent du suivi médical ;

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• une préservation des capacités intellectuelles qui s'accompagne cependant de troubles cognitifs peu exprimés et souvent difficiles à repérer et qui perturbent, à des degrés très divers, l'organisation de l'activité et les relations sociales ;

• une faible demande d'aide des personnes (conséquence des troubles cognitifs et de l'isolement) majorée par la stigmatisation dont souffrent les personnes porteuses de pathologies psychiatriques (28).

Les études internationales réalisées lors de la révision de la classification internationale des handicaps (CIH) et portant sur tous types de handicap ont montré que les personnes en situation de handicap psychique sont celles qui ont le moins accès à des stratégies de compensation, par un accès moindre aux dispositifs existants et l’absence de compensation adaptée à ce type de handicap.

Le handicap psychique fait ainsi figure d'exemplarité par la complexité de sa nature intriquée avec la maladie et par les difficultés qu'il suscite pour mettre en œuvre sa compensation. P. Gohet, délégué interministériel aux personnes handicapées a déclaré en 2006 : « c'est par la qualité des réponses au handicap psychique que l'on mesurera la qualité de la loi parce que le handicap psychique est à la croisée des chemins de toutes les problématiques ».

Si l'inscription du handicap psychique dans la loi du 11 février 2005 signe le succès dans la réalisation de l'objectif « cibler une population et ses besoins », organiser une réponse de qualité à ces besoins se heurte à deux écueils majeurs :

• trouver une zone d'articulation entre le secteur sanitaire et le secteur médicosocial autour de concepts partagés concernant la maladie psychiatrique et la production du handicap psychique,

• reconnaître et être en mesure d'évaluer le handicap psychique.

Cette reconnaissance « légale » du handicap psychique vient ainsi impacter les pratiques et le champ de la psychiatrie vers celui de la santé mentale.

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4. Handicap psychique et pratiques en santé mentale :