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CHAPITRE III CONCEPTION ET PHOTOACTIVATION DE SONDES

I. IMAGERIE BIOLOGIQUE

I.2. SONDES FLUORESCENTES POUR UNE APPLICATION EN IMAGERIE BIOLOGIQUE

I.2.3. Les sondes fluorescentes

Les molécules fluorescentes, sont largement utilisées en tant que sondes pour étudier divers systèmes physicochimiques, biochimiques, ou biologiques. Quatre classes de fluorophores mettant à profit différentes formes de perturbations photophysiques ont été élaborées et exploitées. Il s’agit des fluorophores :

- organiques : ce sont des molécules organiques polyaromatiques comportant un certain nombre d’hétéroatomes. Elles possèdent en général un fort coefficient d’extinction molaire

ε

, un rendement quantique élevé en solvant organique et une gamme de longueurs d’onde de fluorescence très étendues allant de 400 à 900 nm. Certains fluorophores organiques ont déjà été présentés dans le chapitre bibliographique de ce mémoire, comme les coumarines, les indoles, les quinoléines, les quinolones (section II, Introduction générale),

- organométalliques : le développement de la chimie de coordination a permis de synthétiser différents types de complexes de lanthanides et d’éléments de transition ayant des propriétés de fluorescence très marquées. Ces complexes, formés par l’association d’un chromophore organique et d’un ion métallique, désignés par fluorophores organométalliques, n’ont cessé depuis lors d’être développés pour leur application dans le domaine de la bioanalyse et de l’imagerie de fluorescence,

- protéiques : la découverte d’une protéine bioluminescente par Shimomura et al. extraite à partir d’une méduse du pacifique (Aequorea Victoria) et désignée par GFP (Green Fluorescent Protein) a révolutionné le domaine de la biologie cellulaire.267 Cet exploit a été récompensé par l’attribution du prix Nobel de Chimie 2008 à Osamu Shimomura, Martin Chalfie et Roger Y. Tsien pour leurs travaux sur le développement de telles protéines.268 L’intérêt de ces GFP réside dans leur application pour l’imagerie in vivo des cellules vivantes et des tissus. Le développement de nouvelles protéines fluorescentes269 avec des caractéristiques photophysiques améliorées a permis de couvrir la quasi-totalité du spectre visible offrant la possibilité de les utiliser comme outils pour la visualisation des structures des milieux vivants et des processus dynamiques qui s’y déroulent,

267

Shimomura O. et al. J. Cell. Comp. Physiol. 1962, 59, 223. 268

"The Nobel Prize in Chemistry 2008". Nobelprize.org. Nobel Media AB 2014. 269

103

- inorganiques : il s’agit de nanocristaux de semi-conducteurs appelés encore Quantum Dots270 présentant des propriétés électroniques et optiques (fluorescence) particulières qui varient en fonction de la taille de la particule (propriétés optiques ajustables par le contrôle de leur diamètre entre 2 - 10 nm). Ils posent cependant des problèmes de toxicité (nanotoxicité) qui peuvent limiter leur application en imagerie médicale. Parmi les avantages de ces nanocristaux, on peut citer : leur coefficient d’absorption très élevé jusqu’à 106 M-1cm- 1, leur stabilité photochimique et leur rendement de fluorescence élevé (jusqu’à 80%). Les inconvénients sont : leur durée de vie multiexponentielle et leur problème de « blinking » ou clignotement (extinction intermittente de la fluorescence) pouvant gêner les mesures en imagerie. Par souci de concision, nous ne développerons dans la suite de ce paragraphe que les fluorophores de petites tailles du type organique et organolanthanidique.

I.2.3.1. Fluorophores organiques

Cette famille de fluorophores est la plus décrite dans la littérature. Elle a fait l’objet d’études exhaustives visant la diversification de leurs structures, la détermination de leurs domaines de stabilité, l’établissement de leurs propriétés photophysiques et photochimiques et surtout leurs applications dans le domaine de la biologie pour l’exploration du milieu vivant. Selon leurs modes de mise en œuvre et exploitation, on peut distinguer deux catégories de sondes fluorescentes organiques. La première concerne les sondes possédant des groupements fonctionnels leur permettant de se lier d’une façon covalente à une molécule d’intérêt.271 Elles sont surtout utilisées comme marqueurs pour les biomolécules telles que les protéines, les lipides, et les acides nucléiques. La seconde catégorie de sondes désignées par fluorophores non covalents correspond à des fluorophores qui s’associent d’une façon non covalente à leurs cibles et dont les propriétés de fluorescence sont sensibles à une propriété particulière du micro-environnement où elles se trouvent. D’où l’existence sur le marché de sondes fluorescentes de polarité,272 de viscosité,269 de pH,269 et d’ions269…

