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Solutions non-dispersives et théorèmes de rigidité pour (gKdV)

Dans le document PROPRIETES QUALITATIVES DES MULTI-SOLITONS (Page 29-33)

1.3 Solutions non-dispersives de (gKdV)

1.3.1 Solutions non-dispersives et théorèmes de rigidité pour (gKdV)

Les équations de Korteweg-de Vries généralisées présentent la caractéristique d’admettre des pro-priétés de type Liouville au voisinage des solitons. Un des premiers résultats en la matière remonte à [64, Theorem 1] dans le contexte de l’équation 𝐿2-critique : l’approche repose sur des consi-dérations et des techniques propres à (gKdV).

Puis, ce résultat a été étendu par Martel et Merle au cas 𝐿2-sous-critique [65,69] et, en faisant l’hypothèse d’une proximité suffisante d’un soliton en tout temps, au cas instable avec des non-linéarités générales [71].

Le théorème suivant regroupe les différentes situations.

Théorème 1.11(Propriété de Liouville au voisinage d’un soliton; Martel et Merle [64,65,69,71]).

Soit 𝑐0 > 0. Il existe 𝛼 > 0 tel que si 𝑢 ∈ C (R, 𝐻1(R)) est une solution de (gKdV) qui satisfait,

pour une certaine fonction 𝑦: R → R de classe C1,

(proximité du soliton) ∀ 𝑡 ∈ R, k𝑢(𝑡, · + 𝑦 (𝑡)) − 𝑄𝑐0k𝐻1 ≤ 𝛼, (1.12)

(non-dispersion) ∀ 𝜀 > 0, ∃ 𝑅 > 0, ∀ 𝑡 ∈ R, ∫

| 𝑥 |>𝑅

𝑢2(𝑡, 𝑥 + 𝑦 (𝑡)) 𝑑𝑥 ≤ 𝜀, (1.13)

alors il existe 𝑐1 >0, 𝑥1 ∈ R tels que

∀ 𝑡, 𝑥 ∈ R, 𝑢(𝑡, 𝑥) = 𝑄𝑐1(𝑥 − 𝑥1− 𝑐1𝑡).

Autrement dit, les solutions globales de (gKdV) qui sont suffisamment proches pour tout temps d’un état fondamental, mais qui ne sont pas des solitons, doivent nécessairement disperser au sens où la propriété de 𝐿2-compacité (1.13) n’est pas satisfaite. Pour de telles solutions, la masse n’est plus concentrée en tout temps 𝑡 autour de 𝑦(𝑡), et ceci aussi loin que l’on veut de 𝑦(𝑡). Le théorème précédent suggère que les solitons sont des objets très rigides.

À chaque fois, la stratégie mise en place pour prouver les théorèmes de Liouville précédents est la suivante : se ramener au cadre linéaire et y montrer une propriété de rigidité analogue qui concerne l’équation linéarisée autour d’un soliton, en utilisant toutefois des outils d’analyse non-linéaire (arguments du Viriel, de monotonie) qui consistent à étudier la dérivée de quantités du type ∫R𝑣2(𝑡, 𝑥)𝜙(𝑥) 𝑑𝑥pour des choix judicieux de fonctions 𝑣 et 𝜙. S’il est possible de travailler avec 𝜙(𝑥) = 𝑥, les preuves, à l’instar de [63] et [71], ont progressivement gagné en efficacité en considérant 𝜙(𝑥) = −𝑄0

𝑐0( 𝑥) 𝑄

𝑐0( 𝑥) et une variable 𝑣, « duale » de 𝑢, construite à l’aide de l’opérateur linéarisé autour de 𝑄𝑐0 et obtenue après modulation. Dans [71], Martel et Merle travaillent ainsi avec la variable

𝑣 := 𝐿𝑐0𝜂− 𝑓 (𝑄𝑐0+ 𝜂) − 𝑓 (𝑄𝑐0) − 𝜂 𝑓0(𝑄𝑐0) ,

où 𝜂 a pour expression 𝜂(𝑡, 𝑥) := 𝑢(𝑡, 𝑥+𝜌(𝑡))−𝑄𝑐(𝑡)(𝑥)pour de certaines fonctions de modulation 𝜌(𝑡)et 𝑐(𝑡) de classe C1.

