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La Expreso Imaginario :

www.laexpresoimaginario.blogspot.com La increíble aventura de Expreso Imaginario

Annexes :

Annexes n° 1 : Entretiens

Hugo Basile, 50 ans, ancien lecteur de la revue Expreso Imaginario, professeur de psychologie sociale, lundi 16 janvier 2012, Buenos Aires.

J'ai commencé à lire l'Expreso à 15, 16 ans. A cette époque, il y avait plusieurs publications et une d'entre elles était l'Expreso Imaginario. Elle se différenciait fondamentalement des autres par le fait qu'elle était dirigée par la jeunesse et aussi qu'elle ouvrait des portes. Elle ne considérait pas la jeunesse comme écervelée comme les autres revues ou journaux, notamment comme maintenant, dans lesquelles ils ne font rien d'autres que vendre leurs produits. Quand j'étais adolescent, cette revue m'a fait connaître une montagne de choses. Pas seulement sur la musique alternative parce que la revue n'était pas seulement une revue musicale, mais aussi sur les idées alternatives, les arts alternatifs et les choses alternatives que faisaient les gens, de la violence jusqu'à ce qu'était la vie en communauté à travers des interviews de gens qui vivaient cette expérience. Je me rappelle notamment qu'il y avait aux États Unis dans le Tennessee une communauté que je ne connaissais pas, une communauté qui s'appelait The Farm. Ils vivaient comme des hippies et j'avais vu beaucoup d'articles sur cette communauté dont un dans l'Expreso et je leur ai écrit. Dans cet article, ils y avaient noté l'adresse de la communauté, et ils m'ont répondu.

Il y avait d'autres publications à cette époque qui étaient aussi intéressantes, mais qui étaient plus générales. Il y avait une revue qui s'appelait Hura335, il y avait aussi une revue de résistance pendant la dictature qui était Humor. Hura faisait des dossiers assez intéressants sur des sujets comme la sexualité. C'était des choses dont on avait jamais entendu parler et du coup ça intéressait la jeunesse qui a essayé de s'informer avec ces revues, à chercher autre part que dans les médias officiels. A part l'Expreso, il n'y avait pas de revues qui faisaient des articles avec des argumentations sérieuses et ça incluait l'argument de la résistance.

Découvrir cette revue, était-ce une libération pour vous ?

Oui, c'est un journal qui m'a donné une identité, c'était une autre forme de penser, une

autre façon de voir le monde que au début je ne connaissais pas mais que j'ai découvert, et en le découvrant je me le suis approprié. Certains journalistes de l'Expreso ont continué dans l'esprit de la revue avec d'autres publications, j'en ai quelques exemplaires comme par exemple Zaff!. C'est une revue postérieure à l'Expreso, elle a commencé en 1979 je crois, et à ce moment là, je faisais mon service militaire. Je me rappelle que chaque fin de semaine, je devais aller à Mar del Plata où est la base militaire et durant le voyage je lisais Zaff!. Je me rappelle de deux choses dont un article ou une interview de Carlos Castaneda336, et c'était un

truc de fou ! Donc, quand je suis arrivé à Mar del Plata, j'ai acheté un de ses livres et je continue à les lire encore maintenant. Il y avait aussi une journaliste qui avait fait un commentaire d'une chanson de Robert Plant dans laquelle il y avait, selon elle, des allusions au « Seigneur des anneaux ». J'ai alors acheté les deux premiers tome du livre de Tolkien. Ça m'a ouvert à plein de choses. Je crois qu'une grande partie du ou des chemins que nous suivons sont liées à ce genre de découvertes.

Où avez vous découvert l'Expreso ?

Dans un kiosque. J'avais aussi un ami avec qui on échangeait beaucoup de découvertes culturelles, il me conseillait des trucs et moi aussi en retour. A cette époque, il y avait trois revues pour les jeunes qui traitaient de musique. La première, c'était Pelo. Il y avait aussi Rock SuperStar et l'Expreso. Les deux premières étaient des revues sur le rock pas plus, comme on en voit maintenant. Mais l'Expreso c'était différent

Avez vous remarqué un changement dans la revue au cours des numéros ?

Oui, il y a eu un changement avec Roberto Pettinato qui voulait faire de la revue un organe de presse un peu plus commercial. Après, il a essayé de faire une revue en continuité de l'Expreso qui s'appelait La Mano mais ça n'avait rien à voir. J'ai 50 ans, et en 50 ans je n'ai jamais vu une revue qui ressemblait à l'Expreso Imaginario. Il y avait juste une revue qui était similaire mais il n'y a eu que cinq numéros, une revue de culture qui avait les même caractéristiques. Elle n'a fait que cinq numéros parce que les gens ne l'achetaient pas, ce n'était pas vraiment fait pour les jeunes en fait.

