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Chapitre 1- Introduction bibliographique

2. Consommation de sources de protéines et impacts sur les paramètres de durabilité

2.3. Sources de protéines et impacts sur l’environnement

L’INRA a publié en 2016 une expertise collective sur l’élevage et notamment ses impacts sur l’environnement (Dumont et al. 2016). Les conclusions de cette expertise seront reprises ici, ainsi que d’autres sources plus récentes. En France, l’outil AGRIBALYSE a été développé pour évaluer l’impact de la production agricole sur différents paramètres environnementaux à partir d’analyses de cycle de vie (ACV) (Colomb et al. 2015).

Emissions de gaz à effet de serre

La production alimentaire contribue aux émissions de gaz à effet de serre (GES) (CO2, méthane ou protoxyde d’azote) à travers l’élevage (alimentation animale et méthane émis par la digestion des ruminants), l’utilisation des sols (conversion des forêts et prairies en terres cultivées, labour, fertilisation azotée), le transport et la transformation. En compilant les données de rapports récents, Willet et al. ont estimé que les émissions de GES du secteur agricole mondial étaient comprises entre 8,5 et 13,7 Gt eqCO2 / an et étaient stables depuis 1990, les hausses de production étant compensées par les baisses d’émissions par unité de production (Willett et al. 2019). Un des rapports cités estime les émissions de GES de l’agriculture, la foresterie et l’affectation des terres à 10-12 Gt eqCO2 / an, soit 25% des émissions liées aux activités humaines. D’après la FAO, l’élevage contribue en grande majorité aux émissions de GES du secteur de la production alimentaire. En effet, dans son rapport sur le changement climatique et l’élevage de 2013, l’organisme a estimé que l’élevage était responsable de l’émission de 7,1 Gt eqCO2 / an, soit 14,5 % des émissions de GES liées aux activités humaines (Gerber et al. 2013). Le secteur bovin est le principal contributeur aux émissions de GES du secteur de l’élevage avec 41% des émissions pour la production de viande bovine et 20% pour la production de lait. Les émissions de GES de l’élevage sont liées principalement à la production et à la transformation des aliments pour bétail (45%, y compris 9% en lien avec la conversion des forêts en zones cultivées) et à la fermentation entérique des ruminants (39%). La consommation d’énergies fossiles contribue à 20% des émissions du secteur. Les émissions dépendent largement des modes de production et donc des pays considérés. Par exemple, dans l’Union Européenne à 28, l'agriculture, la foresterie et l'affectation des terres ont contribué à environ 12% des émissions de GES en 2015, en comptabilisant l’utilisation d’énergie liée à ce secteur (CGDD 2018). Ce chiffre est d’environ 20% pour la France en 2015, de par l’importance du secteur agricole dans le pays. Les émissions sont principalement dues au méthane émis par la fermentation entérique (38% du secteur agricole) et aux sols agricoles (37%), par l’émission de protoxyde d’azote (Figure 11).

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Figure 11. Emissions de gaz à effet de serre liées àl'agriculture, la foresterie et l'affectation des terres dans l’UE et en France entre 1990 et 2015

(extrait de CGDD 2018, d’après les données AEE et Citepa)

La question des différences d’usage des sols pour produire des aliments végétaux ou animaux est centrale dans la discussion sur les perspectives d’évolutions de consommation, ainsi que sur les émissions de GES. En effet, l’alimentation de l’élevage, particulièrement l’élevage bovin, utilise peu d’aliments utilisables directement par l’Homme et stimule le stockage de carbone dans les sols. L’alimentation bovine valorise les coproduits céréaliers et l’herbe des prairies (parfois non cultivables) et les déjections permettent de stimuler la croissance de l’herbe et la fixation du carbone en fournissant de l’azote (Gerber et al. 2013; Henderson et al. 2015). Ainsi, les émissions de GES dues aux émissions de méthane et à la part de l’alimentation issue de