Notons que les propriétés de stabilité asymptotique 𝐻1 des solitons et des multi-solitons ont été développées en parallèle des résultats de rigidité précédents pour la raison que ces derniers per-mettent de récupérer la stabilité asymptotique des solitons [65,69,71] et des multi-solitons [71,79]. À notre connaissance, très peu d’articles démontrent des résultats de stabilité asymptotique pour (gKdV) sans l’appui d’une propriété de type Liouville (l’article [96] est en cela un des rares exem-ples).

Notre propos est de fournir une propriété de Liouville analogue au théorème 1.11, adaptée aux multi-solitons. Nous considérons des solutions de (gKdV) qui sont non-dispersives au sens de la définition suivante.

Définition 1.12. On dit qu’un élément 𝑢 ∈ C ([𝑇, +∞), 𝐿2(R)) est non-dispersif s’il existe 𝜌 > 0

tel que

∀ 𝜀 > 0, ∃ 𝑅𝜀 >0, ∀ 𝑡 ≥ 𝑇 , ∫

𝑥 <𝜌𝑡−𝑅𝜀

𝑢2(𝑡, 𝑥) 𝑑𝑥 ≤ 𝜀. (1.14)

Intuitivement, une solution de (gKdV) non-dispersive au sens de la définition précédente est une solution qui ne possède pas de masse à gauche en espace et pour laquelle toute la masse se déplace à droite en espace lorsque 𝑡 augmente : observons en effet que la masse est essentiellement localisée à droite de 𝜌𝑡.

𝑥

Exemple de fonction « non-dispersive » pour 𝑡 > 0 au sens de (1.14) 𝑡

𝑡2

𝑥

Exemple de fonction qui « disperse » pour 𝑡 > 0 au sens de (1.14) : (𝑡, 𝑥) ↦→ sin( 𝑥−𝑡) 𝑥−𝑡

√ 𝑡

A titre d’exemple, une fonction 𝑢 ∈ C ([𝑇, +∞), 𝐿2(R)) satisfaisant

∀ 𝑡 ≥ 𝑇 , ∀ 𝑥 ≤ 𝜌𝑡, |𝑢(𝑡, 𝑥) | ≤ 𝐶𝑒−𝜅 | 𝑥−𝜌𝑡 | (1.15)

pour certaines constantes 𝐶 et 𝜅, est non-dispersive.

Nous démontrons réciproquement que toute solution 𝑢 ∈ C ([𝑇, +∞), 𝐻1(R)) de (gKdV) non-dispersive et uniformément bornée dans 𝐻1(R) vérifie (1.15). Plus encore, il s’agit d’un élément

de C

( [𝑇 , +∞) × R) pour lequel toutes les dérivées partielles vérifient une inégalité de la forme (1.15).

C’est une observation fondamentale, dont la preuve s’appuie sur une inégalité de monotonie forte, inspirée de Martel et Merle [65] et de Laurent et Martel [56].

Nous prouvons au chapitre 3 que de telles solutions qui sont uniformément proches d’une somme de 𝑁 solitons découplés sont des multi-solitons.

Théorème 1.13(F.). Soit 𝑢 une solution de (gKdV) qui appartient à C ([0, +∞), 𝐻1(R)).

Sup-posons l’existence de 𝜌 >0 tel que

∀ 𝜀 > 0, ∃ 𝑅𝜀 >0, ∀ 𝑡 ≥ 0, ∫

𝑥 <𝜌𝑡−𝑅𝜀

𝑢2(𝑡, 𝑥) 𝑑𝑥 ≤ 𝜀. (1.16)

Soit 𝑁 ≥1 un entier et soient 𝑁 réels positifs 0 < 𝑐1 < · · · < 𝑐𝑁. Il existe 𝛼 = 𝛼(𝑐1, . . . , 𝑐𝑁, 𝜌) > 0 tel que, s’il existe 𝑁 fonctions 𝑥1, . . . , 𝑥𝑁 : R+→ R de classe C1qui satisfont

