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4. RECOMMANDATIONS ET PERSPECTIVES

4.1 Small is beautiful

Dans les années 70, l’économiste britannique E.F. Schumacher publie un des livres les plus influents depuis la Seconde Guerre mondiale : Small is beautiful. Ce livre remet en perspective la notion de « bigger is better » et clame l’importance de la beauté, de la santé, de la justice, mais surtout, de la petite échelle. C’est avec ce regard qu’il importe de développer des communautés qui personnifieront les idéaux d’une transition écologique. Le pouvoir des communautés passe nécessairement par les gens qui y habitent. La révolution des modes de vie devient la seule arme assez puissante pour remettre en cause le paradigme capitaliste. Si le gouvernement ne prend pas le taureau par les cornes, la population devra le

autrefois l’empire automobile du pays. Aujourd’hui, le moteur monoindustriel de cette ville s’est effondré, et la population a été laissée à elle-même, abandonnée de son gouvernement. Ceci s’est traduit par le verdissement sans précédent des espaces vacants pour contrer le désert alimentaire qu’était devenue la ville (Walljaper, 2012, 23 août). Les gens qui y sont restés après l’effondrement de l’économie étaient les moins fortunés et le taux de criminalité a grimpé en flèche durant les premières années, pour finalement se stabiliser et se coupler à une montée fulgurante d’initiatives citoyennes d’agriculture urbaine, d’espaces de co-working, de coopérative de partage, etc. (Abbey-Lambertz, 2015, 7 janvier).

Cet exemple nous ramène à l’affirmation du départ : nous tenons entre nos mains le pouvoir du changement. Le discours catastrophiste de la crise écologique ne doit pas décourager la population, comme le rappelle le documentaire Demain et comme nous le rappelle le modèle des trois sphères économiques : c’est l’économie à échelle humaine qui doit croître.

4.1.1 L’alimentation

Le premier pas vers la réduction de son empreinte carbone concerne nécessairement la consommation de la viande et les circuits d’approvisionnement court. Malheureusement, les choix et goûts personnels ont tendance à empiéter sur la réalité des choix de consommation. Il est assez surprenant que la question agroalimentaire (lire végétarisme) ne soit pas abordée par les organismes environnementaux. Comme si la nourriture c’était trop personnel pour engager la discussion. Par contre, il est reconnu autant scientifiquement, qu’environnementalement, qu’éthiquement, et même du point de vue de la santé, que la consommation de la viande, ce n’est bon pour personne. Effectivement, de faire une transition vers une alimentation à base de plantes pourrait réduire le taux de mortalité mondiale de 6 à 10 % et les émissions de gaz à effets de serre dus à l’industrie agroalimentaire de 30 à 70 %. Le bénéfice économique d’un tel scénario serait de 1 à 31 milliards de dollars US, ce qui équivaut à 13 % du PIB total de la planète (Springman, Charles, Godfray, Rayner et Scarborough, 2016). Ceci dépeint ce à quoi notre planète pourrait ressembler, mais en fait, nous n’avons pas le choix. Une autre étude de l’Université John Hopkins (2015) a conclu que si notre consommation de viande et de produits laitiers ne diminuait pas, la température moyenne augmenterait à beaucoup plus que 2 °C d’ici 2050, même si des efforts commensurables sont mis dans des secteurs autres qu’agroalimentaires. En d’autres mots, la voiture et les combustibles fossiles auraient beau disparaître, si nous ne réduisons pas notre consommation de produits animaliers nous courrons à notre perte. La réduction immédiate est impérative si nous désirons éviter la catastrophe climatique (Brent et al., 2015). L’urgence de ce constat n’est malheureusement pas représentée dans la sphère politique, ni même populaire. Au Canada, seulement 4 à 8 % de la population s’identifie végétarienne (Pippus, 2015, 1er juin). Ce n’est malheureusement pas assez. Parmi les environnementalistes, les efforts sont présents en terme de recyclage, d’utilisation de la voiture, d’approvisionnement local et même biologique, mais malheureusement le végétarisme se fait encore discret même parmi les initiés en termes de crise écologique et sociale.

