• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 : Introduction

III. Les écosystèmes hydrothermaux océaniques profonds

1. Qu’est - ce qu’un écosystème hydrothermale océanique profond ?

1.3. Les sites hydrothermaux de l'Atlantique

D'une longueur de 60 000 km, la dorsale médio-atlantique (ou MAR pour 'Mid

Atlantic Ridge’) demeure peu explorée. Seules quelques centaines de kilomètres ont été explorées et une quinzaine de sites hydrothermaux ont été découverts. L'exploration de cette dorsale a débuté en 1985 et concerna une zone délimitée au Nord par le plateau des Açores

(38°N) et au Sud par le site Logatchev (14°45’N). Les différents sites hydrothermaux

découverts depuis lors présentent des conditions environnementales très différentes les uns des autres, différences liées à la nature des roches et aux variations de profondeur (Figure 16). Les sites les plus profonds (au-delà de 3 000 m de profondeur) sont relativement stables ; le site Trans Atlantic Geotraverse (TAG) abriterait une activité hydrothermale depuis 100 000 ans, avec un site actif actuel estimé à 40 000 ans (Rona et al., 1993, Lalou et al., 1995) Beaucoup de sites hydrothermaux de la MAR reposent sur des roches basaltiques comme c'est le cas des sites TAG (26°08'N) et Snake Pit (23°23'N). Certains reposent en revanche sur des roches ultramafiques du manteau terrestre comme le site Rainbow (36°14'N), Logatchev (14°45'N) ou Ashadze (13°N) (Fouquet et al., 2010). Les fluides hydrothermaux de ces sites mantelliques sont enrichis en gaz dissous tel que le méthane ou le dihydrogène mais appauvri en sulfure d'hydrogène (Charlou et al., 2002). Au contraire des fluides des sites mantelliques,

ceux des sites basaltiques sont enrichis en sulfure d’hydrogène mais relativement appauvris en

46

Figure 16 : Carte des principaux sites hydrothermaux recensés sur la MAR (Fabri et al., 2011.). a) Le site Rainbow

Le site Rainbow (36°14'N), découvert en 1997 lors de la campagne Flores (Fouquet et

al., 1997), est situé sur le segment nord de la MAR. C’est la zone la plus profonde des zones

actives du point triple des Açores (2320m), (Fouquet et al., 1997). Le champ hydrothermal couvre une surface de 250 m sur 60 m, à l'intersection de la ride et d'une faille non-transformante (Fouquet et al., 1997). Des roches ultrabasiques y affleurent et seule une veine

de basalte située à un kilomètre à l’est du champ hydrothermal a pu être localisée (Fouquet,

1997). Ce contexte ultrabasique et les processus de séparation de phase conduisent à un

enrichissement des dépôts en cuivre et en zinc ainsi qu’à des fluides chauds (360° C) de forte

chlorinité (> 750 mmol/kg), de faible pH (< 3), très enrichis en gaz (par exemple, CH4 jusqu'à

2,2 mmol/kg (Donval et al., 1997) relativement pauvres en H2S (< 2.5mmol/kg) (Charlou,

1997). Ces fluides présentent les plus fortes concentrations en Fe2+ mesurées sur les sites

hydrothermaux de la MAR (24 mmol.l-1) (Charlou et al., 2002) qui en s’oxydant donne une

couleur rouge-orangée aux cheminées (Figure 17). .

47

Figure 17 : Carte bathymétrique du site Rainbow sur la MAR Campagne FLORES, 1997 (Charlou et al. 2002)

Figure 18 : Photographies prises sur le site hydrothermal Rainbow.

A gauche, les parois d’une cheminée colonisée par des crevettes Rimicaris exoculata. Au centre, des émissions de fluides sur une cheminée active. A droite, une émission de fluide hydrothermal noir devant un agrégat de Rimicaris exoculata

b) Le site de Logatchev

Le site Logatchev (14°45'N) est situé non loin de la zone de "Vema fracture" (11°N), à l'intérieur d'un petit plateau où la profondeur varie entre 2 900 et 3 060 m (Figure 19). Sa découverte fait suite à plusieurs expéditions russes entre 1991 et 1995 (Sudarikov et Roumiantsev, 2000). La structure du champ hydrothermal ainsi que les données géochimiques ont été décrites par Sudarikov et Roumiantsev (2000) (Figure 20).

© Ifremer © Ifremer

48

Figure 19 : Carte bathymétrique de la campagne SERPENTINE (2007) sur la MAR.