∀ 𝑡 ≥ 0, 𝑢(𝑡) − 𝑁 Õ 𝑖=1 𝑄𝑐 𝑖(· − 𝑥𝑖(𝑡)) 𝐻1 ≤ 𝛼, (1.17) et ∀ 𝑡 ≥ 0, ∀ 𝑖 ∈ {1, . . . , 𝑁 − 1}, 𝑥𝑖+1(𝑡) − 𝑥𝑖(𝑡) ≥ | ln 𝛼|, (1.18)

alors 𝑢 est un multi-soliton (en +∞). Autrement dit, il existe 𝜃 > 0, 0 < 𝑐+1 < · · · < 𝑐+𝑁,

𝑥+ 1, . . . , 𝑥

+

𝑁 ∈ R et des constantes positives 𝐶𝑠 telles que pour tout 𝑠 ≥0, pour tout 𝑡 ≥ 0, 𝑢(𝑡) − 𝑁 Õ 𝑖=1 𝑄𝑐+ 𝑖 (· − 𝑐+𝑖𝑡− 𝑥+𝑖) 𝐻𝑠 ≤ 𝐶𝑠𝑒− 𝜃 𝑡 .

Le théorème précédent fournit ainsi une caractérisation dynamique des multi-solitons. Obser-vons que les hypothèses sont faites ici pour des temps positifs 𝑡 ≥ 0 et non pas pour tous les temps 𝑡 ∈ R. De la sorte, ce théorème étend mais raffine également le théorème 1.11. Bien sûr, dans le cas 𝐿2-sous-critique 1 < 𝑝 < 5, les hypothèses (1.17) et (1.18) peuvent être allégées et ne tenir en somme qu’au temps 𝑡 = 0 dans la mesure où les sommes de solitons découplés sont stables [79].

Dans la preuve du théorème 1.13 que nous exposons, deux ingrédients majeurs sont utilisés. D’une part, la propriété (3.6) de non-dispersion permet d’obtenir un contrôle de 𝑢 et de sa dérivée 𝜕𝑥𝑢sur la région 𝑥 ≤ 𝛽𝑡 pour un certain 𝛽 > 0 suffisamment petit ; cela implique que

k𝑢(𝑡) k𝐻1( 𝑥 ≤𝛽𝑡) → 0 lorsque 𝑡 → +∞.

D’autre part, la propriété de stabilité asymptotique dans l’espace d’énergie, dont nous dis-posons grâce aux hypothèses complémentaires (1.17) et (1.18), permet d’avoir un contrôle, lorsque 𝑡 → +∞, d’une quantité de la forme k𝑢(𝑡) −Í𝑁

𝑖=1𝑄𝑐+

𝑖 (· − 𝜌𝑖(𝑡)) k𝐻1( 𝑥 ≥𝛽𝑡)où 0 < 𝑐+

1 < · · · < 𝑐+𝑁 et où pour tout 𝑖, les fonctions 𝑡 ↦→ 𝜌𝑖(𝑡) ∈ R de classe C1proviennent d’un argument de modulation.

Lorsque les deux propriétés intermédiaires sont réunies, nous obtenons que 𝑢(𝑡) − 𝑁 Õ 𝑖=1 𝑄𝑐+ 𝑖 (· − 𝜌𝑖(𝑡)) 𝐻1 → 0, lorsque 𝑡 → +∞,

où 𝜌𝑖+1(𝑡) − 𝜌𝑖(𝑡) ≥ 𝛿𝑡et 𝜌0

𝑖(𝑡) ≥ 𝛿pour un certain 𝛿 > 0. Il reste alors à affiner ce résultat pour obtenir la convergence suivante, pour certains 𝑥+

1, . . . , 𝑥 + 𝑁 ∈ R : 𝑢(𝑡) − 𝑁 Õ 𝑖=1 𝑄𝑐+ 𝑖 (· − 𝑐+𝑖𝑡− 𝑥𝑖+) 𝐻1 → 0, lorsque 𝑡 → +∞.

Pour ce faire, nous suivons le schéma de la preuve de Martel [62, Proposition 4] et montrons en fait que la dernière convergence vers 0 est réalisée à vitesse exponentielle.

Il convient de mentionner que le contexte particulier de (KdV) qui correspond à 𝑝 = 2 offre une caractérisation simplifiée des multi-solitons ; aussi, nous obtenons, à l’aide des résultats de résolution en solitons d’Eckhaus et Schuur [28] et de Schuur [100], le théorème suivant.

