Chapitre I :Étude Bibliographique A.5. Apport des études enzymologiques et structurales à la compréhension du A.5.1. Rôles des résidus du site actif A.5.1.2. Les sites de reconnaissances anionique A.5.1.2. Les sites de reconnaissances anionique Les sites de reconnaissances anionique La réaction catalysée par les GAPDH phosphorylantes fait intervenir alternativement le glycéraldéhyde-3-phosphate et le phosphate inorganique ou le 1,3-diphosphoglycérate. De ce fait, pour accueillir les deux groupements phosphate, deux sites de reconnaissance anionique sont nécessaires et ont d'ailleurs été mis en évidence dès la résolution de la première structure cristallographique de GAPDH phosphorylante (enzyme de homard) par l'équipe de Rossmann en 1975. Comme précédemment présenté en A.3.2.2.2, la modélisation de l'intermédiaire hémithioacétal dans la structure de la GAPDH de homard a conduit les auteurs à proposer la dénomination Pi et Ps pour chaque site, les indices i et s renvoyant respectivement au phosphate sites ainsi que les acides aminés impliqués dans leur formation n'ont été précisés que plus tard, grâce à la structure tridimensionnelle de l'enzyme de B. stearothermophilus obtenue à haute résolution (1,8 Å) (Skarzynski et al., 1987). Le site actif de cette structure (code pdb 1gd1) avec les deux anions sulfate indiquant la position des sites Pi et Ps est présenté en Figure I-9. Il faut noter, qu'à nouveau, les auteurs soulèvent des interrogations quant au véritable rôle de chacun des deux sites de reconnaissance anionique au cours de la catalyse. Comme nous le verrons ensuite (cf. en A.5.1.2.3.), de nombreux travaux ont été réalisés à ce sujet sans toutefois pouvoir attribuer de manière univoque leur fonction respective. Néanmoins, de manière à faciliter les comparaisons, les dénominations Pi et Ps ont été conservées. A.5.1.2.1. Le site Ps Le site Ps, dans la structure de la GAPDH de B. stearothermophilus, est occupé par un anion sulfate qui forme des liaisons hydrogène avec les chaînes latérales des résidus conservés Thr179 et Arg231. La fonction hydroxyle portée par le ribose adjacent au nicotinamide (NAD) en position 2' forme, elle aussi, une liaison hydrogène avec la molécule de sulfate. La contribution de la partie ribose du cofacteur semble essentielle à la constitution d'un site de reconnaissance anionique Ps complètement fonctionnel. En effet, la densité électronique observée au niveau de ce site dans la structure de l'apoenzyme est plus faible, signe d'une occupation partielle de l'anion sulfate en l'absence du cofacteur (Skarzynski et al., 1987). La localisation exacte du site Ps ainsi que sa géométrie sont très conservés dans l'ensemble des structures de GAPDH de bactéries et d'eucaryotes. Seule l'Arg231 présente, dans certains cas, une variabilité conformationnelle. Ainsi, la chaîne latérale de cet acide aminé, dans les structures de la GAPDH isolée à partir d'E. coli (Duée et al., 1996) ou de Trypanosoma cruzi (Souza et al., 1998 : structure non disponible dans la PDB) adopte une conformation distincte de celle rencontrée dans la structure de B. stearothermophilus et forme un pont salin avec le résidu Asp192 (ou, en position équivalente, l'Asp210 pour T. cruzi). Toutefois, d'autres structures de GAPDH issues de ces deux organismes montrent une conformation tout à fait classique de l'Arg231, comparable à celle observée dans la structure de B stearothermophilus et ce, en l'absence ou en présence d'un ligand dans le site Ps (Yun et al., 2000 pour la GAPDH d'E. coli : 1dc3, 1dc4, 1dc5 et 1dc6 ; Castilho et al., 2003 et Ladame et al., 2003 pour la GAPDH de T. cruzi : code pdb 1ml3 et 1qxs, respectivement). Figure I-9 : Vue stéréoscopique des sites de reconnaissance anionique Pi et Ps de la structure de B. stearothermophilus selon la position de deux ions sulfate (Skarzynski et al., 1987). les mêmes que celles rencontrées dans les autres GAPDH. Ce site est constitué de deux résidus arginine en position 