On dira que la consommation de viande, c’est une zone grise. C’est plutôt une corde sensible, car aucune zone grise n’existe en termes d’impacts sur l’environnement, la santé et l’éthique animal.

Il est grandement temps d’inclure le végétarisme dans les débats de société, et faire en sorte que notre consommation carnée diminue drastiquement. Peut-être que l’écofiscalité peut ici jouer un rôle important. Qu’arriverait-il si demain matin, le prix de la viande triplait pour refléter son externalité sur l’environnement? Les lentilles et les pois chiches deviendraient peut-être soudainement plus attrayants. Mais ceci doit se faire en parallèle avec une éducation alimentaire, pour ne pas causer des carences parmi la population. Malheureusement, comme nous l’avons vu dans la section 3.4.6, l’agriculture est un patrimoine et un moteur économique important pour le Québec, et l’industrie laitière l’est encore plus, sans parler de l’industrie porcine... Si le Québec décidait de s’engager dans une véritable transition, ces industries devraient être remplacées ou réformées pour atteindre les cibles sociales et environnementales qui nous sont imposées par la force des choses.

4.1.2 Le partage matériel et immatériel

Le transfert des connaissances, l’apprentissage par les pairs, et l’utilisation de ces connaissances par les communautés améliorent le bien-être et enrichissent la planète et les communautés de plusieurs manières. Effectivement, The New Economic Foundation à Londres a effectué une étude démontrant que le partage des connaissances et compétences permet d’augmenter le bien-être des individus en les faisant sentir plus compétents, actifs et connectés à leur communauté (NEF, 2014). De plus, l’autonomisation des communautés est renforcée par le partage et la possibilité d’apprendre des uns des autres. Finalement, l’entraide qui résulte du partage et du transfert de compétences ferait en sorte que l’utilisation des ressources physiques est minimisée, et dès lors notre empreinte écologique le serait également. Ceci permet ainsi de personnifier une culture vernaculaire forte véhiculant des valeurs comme la réutilisation des ressources et le partage tout en bâtissant un capital social fort.

Des exemples d’activités peuvent être des projets « do-it-yourself » qui permettent aux gens de mener un projet à terme en augmentant leur confiance et en diminuant le sentiment d’aliénation du travail. Faire quelque chose de ses mains détient un pouvoir fort sur un individu, surtout si ce quelque chose a été fait avec l’aide d’autres personnes pour le bien-être individuel et collectif.

The New Economic Foundation affirme qu’il est important lors de la création de programmes par le gouvernement ou les communautés elles-mêmes de s’assurer de la mixité des savoirs pour augmenter les chances de partage des connaissances. De cette façon, les échanges sont riches et les gens se côtoient dans un environnement qui n’aurait peut-être pas été présent dans un scénario néolibéral ou chacun prend pour soi et fait partie d’une plus grande chaine de production et de consommation.

Finalement, le partage matériel concerne plus les activités qui sont encouragées dans les économies informelles et alternatives comme la plateforme Airbnb, Amigo Express, Uber, les bibliothèques de

écologique est grandement diminuée tout en révolutionnant la notion de propriété. Nous pouvons déjà apercevoir les impacts de ces plateformes sur la nouvelle génération qui préfère grandement l’usage à la propriété (Skjellaug, 2016, 27 juin). Tranquillement, c’est une nouvelle infrastructure d’échange qui se met en place pour contrebalancer les effets indésirables de la mondialisation. Il est primordial d’encourager et surtout de valoriser ces nouveaux systèmes d’échanges qui prônent les valeurs désirées pour une société alternative.

D’un autre côté, il est important de distinguer ce qu’est l’économie de partage au sens noble du terme à ce que sont les plateformes de consommation collaborative comme Airbnb et Uber qui font des profits fulgurants souvent sans payer d’impôts et qui concentrent cet argent dans les mains de quelques-uns, sans la redistribuer. Couchsurfing, l’équivalent gratuit de Airbnb, répond plus aux critères de noblesse que son acolyte payant, par exemple. Reste que l’économie de partage devient une partie intégrante de notre société et il est nécessaire que les gouvernements s’y arriment s’ils ne veulent pas se faire dépasser par l’ère du temps. Une certaine règlementation n’est pas à écarter de la conversation.