Théorème 1.14(F.). Soit 𝑢0S (R) \{0}. On suppose que la solution 𝑢 de (KdV) qui correspond

à la donnée initiale 𝑢0, qui est globale en temps, est non-dispersive en temps positif, c’est-à-dire satisfait(1.16). Alors 𝑢 est un multi-soliton.

Ajoutons que nous pouvons également caractériser de façon analogue les solutions non-disper-sives de l’équation (mKdV) : ce sont génériquement des multi-breathers.

L’équation (mKdV) admet des solutions particulières appelées breathers qui interviennent également dans la réponse à la question de la conjecture de résolution en solitons. Pour tout (𝛼, 𝛽) ∈ R+× R+, et tous 𝑥1, 𝑥2 ∈ R, rappelons que le breather 𝐵𝛼, 𝛽 , 𝑥1, 𝑥2, caractérisé par la vitesse d’enveloppe 𝛾 := 𝛽2− 3𝛼2, la vitesse de phase 𝛿 := 3𝛽2 − 𝛼2 et les paramètres de translation 𝑥1, 𝑥2∈ R, a pour expression : 𝐵𝛼, 𝛽 , 𝑥 1, 𝑥2(𝑡, 𝑥) := 22𝜕𝑥  arctan  𝛽 𝛼 sin(𝛼(𝑥 − 𝛿𝑡 − 𝑥1)) cosh( 𝛽(𝑥 − 𝛾𝑡 − 𝑥2))   . (1.19)

On pourra consulter notamment Alejo and Muñoz [1] pour l’introduction et l’étude de ces solutions dans l’espace de Sobolev 𝐻2(R).

Un résultat de décomposition en termes de solitions et breathers pour (mKdV) a été développé dans [100, Chapter 5, Theorem 5.1] et récemment dans [8, Theorem 1.10] pour des données initiales 𝑢0génériques(en un sens que nous préciserons au chapitre 3).

Exploitant ce résultat de décomposition, nous obtenons l’énoncé suivant en ce qui concerne les solutions non-dispersives de (mKdV).

Théorème 1.15(F.). Soit 𝑝 = 3, soit 𝑢0S (R) \ {0} générique, telle que la solution globale

correspondante 𝑢 de (mKdV) soit non-dispersive pour les temps positifs (c’est-à-dire satisfasse

(1.16)).

Alors 𝑢 est un multi-breather en +∞ avec des vitesses positives : il existe 𝑁1, 𝑁2 ∈ N avec 𝑁1+ 𝑁2≥ 1, il existe 0 < 𝑐1< · · · < 𝑐𝑁1, il existe 𝛼𝑗, 𝛽𝑗 ∈ R+pour 𝑗 =1, . . . , 𝑁2avec

0 < 𝛽21− 3𝛼12< · · · < 𝛽2𝑁

2− 3𝛼2𝑁2

et il existe 𝛾 >0, des constantes positives 𝐶𝑠, des signes 𝜖𝑖 = ±1 et des réels 𝑥0,𝑖, 𝑥1, 𝑗, 𝑥2, 𝑗 tels que pour tout 𝑠 ≥0, 𝑢 appartienne àC ([0, +∞), 𝐻𝑠

(R)) et ∀ 𝑡 ≥ 0, 𝑢(𝑡) − 𝑁1 Õ 𝑖=1 𝜖𝑖𝑅2𝑐𝑖, 𝑥0,𝑖(𝑡) − 𝑁2 Õ 𝑗=1 𝐵 2𝛼𝑗, 2𝛽𝑗, 𝑥1, 𝑗, 𝑥2, 𝑗(𝑡) 𝐻𝑠 ≤ 𝐶𝑠𝑒−𝛾𝑡 .

La preuve s’inspire de celle du théorème 1.14 : il s’agit d’écrire la décomposition en solitons et breathers disponible pour 𝑝 = 3 et d’utiliser la régularité, l’unicité et les estimées 𝐻𝑠 pour les multi-breathers démontrées par Semenov [101].

Dans le document PROPRIETES QUALITATIVES DES MULTI-SOLITONS (Page 29-33)

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