Est ce que les jeunes argentins connaissent l'Expreso ?

Ça dépend. Ils ont tous plus ou moins entendu parler de cette revue, par exemple mon fils la connait un peu, ma fille aussi, mais je pense que la grande partie des jeunes ne la connait pas et ne connaissent pas son importance durant la dictature. En plus maintenant cette revue se collectionne, elle coûte un peu cher et c'était une autre époque.

J'ai remarqué que dans le courrier de la revue, il y avait beaucoup de jeunes qui voulaient rencontrer d'autres jeunes avec les même centres d'intérêt mais aussi se faire des amis, est ce que vous pensez que la jeunesse argentine se sentait seule à cette époque ?

Il y avait beaucoup d'échanges entre jeunes dans les années 60 mais ces échanges se centraient plus sur la question politique, jusqu'à 1973 et le début de la Triple A. Mais, avec la dictature, l'activité politique s'est terminée. Avec la dictature, les échanges se sont retrouvés dans une autre situation et ils ont alors suivis la mode des hippies.

Est ce que vous savez si Horacio Fontova appartenait à la communauté de hippies du Bolson ? Oui, Fontova a une grande et large histoire. Le premier truc qu'il a fait, c'était la comédie musicale Hair. Au Bolson, c'était une communauté hippie réelle, et dans le pays à cette époque vivaient plusieurs tribus hippies. Donc, le producteur et directeur de l'œuvre Alejandro Romay a été chercher les hippies dans tous le pays. Il y avait plein de chanteurs comme Fontova, Valeria Lynch … Un ami à moi aussi, Carlos. Après, Fontova a été dans un groupe et il a participé à la revue avec les dessins. Ses dessins étaient merveilleux, très beaux. Ils donnaient à la revue une qualité très particulière. Après son départ, la revue a commencé à se détériorer un petit peu. Un moment, j'ai arrêté de l'acheter parce qu'elle n'avait plus la même essence, elle était moins spéciale, plus commerciale. Je pense que ce changement avait à voir avec des questions commerciales. Quand on lit un journal, on ne se rend pas compte de tout ce qu'il y a derrière et c'est pareil dans l'autre sens. Chaque personne a ses propres intérêts, il faut demander ça à Pipo Lernoud ou Jorge Pistocchi.

Comprends-tu pourquoi l'Expreso n'a jamais été censuré ?

Je pense que c'est parce que les militaires ne l'ont jamais compris. Il y avait des choses que les militaires ne comprenaient pas et c'est ce qui a fait qu'ils ont réussit à éviter la censure. Il y avait des choses que seuls nous pouvions comprendre. Par exemple, je me rappelle, ici à Buenos Aires il y avait un endroit où tous les gars venaient pour échanger des disques, et en acheter, c'était le parc Centenario. On venait au parc avec des disques dans nos sacs, et un jour la police est arrivée et théoriquement on n'avait pas le droit de se réunir. Ils nous ont tous dit de nous en aller, et c'est ce qu'on a fait. Dans le numéro suivant de l'Expreso, ils ont fait paraitre une image d'un arbre, l'arbre Centenario, et ont raconté poétiquement comment s'était passée la répression ce jour là. Les policiers ne pouvaient pas comprendre mais nous on savait de quoi ils parlaient. Il y avait des codes pour que la police ne comprenne pas de quoi on parlait. Ils jouaient aussi sur l'estime que nous portaient les militaires qui devaient se dire : « ce sont des hippies on va les laisser dans leur délires ».

Et normalement, la presse ne devait-elle pas ne pas parler des artistes folkloriques ?

Ils n'avaient pas le droit de faire des interviews par exemple de Mercedes Sosa, mais si elle ne parlait que de musique ça passait et les censeurs n'y faisaient pas attention, Il y avait aussi Zaff! et Propuesta qui faisaient ce genre d'interviews de musiciens et ils n'ont pas eu de problèmes.

Qu'est ce que la revue t'as apporté dans ta construction personnelle ?

Ça m'a ouvert la porte à plein de choses nouvelles qui me sont restées, qui ont continué, du point de vue de la musique, de la littérature, des nouvelles façons de penser. Ça m'a donné l'occasion de m'identifier à quelque chose à partir de rien. Je me suis senti entouré de gens qui me comprenaient et ça m'a ouvert à un mode de pensée distincte .

Tes parents savaient-ils que tu lisais cette revue ?

imposé de censure. Je militais vers 1978 dans un organe politique clandestin, et ils n'ont jamais rien vu.

