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C. La protection contre les dangers et les risques

II. Les situations génératrices de danger

1. Les activités de l’Etat pouvant occasionner un danger

Le rôle de l’Etat en matière de prévention des dangers est tout d’abord lié à son obligation de ne pas produire, dans sa propre activité, des dommages. Que l’on pense à l’usage du domaine public routier, aux interventions de la police en cas d’émeute, à l’octroi d’une concession pour la construction d’un barrage hydro-électrique, ou à la vaccination obligatoire280, ces différents scénarii (actes maté-riels ou décisions) peuvent tous occasionner des dommages, dans l’exécution d’une tâche publique qui consiste soit à fournir une prestation en infrastruc-tures, soit à préserver la population d’un danger plus grave que le risque colla-téral.

La question de l’indemnisation, en droit public, se posera en des termes dif-férents dans chacune de ces situations (l’art. 58 CO est applicable pour la res-ponsabilité liée à un ouvrage, alors que l’on se référera au régime de la

respon-278 Ch. 2.2 al. 1 annexe 4 ODE.

279 DETEC (Département fédéral de lenvironnement, des transports, de lénergie et de la commu-nication), décision 519.2/51 du 12 septembre 2002, c. 2.3.4.5.

280 ATF 129 II 353.

sabilité pour acte illicite ou licite de la collectivité publique et de ses agents dans les deux autres cas précités).

2. Les activités des personnes privées pouvant occasionner un danger Nombre d’activités privées sont génératrices de dangers que le droit de police, depuis longtemps, soumet à surveillance, voire à une autorisation préalable (permis de construire, permis d’exploiter, etc.).

Alors qu’il n’existe pas d’obligation de police générale du citoyen– si ce n’est celle de ne pas troubler–, en matière de prévention du risque créé par son entreprise (un projet de construction dans une zone à risque, une installation dangereuse), il peut être tenu à des obligations positives de protection contre les dangers, qui ne se limitent plus à une abstention.

Le développement du droit public, correspond ici à celui de la responsabilité objective, en droit privé, et aux exigences posées par la jurisprudence à l’égard de tous ceux qui exercent une activité, qui détiennent ou qui utilisent une chose, de nature à causer un dommage à autrui(Gefahrensatz)281: il s’agit d’un prin-cipe non écrit, reconnu depuis longtemps comme une norme générale du droit et qui impose de prendre les mesures commandées par les circonstances, pour garantir les tiers contre un dommage282.

Ces obligations de prévention sont désormais formalisées dans la loi, et font partie du développement de l’ère du droit de la sécurité technique283.

3. Les dangers naturels

Des glissements de terrains, l’éboulement d’un glacier, de fortes intempéries, des cyclones, des chutes de pierres, des avalanches, des crues, des tremblements de terre, constituent tous des événements naturels, plus ou moins imprévisibles, qui peuvent menacer des biens ou des personnes. Ces phénomènes, qui peuvent être à l’origine de «catastrophes naturelles», locales ou régionales, prennent de l’ampleur, ces dernières années, dans la mesure où ils sont pour certains liés aux modifications climatiques (réchauffement climatique), pour d’autres liés à une urbanisation trop intensive, qui favorise l’exposition aux risques (avalanches, inondations dues à la perméabilisation du sol, etc.).

Ces risques sont purement naturels lorsqu’ils se produisent indépendam-ment d’une activité humaine exerçant une incidence directe; ils peuvent aussi avoir pour origineune activité de l’homme.

A la différence des risques évoqués précédemment, la question qui se pose en présence d’un danger purement naturel est celle de savoir s’il existe une

obli-281 Fr an ço is G il lia rd,Vers lunification du droit de la responsabilité, p. 193 ss, sp. 202.

282 ATF 57 II 165.

283 Sur ce terme,C hr ist op h Er ra ss,Katastrophenschutz, p. 33.

gation de quiconque284de protéger autrui contre les dommages qui peuvent leur être liés, qu’ils se produisent régulièrement ou non, et de manière imprévisible ou pas. Selon le principe du «casum sentit dominus», chacun supporte les risques liés à un bien, notamment ceux liés au hasard. Cependant, il faut ad-mettre que dans de multiples situations, le risque naturel est de moins en moins perçu comme une fatalité, cela tant en raison de l’urbanisation autorisée à proximité de situations à risques–qui nécessite en principe protection–, que de l’évolution des connaissances et de la technique, qui permet désormais d’ an-ticiper le risque, dans bon nombre de cas. Plus une construction (par exemple une route) est exposée à des risques directs, tels que des chutes de pierres ou des glissements de terrains, au vu de la modification du terrain naturel qu’elle engendre, plus cette obligation de protection sera élevée285.

