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La smart governance

Dans le document De la conception large de la gouvernance (Page 43-46)

Yvon PESQUEUX

La smart governance nait du mouvement générique des smart grids et de la multiplication des smart meters qui, en termes de gouvernance, posent la triple question de la fiabilité de la mesure, de celle des usages dans la relation sociale et, in fine, de la liberté. Une quatrième question apparaît aujourd’hui, celle de la sécurité face aux cyberattaques.

La notion générique de smart city (« ville intelligente ») est utilisée au regard des changements organisationnels, technologiques et sociétaux construits en réponse au changement climatique et associe « gouvernance participative » et « gestion des ressources naturelles ». Elle regroupe des enjeux disparates tels que les problématiques de mobilité durable, des bâtiments à énergie positive, des connexions entre « habitants – administrations – entreprises – commerces », etc. La construction de la smart city repose sur le développement de services de transport (cf. l’intégration rail, transports en commun, automobile, cycle et marche à pied en un seul système, abordable et écologique) afin de réduire l’empreinte écologique. Elle repose aussi sur la maitrise des déchets et la consommation d’énergie. La smart city repose sur le développement des smart grids (« réseaux intelligents ») qui, en particulier pour ce qui concerne l’électricité, sont des réseaux qui ajustent de façon fine les flux entre fournisseurs et consommateurs, et ceci d’autant que les privatisations ont conduit à une confusion dans la fourniture d’énergie.

Les smart grids reposent sur la multiplication des smart meters (ou compteurs communicants) qui renseignent l’usager sur sa demande en énergie, par exemple. Les smart grids se fondent sur quatre logiques : la flexibilité dans l’ajustement de la production et de la consommation, la fiabilité des réseaux et la réactivité des interventions en cas de panne, l’accessibilité aux sources d’approvisionnement multiples (en particulier aux énergies renouvelables) et l’espérance de gains liés à l’économie de consommation et à la diminution des coûts liés à l’optimisation qui résulte de la mise en œuvre de ces dispositifs.

Au sens large, un réseau intelligent associe l’infrastructure aux apports des technologies numériques afin d’analyser et de transmettre l’information reçue. Ces technologies sont utilisées à tous les niveaux du réseau : production, transport, distribution et consommation. Elles assurent un contrôle des flux en temps réel, l’automatisation de l’interopérabilité des réseaux, la détection immédiate des pannes et une information des usagers dans le but de fonder un « usage responsable » via des interfaces multiples et simples (smartphones, ordinateurs, etc.).

Exemple : le projet STAMP au Mali dans le secteur de l’Agriculture qui a mis en place un service d’information dédié aux « éleveurs – pasteurs » affectés par les événements climatiques extrêmes. Il a pour objectif d’améliorer leur résilience grâce à l’accès à des données géo-satellitaires qui leurs permettent d’envisager le déplacement de leurs troupeaux avec une meilleure prévision par la fourniture de données instantanées relatives à la disponibilité et la qualité de la biomasse pour l’alimentation du cheptel, la disponibilité en eau de surface pour son abreuvement et la concentration des animaux autour de ces ressources et les prix des céréales et du bétail sur les marchés à proximité. Il s’agit d’une connexion en temps réel entre STAMP et Orange Mali qui permet l’envoi et la réception de données à partir d’un numéro de type #xxx# qui permet d’accéder à un menu contextuel

Yvon PESQUEUX

La smart governance est en conséquence ce qui vise à régler les relations entre des agents sociaux de substance hétérogène (citoyens, entreprises, gouvernements). Elle contribue à la légitimation du développement durable comme métrologie et à l’ubris du technologisme illimité. Il faut quand même remarquer le pouvoir de surveillance et de contrôle des smart grids et l’inscription de la smart governance dans la « technologisation » de la gestion publique, faisant passer la logique de l’Etat gestionnaire à celle de l’Etat intelligent (un smart state). La rhétorique du smart tente de faire face, à la lumière d’un despotisme éclairé d’ordre technologique, à l’enjeu de l’épuisement des ressources naturelles et des problème environnementaux liés aux modes de production et de consommation.

La smart governance est une réponse à la complexité générée par les enjeux de la smart city et les réponses en termes de smart grids au regard du refus idéologique de réglementer par interdiction et rationnement, même si elles les rendent possibles. Elle nécessite la mise en œuvre de processus complexes de concertation qui tend à être masquée par la rhétorique enthousiaste de la transformation numérique qui donne l’illusion de l’infini au regard de la finitude des ressources qui caractérise la référence au développement durable. Il s’agit d’un projet de reconfiguration des services publics. La smart governance concerne les enjeux de la pénétration numérique forte de nos sociétés, particulièrement au regard de la téléphonie mobile et des appareils connecté qui sont un vecteur de transformation des sociétés et des organisations en repositionnant la question de l’efficacité. Cette pénétration conduit au développement de formes organisationnelles souples, agiles en matière de pratiques de collaboration, de l’usage de technologies de l’information simples « par » et « pour » l’intermédiation « citoyens – Etat et collectivités », « clients – fournisseurs » compte-tenu du problème des compétences et des rôles de chacun. Le « numérique » est devenu un moyen essentiel de coordination.

La smart governance est le cadre de la reconsidération des enjeux de l’e-administration au regard d’une « désintermédiation – réintermédiation » des relations G to G - government to government, G to B - government to business et G to C - government to citizens.

Elle pose plus généralement la question de l’articulation (et donc des choix) entre les contextes et les usages au regard des trajectoires appropriatives des technologies numériques développées à partir de 2005, compte-tenu de la tension entre le « ouvert, permanent, énergivore, fragile » et le « fermé, différé, frugal, résilient ». Rappelons en effet la fragilité des data centers face aux risques politiques et naturels (climat, tremblement de terre) car ils sont avides de froid et de sécurité en matière de quantité et de continuité de fourniture d’électricité (continuité de l’approvisionnement pour ces « méga » data centers qui bénéficient économies d’échelles, mais compte-tenu d’un coût global important par rapport à des « pico » data centers plus coûteux à l’unité mais plus fiables). Il faut signaler leur vulnérabilité face aux cybermenaces.

La smart governance contribue enfin à la définition du smart comme métrologie au regard du continuum « smart meter -> smart grid -> smart governance ».

Yvon PESQUEUX

Dans le document De la conception large de la gouvernance (Page 43-46)

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