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5.2 L' IMPACT DES INSTITUTIONS : DU CURRICULUM À LA SOCIÉTÉ

5.2.4 La société

Quand on considère le contexte de la société dans son ensemble, il paraît légitime de poser la question suivante : quels types de pratique préparent le mieux les étudiants aux différentes situations qui pourraient s'offrir à eux après leur baccalauréat ? Ou, de façon plus critique, est-ce que la place de la programmation dans un premier cycle en mathématiques devrait refléter les besoins actuels du marché du travail ?

Favoriser la diversité

Plusieurs de nos participants croient que les universités devraient permettre aux étudiants de choisir parmi un ensemble varié de chemins. Par exemple, Adèle explique : « Je n'aime pas beaucoup la rigidité de mettre tout le monde dans la même moule [...] pour moi l'idéal est qu'on donne la formation de base pour que tu puisses savoir ce que tu peux choisir. Puis ensuite de ça, fais tes choix. » Barbara rappelle que plusieurs mathématiciens ont réussi

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sans avoir développé d'expertise en programmation. Ben ajoute que ces mathématiciens, qui réfléchissent de façon unique, sont importants au développement des mathématiques et du monde en général. Plusieurs de nos participants soutiennent ainsi que chaque étudiant devrait avoir une expérience de base en programmation qui lui permette de prendre des décisions éclairées selon ses intérêts, ses buts et ses talents.

Quelques questions surgissent face à une telle vision. Premièrement, comment un étudiant peut-il continuer avec la programmation s'il n'y a pas beaucoup d'opportunités de le faire, par exemple, à cause du maintien de la culture didactique traditionnelle, des thèmes privilégiés au sein d'un département ou d'un manque de cours dont les objectifs puissent se prêter à l'inclusion d'activités de programmation ? Deuxièmement, les étudiants ont-ils vraiment une bonne idée de ce que sont leurs intérêts, leurs buts ou leurs talents au début de leur baccalauréat ? Ont-ils besoin de plus de temps pour développer leur maturité mathématique avant de prendre des décisions concernant leur futur ? Alain suggère qu'un premier cycle en mathématiques soit vu comme une formation de base, dans laquelle « il faut voir tous les outils de toutes les façons différentes. Après, à la maîtrise ou au doctorat, on choisit ce qu'on veut faire. Si quelqu'un veut continuer à faire de l'abstraction, il peut passer le restant de sa vie à faire de l'abstraction. Mais, il aura vu un jour, il aura fait une connexion un jour avec d'autres aspects. »

Favoriser la majorité

Un autre sous-groupe de nos participants défend plutôt l'idée que le développement de compétences de programmation pourrait être utile pour la majorité des étudiants en mathématiques. Alice, par exemple, raisonne de la façon suivante :

If a student's going to go on to graduate work in math in a sub discipline that requires no programming, and they're convinced that after their graduate work they will continue to need no programming in their future career, then scientific computing might be a waste of time. The number of people that successfully manage to go this route is negligible. That's what the data suggests. So for the vast majority of students, they will either have to use scientific computing as part of their mathematical careers, or their other careers, whatever they may be. And so it's very useful and important for them to get comfortable with scientific computing early on. It makes it much more believable when they go for job interviews.

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Dans sa description du programme idéal de premier cycle en mathématiques, Alice suggère qu'une place égale soit accordée aux activités de preuve et aux activités informatiques. Nathan et Alain mentionnent des idées similaires, mais ils mettent plus d'emphase sur un aspect qui reste subtil dans le discours d'Alice : si un étudiant veut devenir enseignant ou professeur à n'importe quel niveau, ou si un étudiant veut devenir théoricien, peut-être qu'il n'aura pas besoin de compétences de programmation. On sent, une fois de plus, l'influence des cultures traditionnelles dans la recherche mathématique et dans l'enseignement des mathématiques. Même si cette idée n'est pas complètement fausse (p.e., il existe des théoriciens qui n'utilisent aucun outil informatique), on peut se demander si ces étudiants ne pourraient pas bénéficier également d'une formation en programmation. Les théoriciens-professeurs que nous avons interviewés ont tous profité de telles compétences, soit pour résoudre des problèmes dans leur recherche, soit pour soutenir l'apprentissage de leurs étudiants. De plus, si l’on exclut systématiquement les futurs enseignants et professeurs de mathématiques des initiatives ciblées pour développer des compétences de programmation, on reporte à la génération suivante les tensions curriculaires que l’on vit aujourd’hui.

Enfin, si nos participants ne sont pas tous d'accord sur le moment adéquat pour les étudiants de commencer à faire leurs propres choix concernant leur interaction avec la programmation, ils ont en commun un engagement à vouloir aider leurs étudiants à réussir après leur baccalauréat.

6 Conclusions

Dans ce dernier chapitre, nous présentons une synthèse de nos résultats, les limites et les apports de notre étude et, enfin, quelques implications et dernières remarques.