Pouvez vous dire comment les idées hippies des États Unis sont entrées en Argentine ?

Ces idées sont entrées majoritairement à partir de la musique, en 1969 c'était la fin de ce mouvement aux États Unis, et en Argentine il y avait toujours des groupes de hippies qui florissaient. C'était un peu comme une mode mais la philosophie hippie est vraiment entrée ici avec la musique. Dès les années 60, il y avait ce qu'on appelait le rock progressif, qui était en fait le rock national avec des groupes comme Almendra, los Gatos, Manal ... Ils ne faisaient pas que chanter, ils faisaient aussi la promotion de ce mode de vie dans leurs textes. Les publications comme l'Expreso diffusaient aussi l'essence de la philosophie hippie, il y avait des revues comme Pina qui transmettaient la partie la plus commerciale du hippisme. Les idées hippies sont entrées aussi à travers la poésie, on lisait Walt Withman par exemple. Dans les années 80, il y avait aussi la revue Mutantia, dirigée par Miguel Ginsberg. Dans la musique, Pink Floyd aussi nous inspirait beaucoup.

Est ce que cette poésie était censurée par la dictature ?

Oui, pendant la dictature ils ont censuré ce qu'ils comprenaient, le reste non. La musique nationale a été censuré, notamment les chanteurs du rock national, mais ils sont revenus pendant la guerre des Malouines pour faire ressurgir un sentiment national, c'est pourquoi ils ont pu rechanter. Mais on a eu le sentiment de se faire voler notre mouvement comme par exemple pour le festival des combattants, le Festival de la Solidaridad où a chanté Leon Gieco. Ce qui les dérangeait, c'est qu'on avait les cheveux longs, qu'on fumait de la marijuana, qu'on jouait de la guitare, mais ils ne comprenaient pas le sens des chansons. Par exemple, Charly Garcia a chanté la chanson Los Dinosaurios qui parlait des militaires mais ils ne le savaient pas. Ils ne l'ont pas censuré parce qu'ils ne se rendaient pas compte qu'on parlaient d'eux. Les militaires ne comprenaient rien des métaphores, c'est pour ça qu'ils détruisaient tout, ils avaient peur qu'il y ai des choses qui leur échappent mais ça s'est quand même produit.

Pensez vous que beaucoup de jeunes lisait l'Expreso ?

Oui, l'Expreso était pas mal lue mais ce n'était pas non plus un tirage massif. C'était Pelo qui était la revue la plus lue, on y parlait plus de rock, il y avait tout le rock international représenté, rock, punk, mais ils ne traitaient que la musique, ils commentaient les disques et pas plus. A cette époque, il y avait des revues qu'on lisait avec peur, comme par exemple Humor. Si une revue devenait massive, ça devenait un problème d'avoir trop de visibilité parce que à Humor ils critiquaient la dictature ouvertement avec leurs caricatures. On se demandait toujours qu'est ce qui allait se passer si on se faisait prendre à lire cette revue. Le mieux c'était de ne pas y penser.

Est ce que vous pensez que le gouvernement avait réussi à effacer toute conviction politique de la tête des jeunes ?

Avec la peur oui, mais tes idées restent toujours en tête et ça, ils ne peuvent te l'enlever. On ne peut pas les effacer, si je te mets une arme sur la tempe, je peux te faire dire tout ce que je veux mais ils ne peuvent pas te faire changer ta façon de penser. Ceux qui ont survécu à la répression ont gardé ces idées. Avant la dictature, je n'avais rien à voir avec la politique, mais, pendant la dictature, j'ai commencé à m'y intéresser dans la clandestinité. Dans les années 90, je ne m'en préoccupait plus, c'était une question qui avait fini par m'ennuyer, je ne voulais rien savoir là dessus. Mais avec l'arrivée de Nestor, ça m'a donné la possibilité d'y croire à nouveau, et maintenant, je milite avec ma femme et je le fais avec la même espérance que pendant la dictature.

Est ce que vous pensez que plus d'hommes que de femmes lisaient l'Expreso ?

C'est possible. En tout cas, les hommes étaient plus visibles. Je me rappelle, je leur avais envoyé un courrier pour rencontrer une ou des filles parce que je n'en connaissais pas beaucoup et une fille m'avait finalement appelé suite à ce courrier. Mais, je crois que les lecteurs n'étaient pas en majorité des femmes. Les femmes s'engageaient plus socialement que les hommes, il y avait peut être plus de femmes qui militaient dans la clandestinité. Je suis psychologue social et dans mon école il y a 100 élèves et 95 femmes. Dans la revue, il y avait

la journaliste Sandra Russo qui y avait fait ses débuts. Elle leur avait envoyé un courrier et s'était finalement faite engagée dans la rédaction de l'Expreso.