Concernant les sondes utilisées comme marqueurs de biomolécules, celles mises au point et commercialisées274 sont constituées d’un fluorophore sur lequel est attaché un groupement fonctionnel capable de réagir le plus souvent avec des fonctions amines ou thiols portés par les biomolécules. Le marquage consiste dans ces conditions en une

270

Resch-Genger, U. et al. Nature 2008, 5,763. 271

The Molecular Probes Handbook: A guide to fluorescent probes and labeling technologies. Chapter 1: Fluorophores and their Amine-reactive derivatives, Thermo Fisher Schientific, 11th Edition (2010), 11-96.

272

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réaction chimique entre le fluorophore et la biomolécule conduisant à l’établissement d’une liaison covalente du type amide, sulfonamide, ou thiourée.

Ces fluorophores organiques ont été classés par famille sur la base de leurs structures et de leurs caractéristiques physicochimiques et photophysiques. Les recherches dans ce domaine ont connu un bel essor qu’on trouve actuellement sur le marché des kits tout prêts comprenant tout le nécessaire pour réaliser dans des conditions optimales des essais de marquage de biomolécules telles que des protéines et des acides nucléiques. Le

Tableau 10 indique quelques exemples de différentes familles de fluorophores organiques

connues ainsi que certaines de leurs propriétés photophysiques (

λ

ex,

λ

ém,

ε

,

Φ

F). Il s’agit de dérivés de la fluorescéine, de la rhodamine, d'Alexa-Fluor, de cyanines, et de Bodipys.

Entrée Fluorophores Structure Solvant Paramètres

photophysiques Réf 1 Fluorescéine O COOH O HO H2O pH = 9.5

λλ

ex = 491 nm ém= 516 nm

ε

= 77000 M-1 .cm-1

Φ

F = 0.93 273 274 275 2 Rhodamine 6G O COOEt NHEt Et2N Cl EtOH

λ

ex = 530 nm

λ

ém= 553 nm

ε

= 110000 M-1 .cm-1

Φ

F = 0.94 276 3 Cyanine Cy5 N HO3S N SO3HTampon PBS

λ

ex = 650 nm

λ

ém= 670 nm

ε

= 250000 M-1 .cm-1

Φ

F = 0.23 277 273

Lakowicz J. R. Principles of fluorescence spectroscopy, 3rd ed. Springer, New York, 2006.

274

Haugland R. P. et al. The handbook: a guide for fluorescent probes and labeling technologies Vol 10th Ed. Molecular Probes; Eugene OR, 2005.

275

Lee, L. G. et al. Cytometry 1989, 10, 151. 276

Mialocq, J. C. et al. J. Photochem. Photobiol. 1991, 56, 323. 277

105 4 Alexa-Fluor 350 O O H2N HO3S CH3 COOH MeOH

λ

ex = 350 nm

λ

ém= 434 nm

ε

= 20000 M-1 .cm-1

Φ

F = 0.55 278 279 5 BODIPY 493/503 N B N H3C H3C CH3 CH3 F F CH3 EtOH

λ

ex = 493 nm

λ

ém= 519 nm

ε

= 79000 M-1 .cm-1

Φ

F ~ 1 280 281

Tableau 10: Exemples de fluorophores commerciaux - structures et propriétés photophysiques.

Les fluorophores de la famille des Alexa-Fluor sont aussi utilisés comme des marqueurs pour la microscopie de fluorescence et la biologie cellulaire. Les spectres d'excitation et d'émission de cette famille couvrent les domaines du visible et proche IR. En particulier, l'Alexa-Fluor 350 est un dérivé sulfoné de coumarine (entrée 4, Tableau 10) ayant une brillance élevée (environ 11000 M-1.cm-1)282 et un large déplacement de Stokes. Les différentes possibilités de substitution et de fonctionnalisation du noyau coumarinique, permettent d’améliorer les propriétés photophysiques, la solubilité et la sensibilité au pH de ces fluorophores. Récemment, des dérivés coumariniques ayant de très larges déplacements de Stokes ont été décrits dans la littérature283 et commercialisés284 par la société Dyomics sous le nom de "Mega Stokes" (Figure 18). Ils absorbent à environ 500-520 nm et émettent à 590-670 nm.