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céréales consommables par l’Homme sont en partie compensées par le fait que les pâturages stockent plus de carbone que les champs utilisés pour produire des protéines végétales. Cependant, le pâturage intensif peut provoquer de l’érosion et des émissions de protoxyde d’azote à cause des déjections azotées en trop grande quantité. Godfray et al. ont conclu, en analysant les données récentes de la littérature, que les bénéfices liés au stockage de carbone étaient liés à des spécificités locales et qu’ils étaient globalement faibles au regard des émissions liées aux productions d’aliments animaux (Godfray et al. 2018; Henderson et al. 2015). Dans l’UE à 28, d’après le CGDD, les cultures ont émis 65 Mt eqCO2 et les prairies 4 Mt eqCO2 en 2015. En France, les cultures ont émis 18 Mt eqCO2 et les prairies ont stocké 11 Mt eqCO2 en 2015. Par conséquent, même en considérant que les prairies étaient à 100% pâturées, le carbone stocké reste faible, ne serait-ce que par rapport aux émissions liées à la fermentation entérique (35 Mt eqCO2). L’INRA conclut donc que « l’élevage a un impact

clairement négatif sur le réchauffement climatique et sur la qualité de l’air, de par sa contribution importante aux émissions anthropiques de gaz à effet de serre, notamment le méthane », et que « la production de viande issue des ruminants émet plus de GES par unité de protéine produite que les monogastriques ». Ces résultats sont confirmés par les données

d’AGRIBALYSE, qui montrent que les émissions de GES par kg de produit sont les plus élevées pour la viande bovine, suivies par les autres viandes, les œufs et produits laitiers et les produits végétaux (Figure 12). Il existe cependant des différences en fonction du type d’élevage. En effet, les vaches de réforme émettent entre 7 et 8 kg eqCO2/kg de produit contre 14 à 20 kg eqCO2 pour les vaches allaitantes (Colomb et al. 2015). De même, l’alimentation des bovins, notamment la part d’herbe pâturée, influence largement les émissions de GES liées à la production d’1kg de viande ou produits laitiers (Provenza et al. 2019).

Usage des sols

On estime que la production d’aliments animaux utilise environ 75% des surfaces agricoles au niveau mondial, entre surfaces de pâturage et de parcours (91%) et production d’alimentation pour bétail (9%). De même, 35% de la production végétale (en masse) est dirigée vers l’alimentation animale, contre seulement 62% vers l’alimentation humaine, au niveau mondial (Foley et al. 2011). En Amérique de Nord et en Europe, 40% de la production agricole est dirigée vers l’alimentation humaine, ce qui démontre que la majorité de la production végétale sert à nourrir les animaux. Ainsi, les terres arables utilisées pour l’alimentation animale entrent en compétition avec la production d’aliments végétaux directement utilisables par l’Homme. Il convient tout de même de nuancer ce bilan, car les prairies pâturées et parcours sont souvent des espaces impropres à la production végétale (montagnes, sols peu fertiles). Les données d’AGRIBALYSE permettent tout de même d’estimer la surface nécessaire à la production d’un

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kg de produit et montrent, comme pour les émissions de GES, que la production d’un kg de viande bovine nécessite plus de surface que la production d’un kg d’autres viandes, qui nécessitent plus de surface que les productions végétales (Figure 12). Ces valeurs varient également en fonction des systèmes de production, les produits issus de l’agriculture biologique ou « Label rouge » nécessitent plus de surface par kg produit (Colomb et al. 2015). La viande et les produits animaux en général ne produisant pas la même quantité de protéines, on peut également rapporter l’occupation des sols à la quantité de protéines produites. Dans ce cas, la production d’un kg de protéines bovines nécessite 144-258 m², contre 47-64 m² pour le porc, 42-52 m² pour le poulet, 33-59 m² pour le lait et 35-48 m² pour les œufs (de Vries et de Boer 2010).