166 et 167 de la séquence de Sulfolobus solfataricus (position 167-168 dans celle de Methanothermus fervidus) qui sont conservés dans l'ensemble des GAPDH d'archaea. Néanmoins, ce site n'ayant été identifié que dans une structure sous forme apoenzyme (Isupov et al., 1999), on ne peut exclure que le NAD, une fois présent, puisse contribuer à la formation de ce site de reconnaissance anionique et influencer sa position. A.5.1.2.2. Le site Pi Dans la structure de l'holoenzyme de B. stearothermophilus, le site Pi est partiellement occupé par un ion sulfate. Celui-ci est stabilisé par l'établissement de liaisons hydrogène avec les chaînes latérales des résidus conservés Ser148 et Thr208 ainsi qu'avec l'azote de la chaîne principale de la Gly209. Les chaînes latérales des résidus Arg195, Thr150 et la fonction hydroxyle en 2' du ribose sont indirectement impliquées dans la stabilisation de l'anion sulfate au travers de molécules d'eau cristallographiques. L'Arg195, contrairement à la Thr150, n'est pas conservée dans les séquences de GAPDH phosphorylantes mais est une singularité des GAPDH issues d'organismes thermophiles. Il faut noter que le résidu Arg194, invariant chez les organismes mésophiles, n'est pas structuralement équivalent à l'Arg195 des organismes thermophiles puisque la superposition des différentes structures exclut toute contribution de ce résidu à la formation du site Pi (Duée et al., 1996). Si la position exacte du site Ps est très similaire dans l'ensemble des structures de GAPDH, le site Pi, lui, semble avoir une localisation moins précise, variable d'une structure à l'autre. Ainsi, la position de ce site de reconnaissance anionique semble liée à la conformation d'une boucle du site actif, la boucle β2-α2 (Thr207-Ala210) qui contient les résidus Thr208 et Gly209 et borde le site Pi. Cette boucle a été observée sous deux conformations différentes. La première, celle présente dans la structure de l'enzyme de B. stearothermophilus et considérée comme la conformation classique, est la plus fréquemment rencontrée. La seconde est observée dans les structures de la GAPDH de Thermotoga maritima (code pdb 1hdg), Leishmania mexicana (1gyp et 1a7k), Palinurus versicolor (avec la cystéine carboxyméthylée : 1dss), et E. coli (avec la cystéine acylée par le G3P : 1dc4) (Korndörfer et al., 1995 ; Kim et al., 1995 et 1998 ; Song et al., 1999 ; Yun et al., 2000). Bien que cette conformation particulière ait été initialement obtenue en présence de sulfate pour l'enzyme de T. maritima, Kim et al. (1998) ont suggéré que cette conformation de la boucle β2-α2 soit associée, dans la structure de l'enzyme de L. mexicana, à la présence d'un anion phosphate plus représentatif de l'état physiologique que l'ion sulfate. Les deux structures de P. versicolor et d'E. coli obtenues ensuite, avec leur cystéine catalytique respectivement carboxyméthylée ou acylée par le G3P (hémithioacétal), semblent plutôt indiquer que cette conformation de la boucle β2-α2 est liée à l'état de la cystéine. En effet, les structures des GAPDH de ces deux organismes ont, par ailleurs, été déterminées avec leur cystéine sous forme libre (Song et al., 1998 : 1szj ; Duée et al., 1996 : 1gad et 1gae ; Yun et al., 2000 : 1dc3, 1dc5, 1dc6) et dans ces structures, la boucle 207-210 adopte une conformation comparable à celle de l'enzyme de B. stearothermophilus. Comparée à la conformation classique, la seconde conformation de cette boucle est déplacée vers la cystéine catalytique et délimite une nouvelle position du site Pi distante de plus de 3Å de la précédente et qui a été appelée "new Pi" ou nouveau site Pi (Figure I-10). Chez les archaea, la position de l'anion sulfate assimilée au site Pi est différente du site Pi identifié dans la structure de B. stearothermophilus. Néanmoins, cette localisation est quasiment identique à celle du nouveau site Pi, l'atome de soufre des sulfates présent dans les structures de S. solfataricus (1b7g) et M. fervidus (1cf2) étant situé, après superposition des chaînes principales des trois structures, à environ 0,5Å de l'atome de phosphore du phosphate de la structure de T. maritima (1hdg). Ce site Pi est constitué, chez les archaea, des chaînes latérales des résidus Ser138 (équivalente à la Ser148 de B. stearothermophilus), Asn148 (qui contribue grâce à l'atome d'azote de sa chaîne principale), His192 et His193 qui sont strictement conservés dans les séquences des GAPDH d'archaea. A.5.1.2.3. Apport de la mutagenèse-dirigée à l'étude des sites de reconnaissance anionique L'ensemble des résidus de l'enzyme de B. stearothermophilus dont la chaîne latérale contribue à la formation de l'un ou l'autre des sites de reconnaissance anionique ont été substitués par mutagenèse dirigée et les propriétés cinétiques des mutants comparées à celles de l'enzyme de type sauvage (Corbier et al., 1989 ; Corbier et al., 1994 ; Michels et al., 1996). En cinétique classique, les résultats obtenus ne montrent que peu de changement pour les constantes michaeliennes, signe que la mutation d'un seul résidu ne perturbe que très légèrement la fixation des substrats. On peut noter toutefois que la mutation de la Ser148 en alanine, résidu participant à la formation du site Pi, affecte en premier lieu le KM du phosphate inorganique (et dans une moindre mesure les Km du 1,3-DPG et du G3P), laissant supposer que ce résidu interagit avec ce site, en accord avec les résultats de modélisation moléculaire (Corbier et al., 1989). Si l'altération des sites Pi et Ps ne semble avoir qu'une influence limitée sur l'affinité des substrats, la mutation des résidus du site Ps conduisent néanmoins à des altérations très fortes des constantes catalytiques (diminution Figure I-10 : Comparaison des deux conformations de la boucle β2-α2 (207-210) et relocalisation du site Pi. Les structures de la GAPDH de B. stearothermophilus (1gd1) et de T. maritima (1hdg) sont représentées respectivement en orange et en bleu, avec leur anion sulfate fixé respectivement dans les sites Pi et nouveau d'un facteur 27, 4667, 467 et 2333 respectivement pour les mutants T179A, T179M, R231G et R231L par rapport à l'enzyme de type sauvage). Les constantes catalytiques des mutants du site Pi sont, elles, moins perturbées (facteur 9,3, 6,5, 2,4 et 11 pour les mutants S148, T208A, T150A et R195L, respectivement). Les études, en stopped-flow, des étapes individuelles de la réaction montrent que du point de vue cinétique, le processus global conduisant à la formation de NADH n'est pas altéré pour les mutants du site Ps par rapport à l'enzyme sauvage alors que ce processus est ralenti de 3 à 24 fois pour les mutants du site Pi, suggérant que le groupement phosphate du substrat interagit avec les résidus du site Pi lors de l’étape d’acylation. En l'absence de méthode directe pour étudier l'étape de phosphorolyse, les constantes de premier ordre associées à cette étape ont été prédites en se basant sur la détermination des constantes de second ordre. Pour la plupart des mutants des sites Pi et Ps (à l'exception du mutant T150A), ces constantes sont proches du kcat, indiquant que l’étape de la phosphorolyse, ou un processus qui lui est associé, devient limitante pour les mutants. En conclusion, ces études tendraient donc à soutenir l'hypothèse d'une interaction entre le phosphate du substrat et le site Pi durant l'étape d'oxydo-réduction. Pourtant, le fait que l'étape de phosphorylation (ou une étape associée) devienne limitante pour les mutants des deux sites ne permet aucune conclusion quant à un éventuel changement de site du phosphate du substrat à partir de Pi vers Ps. A.5.2. Structures cristallographiques de complexes Dans le document Caractérisation Structurale et Fonctionnelle de deux Enzymes de la Famille des Aldéhyde déshydrogénases : la Glycéraldéhyde-3-Phosphate Déshydrogénase de B. stearothermophilus et l'Erythrose-4-Phosphate Déshydrogénase d'E. coli. : structures cristallograp (Page 39-45)