Figure 18: Coumarines " Mega Stokes" - structure et propriétés photophysiques.286

Les fluorophores de la famille BODIPY (entrée 5, Tableau 10) émettent dans la gamme des longueurs d'onde 510-800 nm et possèdent des coefficients d'extinction molaires très élevés (

ε

> 50000 M-1. cm-1). Ils sont stables, peu sensibles à la polarité du solvant et au

278

Leung, W. Y. et al. Bioorg. Med. Chem. Lett. 1999, 9, 2229. 279

Panchuk-Voloshina, N. et al. J. Histochem. Cytochem. 1999, 47, 1179. 280

Ulrich, G. et al. Angew. Chem. Int. Ed. 2008, 47, 1184. 281

Loudet, A.; Burgess, K. Chem. Rev. 2007, 107, 4891. 282

Sun, W. C. et al. Bioorg. Med. Chem. Lett. 1998, 8, 3107. 283

Schill, H. et al. Chem. Eur. J. 2013, 19, 16556. 284

Hell, S. W. et al. US20160047798, 2014.

O N R1 R2 O CF3 Y Z n Y, Z = CH; N(CH2)5COO; N(CH2)3SO3 n = 0, 1 R1, R2 = Me, H, -(CH2)3CO2Et Mega Stokes λex = 500 nm , λem = 668 nm ε = 13300 M-1 cm-1, Φ= 0.47, τ= 1.6 ns solvant: EtOH

106

pH et présentent des pics de fluorescence très fins. Les propriétés photophysiques et photochimiques remarquables de ces fluorophores justifient leurs diverses applications comme marqueurs de biomolécule,288,289 sondes pour l'imagerie cellulaire,290,291 capteurs chimiques289,292 et fluorophores excitables en régime biphotonique.293 Parmi les inconvénients présentés par cette série BODIPY, on doit mentionner leurs faibles déplacements de Stokes.285,286,287,288

On doit enfin signaler que seulement deux fluorophores organiques bénéficient actuellement d'une autorisation de mise sur le marché pour un usage diagnostic en clinique humaine à savoir la fluorescéine (entrée 1, Tableau 10) et l’ICG (IndoCyanine Green) qui est une cyanine fonctionnalisée par des groupements alkylsulfones (Figure 19).289,290

Figure 19: l’IndoCyanine Green - structure et propriétés photophysiques.294,295

Bien que certains fluorophores organiques aient pu être appliqués pour la bioimagerie de fluorescence, leur application dans ce domaine reste limitée en raison de plusieurs inconvénients tels que leurs faibles déplacements de Stokes, leurs courtes durées de vie d’émission (de l’ordre de la ns) et leur sensibilité au phénomène de photoblanchiment.

I.2.3.2. Fluorophores organolanthanidiques

Sur le plan structural, les fluorophores lanthanidiques sont formés par l’association d’un chromophore organique et d’un ion Ln3+. Généralement, il s'agit de complexes de grande stabilité formés par l'encapsulation d'un ion lanthanidique luminescent (Eu3+ ou Tb3+) dans la cavité tridimensionnelle d'un ligand porteur de fonctions complexantes du type carboxylates, hétérocycles azotés et amines tertiaires aliphatiques comme illustré ci- dessous.291

285

Peng, X. et al. J. Am. Chem. Soc. 2007, 129, 1500. 286

Zheng, Q. et al. Chem. Eur. J. 2008, 14, 5812. 287

Bozdemir, O. A. et al. J. Am. Chem. Soc. 2010, 132, 8029. 288

Zheng, Q. et al. Chem. Phys. Lett. 2009, 475, 250. 289

Giraudeau, C. et al. Curr. Med. Chem. 2014, 21, 1871. 290

Philip, R. et al. J. Photochem. Photobiol. 1996, 96, 137. 291 Bünzli J. C. G. J. Lumin. 2016, 170, 866. λex = 633 nm , λem = 690 nm Φ= 0.1 solvant: MeOH N N ICG -O 3S SO3- N N N N O O O O O O N Tb3+ N N N

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Les complexes de lanthanides sont considérés comme performants par rapport aux fluorophores organiques aussi bien pour la bioanalyse que pour la bioimagerie eu égard à certaines de leurs propriétés photophysiques et photochimiques.292 Le paragraphe suivant est consacré à un bref rappel de notions théoriques relatives aux propriétés spectroscopiques des complexes lanthanidiques.

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