Autres paramètres liés à l’environnement

L’azote (à travers l’ammoniac) et le phosphore sont responsables de l’acidification et l’eutrophisation (développement excessif de biomasse pouvant conduire à une asphyxie du milieu) des milieux naturels. La gestion des effluents d’élevage et les productions végétales nourrissant l’élevage, par lessivage des sols, peuvent engendrer une charge en nutriments des eaux. D’après l’expertise de l’INRA, l’agriculture est responsable d’environ 60% des fuites en azote et 30% des fuites en phosphore vers les milieux aquatiques, de par la fertilisation des cultures par les engrais minéraux ou organiques issus des élevages. Même si les politiques publiques des dernières années ont permis une diminution importante de ce type de pollution, certaines pratiques d’élevage engendrent encore des pertes azotées (Dumont et al. 2016). Au niveau de la consommation de ressources énergétiques non-renouvelables, l’élevage valorise faiblement l’énergie investie dans le système (< 1MJ d’énergie alimentaire par MJ d’énergie non consommée). Les productions végétales, quant à elles, produisent entre 1 et 5 MJ par MJ investi dans les systèmes de cultures pour les fruits et légumes et 15MJ pour les grandes cultures. Les données d’AGIBALYSE permettent d’estimer que la viande bovine cause également le plus d’eutrophisation marine et d’acidification (par kg de produit), puis les autres viandes et les productions végétales. On remarque tout de même que certaines cultures affichent un niveau d’eutrophisation comparable à certains produits animaux (oléagineux, légumineuses, certaines céréales). De même, la production d’un kg de viande bovine consomme plus d’énergie non-renouvelable que les autres viandes, mais la consommation d’énergie reste du même ordre de grandeur. On peut tout de même remarquer que la production de tomates conventionnelles sous abris consomme plus d’énergies non- renouvelables par kg que les autres produits (Figure 12).

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Figure 12. Impact environnemental par kg de produit selon AGRIBALYSE

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Conclusion partielle

Les aliments sources de protéines végétales contiennent moins de protéines, avec une digestibilité légèrement inférieure et des acides aminés limitants pour les céréales et quelques légumineuses, par rapport aux sources de protéines animales. Cependant, les populations consommant le plus de protéines végétales ne semblent pas être en situation de déficience en protéines, même si peu d’études ont analysé les questions de qualité des protéines dans le détail. Les apports nutritionnels étant différents entre sources de protéines animales et végétales, les régimes à forte dominance végétale présentent des prévalences d’inadéquation plus élevées concernant le fer, le zinc, le calcium, la vitamine B12 et les ω3 à longue chaîne, mais plus faibles concernant les fibres et les folates. Cependant, l’adéquation nutritionnelle globale des régimes est associée positivement à la quantité de protéines végétales consommée. Il y a un consensus selon lequel un régime végétarien peut être nutritionnellement adéquat s’il est correctement planifié, mais peu d’études montrent que ces régimes sont effectivement « correctement planifiés ». Les aliments sources de protéines animales sont majoritairement responsables des toxi-infections alimentaires collectives et sont responsables des risques liés à l’exposition aux dioxines, furanes, PCB, méthylmercure et arsenic inorganique. Les sources de protéines végétales sont associées aux risques liés à l’exposition au plomb, cadmium, nickel ou mycotoxines. La consommation de viande rouge (et particulièrement transformée) est associée positivement à la mortalité totale, cardiovasculaire, au cancer colorectal et au diabète de type 2. La consommation de poisson gras est associée négativement à la mortalité cardiovasculaire. La consommation de céréales complètes, noix et légumineuses est associée négativement à la mortalité cardiovasculaire. Globalement, les régimes à dominante végétale sont associés négativement à la mortalité totale, cardiovasculaire, par cancer et au diabète de type 2, particulièrement pour les régimes basés sur des protéines végétales « saines » (céréales complètes, légumineuses, noix et graines). L’agriculture est responsable d’environ 20% des émissions de GES en France, principalement par la fermentation entérique des ruminants et les émissions de N2O dues à la fertilisation azotée. La viande bovine est responsable de plus d’émissions de GES, nécessite plus de surface, a un plus fort impact en termes d’acidification et d’eutrophisation et consomme plus d’énergie non-renouvelable que les autres viandes et produits animaux, qui ont plus d’impacts que les productions végétales.

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