Quelle chronique ou partie de l'Expreso préférais-tu le plus ?

C'était les articles qui avaient rapport avec les créations artistiques, les articles sur la violence que je ne connaissais pas du tout. Je me rappelle qu'en lisant cet article intitulé Nota de violencia, je ne pensais pas que de telles choses pouvaient exister dans notre monde. Je lisais aussi le courrier des lecteurs que j'aimais bien, mais c'était aussi parce que je leur envoyait des lettres. Au début, j'avais commencé à acheter la revue pour ses articles sur la musique mais au final je ne les lisais pas vraiment. Je lisais davantage la partie sur la culture que l'autre, alors que la musique était ma motivation première. C'était une revue qui était accessible donc je l'achetais. Des fois, je la montrais à des amis mais je n'aimais pas la prêter ! Je la partageais seulement avec Waldo, un ami qui devait partir au service militaire, je lui avais donné toutes mes revues pour le voyage ! Je lui avait aussi acheté La voix du silence de Blavatsky.

Ici, il y a la culture du quartier et le reste. La culture du quartier, c'est par exemple jouer au foot avec tes voisins. Avec Waldo, on vivait dans le même quartier. Je suis devenu psychologue social, lui psychologue parce qu'on se posait plein de questions sur la vie, on avait plein d'inquiétudes. Vers 1979, j'ai commencé à faire du théâtre, lui de la politique parce qu'il n'avait pas peur de la répression. On sortait à trois, il y avait Waldo et Claudio qui est aujourd'hui secrétaire d'État du sport en Argentine je crois. Lui, il fallait un peu le forcer pour sortir parce que son frère était disparu. C'était le premier contact qu'on a eu avec les disparitions. Il a commencé à militer pour les droits de l'homme dès ce moment. Quand on sortait, San Telmo c'était la Mecque de la culture, il y avait du théâtre par exemple. Certains sortaient du quartier, d'autres non, mais je pense que l'Expreso m'a amené à aller chercher ces expériences, des gens différents, avec des idées et des coutumes avec lesquelles je n'étais pas familier.

Moi pendant la dictature militaire, j'étais dans le secondaire337, j'étais dans la même

école où sont mes enfants maintenant. C'était un organe répressif, je me rappelle que le vice président nous parlait toujours des ennemis subversifs. On se sentait un peu visés parce qu'on avait fait une revue avec des copains, et on avait caricaturé le vice président de l'école avec un cheval.

En 1973, je suis rentré dans le secondaire. Ils ont fermé l'école quand les militaires sont arrivés. J'ai dû reprendre officiellement le secondaire quand j'étais adulte mais j'allais la nuit à l'école. A cette époque, c'était plus dangereux d'étudier que de ne pas le faire. Il y avait des militaires partout dans les écoles, et la majorité des professeurs étaient aussi des militaires. Les enfants devaient avoir les cheveux coupés bien courts, et si tu avais les cheveux un peu trop longs, ils pouvaient te les couper en pleine rue s'ils le voulaient. C'était le dictat de la morale chrétienne d'État, par exemple, les policiers avaient le droit de rentrer dans des maisons de passe et s'ils se rendaient compte que tu étais infidèle à ta femme, ils te ramenaient à la maison et tu étais accusé d'adultère. Ils supprimaient tout à la racine.

Ruben Silva, 55 ans, ancien lecteur et correcteur de l'Expreso Imaginario, journaliste, vendredi 27 janvier 2012, Buenos Aires.

Je suis journaliste depuis 30 ans, j'ai commencé dans les années 80, vers 1981, je suis aussi psychologue social et j'ai également étudié l'histoire. J'ai 55 ans et je suis grand père, imagines ! La dictature militaire de Videla comme on l'appelle, c'est une époque et une part de ma vie où la revue de l'Expreso était un refuge. La revue a commencé juste au moment du coup d'État de Videla. A ce moment, j'avais 20 ans, c'était un monde autoritaire, une société très répressive, et notre opposition à cette société était très extrême. On s'est donc réfugiés dans le rock et dans les revues qui existaient à ce moment là. Il y avait une revue qui s'appelait Pelo, il y en avait d'autres évidemment et l'Expreso est apparu. C'était quelque chose de nouveau pour nous parce que ce n'était pas seulement du rock. C'était une revue qui abordait des thèmes comme l'écologie ou l'hindouisme. On lisait ça parce que c'était pas comme maintenant, il n'y avait pas d'ordinateur, il n'y avait pas de portable et quasiment personnes

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