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Chapitre 1 : la fin de vie chez le nouveau-né, ou le paradoxe des notions

Chapitre 2 : la certitude comme ligne de fonctionnement

2.1 - La certitude médicale est une conviction d’équipe

2.2 - Les certitudes ne sont pas indispensables à la prise de décision

Chapitre 3 : décider, c’est douter

3.1 - Le doute méthodique ou cartésien

3.2 - Le doute philosophique ou doute sceptique 3.3 - Le doute médical ou pondéré

Chapitre 4 : l’incertitude pour norme décisionnelle en contexte de fin de vie

4.1 - L’incertitude : un saut dans l’inconnu

4.1.1 - L’incertitude réelle 4.1.2 - L’incertitude fonctionnelle 4.1.3 - L’incertitude procédurale

4.1.4 - L’incertitude liée à la spécificité des patients accueillis 4.2 - L’incertitude comme source d’espoir

4.3 - Pronostiquer dans l’incertain 4.4 - Le déni d’incertitude

187 4.5 – L’incertitude et le principe de précaution

Chapitre 5 : La connaissance et le savoir peuvent-ils réduire l’incertitude ?

5.1 - Le savoir du médecin

5.2 - La connaissance médicale est incertaine 5.3 - Le savoir des parents

5.4 - La connaissance comme aide pour délimiter l’incertitude

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Introduction

Rien ne ressemble au désespoir de mourir que la désolation de cette mère navrée. […] C’est l’inconsolable qui pleure ici l’irremplaçable301

. Vladimir Jankélévitch

En néonatologie, la notion de « fin de vie » ne renvoie au processus de limitation et/ou d’arrêt des traitements chez des enfants qui sont à risque de handicap lourd, et non pas à l’image de la personne âgée que l’ordre naturel des choses rappelle ; La notion de fin de vie est un concept médical utilisé par le législateur sous différentes dénominations telles que « malade en fin de vie » ;

« personne en fin de vie » ou « fin de vie », pour désigner une approche juridique

de la mort. Cette notion de FDV est utilisée chez le nouveau-né de manière impropre pour désigner les derniers moments de sa vie. En réalité, la loi n° 2016-78 du 2 février 2016 ne concerne que les personnes qui sont en phase terminale de maladies incurables ou les personnes âgées qui arrivent à la fin de leur parcours. La notion de FDV telle qu’elle est considérée par la loi renvoie à un processus qui termine une vie chez quelqu’un qui a vécu longtemps, ou dont la maladie est incurable et ne lui permet plus de vivre longtemps.

Chez le nouveau-né, ce qui est en jeu, c’est sa qualité de vie future et non pas sa durée, qui est obligatoirement longue. Théoriquement, le nouveau-né ne peut pas être en fin de vie, selon la définition que donne la loi à cette notion, car le nouveau-né est forcément une personne âgée de moins de vingt-huit jours. Lorsqu’on évoque la fin de vie chez le nouveau-né, on sous-entend l’intersection entre le début de la vie et sa fin, qui survient souvent suite à une décision médicale, après un processus décisionnel au cours duquel les soignants font leur choix de manière collégiale.

En pratique, les soignants délibèrent de manière collégiale afin de choisir la solution qui convient le mieux à la situation de l’enfant. Cependant, l’action de

301

189 décider n’a de sens que si la situation est incertaine et qu’elle nécessite une réflexion collective. En revanche, lorsque la situation est certaine et ne nécessite pas de délibération collégiale ; auquel cas, les soignants ne prennent pas de décision, mais ils ne font qu’appliquer un protocole ou un algorithme. La plupart du temps, les situations qui concernent la fin de vie nécessitent une réflexion collective, car chaque participant a besoin de confronter ses « vérités » à celles des autres, afin de faire émerger un choix consensuel. Ainsi, chaque soignant doit quitter ses convictions pour douter et hésiter avant de choisir. Le rôle de l’éthique est de permettre aux différents acteurs du processus décisionnel de réfléchir ensemble avant d’agir le long d’une ligne où s’affrontent les convictions bien pesées de chacun302. Ainsi, le processus décisionnel prend l’aspect d’un jeu

d’aller – retours entre le certain et l’incertain le long d’une frontière invisible, où le

certain n’est admis que lorsque toute incertitude est prise en considération303.

302

Derrida, J. 1991. « L’autre cap », Paris, Les Éditions de Minuit, p. 116.

303

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Chapitre 1 : la fin de vie chez le nouveau-né, ou le

paradoxe des notions

Un riche Laboureur, sentant sa mort prochaine. Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins304. Jean De la Fontaine

En réanimation néonatale, les situations de FDV sont autrement plus complexes que ce que nous conte cette fable. D’ailleurs, la notion de FDV n’est pas clairement définie, même si elle fait partie désormais du langage courant. En effet, la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des

malades et des personnes en fin de vie et la loi du 22 avril 2005 relative aux

droits des malades en fin de vie, utilisent la notion de fin de vie sans la définir clairement.

Dans le langage courant, on associe souvent la notion de FDV à la vieillesse, aux maladies chroniques et aux soins palliatifs (SP) ; à un tel point qu’il existe une confusion voire une fusion entre les notions de SP et celle de FDV. En 2004, la Société d’Accompagnement et de Soins Palliatifs définit la FDV comme un

processus irréversible qui nous fait envisager l’imminence de la rupture305

. Pourtant en pratique clinique, il n’est pas toujours facile d’envisager l’imminence de la « rupture » (formule pudique pour désigner la mort), si ce n’est qu’a postériori ; à moins de se fier à l’instinct du patient comme dans le cas du riche laboureur de la fable de La fontaine. Naturellement, certaines situations sont tellement préoccupantes que n’importe quel profane peut juger de l’imminence de la mort. En revanche, d’autres sont beaucoup plus nuancées, en particulier lorsque la mort survient suite à la limitation ou à l’arrêt des traitements.

304

La Fontaine (de), J. 1688. « Fables de La Fontaine », Paris, Hachette, 1929, p. 176.

305

Haute Autorité de Santé. 2004. « Accompagnement des personnes en fin de vie et de leurs proches », HAS, Paris, conférence de consensus, p. 6.