La législation de droit public se fait de plus en plus l’écho de cette évolution, en assignant à la Confédération ou aux Cantons des obligations de protection contre de tels dangers286, par des moyens divers qui impliquent généralement une cadastration des événements potentiellement dommageables et leur classe-ment dans l’échelle des risques, en vue de prendre des mesures (de planifica-tion, ou de rétention des dangers). Dans une telle configuraplanifica-tion, se posera la question de savoir jusqu’où il incombe à la collectivité de prendre ou d’ ordon-ner de prendre des mesures de protection telles que digues contre les crues, les

284 La question se pose non seulement eu égard au rôle de lEtat, mais également du point du vue du particulier. Selon la jurisprudence, des effets ayant pour cause des événements exclusivement naturels ne tombent pas sous la notion dexcès de droit de propriété (ATF 93 II 237 c.3c); ainsi, le comportement passif dun propriétaire de parcelle laissant subsister un état de choses dange-reux sur sa parcelle (par ex. une paroi de rochers friables, un glissement de terrain), ne paraît pas entraîner une responsabilité du propriétaire, si tant est que létat de choses dangereux nait sa cause que dans un phénomène naturel (ATF 91 II 484 c.6); il en va autrement si le propriétaire a contribué à lapparition du danger naturel.

285 An ne -Ch ris ti ne Fav re ,La notion de force majeure, p. 194.

286 Quelques lois tendent à éviter de permettre que la réalisation de ces dangers puissent porter dommage à la population ou à des biens; elles comportent des obligations deprévention des dangers naturels.Il en va notamment ainsi dela loi fédérale sur les forêts(LFo, RS 921.0), qui précise, à son art. 19, que «là où la protection de la population ou des biens dune valeur notable lexige, les cantons doivent assurer la sécurité des zones de rupture davalanches ainsi que des zones de glissement de terrains, dérosion et de chutes de pierres et veiller à lendiguement fo-restier des torrents. Des méthodes aussi respectueuses que possible de la nature doivent être uti-lisées»;la loi fédérale sur laménagement des cours deau(LACE, RS 721.100) a pour but de protéger des personnes et des biens matériels importants contre laction dommageable des eaux, en particulier celle qui est causée par les inondations, les érosions et les alluvionnements (pro-tection contre les crues) (art. 1 al. 1); enfin, dune manière générale,la loi fédérale sur l aména-gement du territoire(LAT, RS 700), à son art. 6 al. 2, prévoit que les cantons désignent les terri-toires gravement menacés par des forces naturelles ou par des nuisances dans leur plan directeur, disposition très générale qui invite les autorités planificatrice à inventorier les dangers préalable-ment à une planification en zone constructible.

Par ailleurs, laloi fédérale,du 4 octobre 2002,sur la protection de la population et sur la pro-tection civileprévoit des obligations dintervention urgente, en cas de catastrophe naturelle ou anthropique, «afin de limiter et maîtriser les effets dévénements dommageables» (art. 2).

avalanches, mais aussi d’adopter d’autres mesures dans l’urgence, telles que l’information, l’évacuation de la population, etc.

Lorsque des dangers liés aux forces de la nature ont pour origineune activité de l’homme,la situation juridique se présente en des termes différents. On vise par là les cas où une inondation est causée par la rupture d’un barrage, d’une canalisation287, un séisme est engendré par un forage dans le contexte d’un pro-jet de géothermie288, soit des ouvrages qui ont pour fonction d’utiliser les forces de la nature dans le cadre d’une exploitation289, ou les activités dangereuses, telles celle du skieur, qui déclenche une avalanche, en s’aventurant sur des pentes non balisées. De telles situations peuvent exposer la population à une catastrophe naturelle, mais il est bien évident que la responsabilité s’appréciera selon les règles propres à l’acte en cause (responsabilité de l’Etat, du conces-sionnaire, de la personne privée, etc.).