Les carrés rouges correspondent aux sites hydrothermaux, avec au centre, le site Logatchev et au sud, le site Ashadze. Source : H. Ondréas

Figure 20 : Photographie prise sur le site Logatchev lors de la campagne SERPENTINE.

A gauche, une structure colonisée par des crevettes R. exoculata. A droite, sont également présents des Bathymodioles.

c) Le site d'Ashadze

Le site hydrothermal d'Ashadze fut découvert en 2007. Ce champ hydrothermal se compose en réalité de trois sites hydrothermaux rapprochés, localisés à 13°N, 44°50'W (Fouquet et al., 2008). Avant sa découverte, de précédentes études avaient détecté des anomalies de turbidité et de manganèse dissous dans la colonne d'eau, signes de la présence potentielle d'émissions de fluides hydrothermaux (Sudarikov et Roumiantsev, 2000). La colonisation du site Ashadze 1 surprend de par la rareté des organismes eucaryotes symbiotiques. Deux espèces forment en revanche de denses populations (des anémones et des

© Ifremer

49

polychètes). Sur les parois des cheminées, deux espèces de crevettes se côtoient : Mirocaris

fortunata et Rimicaris exoculata dans une moindre proportion. En effet, seules quelques rares

crevettes R. exoculata sont présentes, contrairement à ce que l'on peut observer sur d'autres

sites de la MAR (Fouquet et al., 2008; Fabri et al., 2011) (Figure 21).

Figure 21: Photographies prises sur le site Ashadze lors de la campagne SERPENTINE (2007). A gauche un fumeur actif. A droite, on peut observer la présence d’anémones Maractis rimicarivora.

d) Le site de TAG (Trans Atlantic Geotraverse)

Le site de TAG (26°08'N) est situé à une profondeur de 3 620 m environ, à 2,4 km de la ride (Thompson et al., 1998) sur une croute basaltique très ancienne (100 000 ans environ) (Humphris et al., 1995 ; Rona et al., 1993). Sur le mont TAG les fluides ont été mesurés

jusqu’à 366°C (Edmond et al., 1995) dans des fumeurs noirs au pH acide. A des zones

d’activité de basse température correspondant à l’émission de fluide dilué, sont associés des

dépôts d’oxyde de manganèse (Rona et al., 1986) (Figure 22). La faune hydrothermale est

dominée par la crevette Rimicaris exoculata, mais la présence de vers polychètes et

d’anémones a aussi été reportée (Rona et al., 1986).

© Ifremer © Ifremer

50

Figure 22 : Photographies prises sur le site hydrothermal TAG (Campagne BICOSE 2014).

Les parois des cheminées sont colonisées par des crevettes Rimicaris exoculata. D’importantes émissions de fluides de couleur noire s’échappent de multiples conduits.

e) Le site de Snake Pit

Le site de Snake Pit (23°23’N) est un site actif jeune daté à moins de 4000 ans, situé à

une profondeur d’environ 3 480 m (Karson et Brown, 1988). Ce site est assez remarquable de

par sa diversité minéralogique et géochimique (Fe, Zn, Cu Cd, Pb, Sb, Sn, Mn…) (Fouquet et

al., 1993, 2010; Charlou et al., 2010). Deux types de cheminées peuvent être observés : les cheminées à conduit ouvert et les diffuseurs qui sont les plus nombreux (Figure 23). Les cheminées du site Snake Pit sont enrichies en pyrrhotite, isocubanite (Fouquet et al., 1993) traduisant des conditions beaucoup plus réductrices que celle de TAG où ces minéraux sont absents. Les fluides sont chauds (335-350°C) et acides (pH= 3,7-3,9). Les concentration en

CO2, H2S, et H2 sont équivalents à ceux mesurés sur TAG (Charlou et al., 2010) mais

inférieur d’un ordre de grandeur en CH4. Les faibles concentrations en hydrogène indiquent une intéraction hydrothermale profonde essentiellement localisée dans les basaltes.

© Ifremer © Ifremer

51

Figure 23 : Photographies prises sur le site hydrothermal Snake Pit (Campagne BICOSE 2014) Les parois des cheminées sont colonisées par des crevettes Rimicaris exoculata.

Chacun de ces sites présente des caractéristiques différentes concernant leurs compositions en fluide, résumées dans le Tableau 4.

Tableau 4 : Concentrations de certains minéraux et gaz mesurées dans les fluides hydrothermaux purs des sites de la MAR Rainbow, Logatchev, Ashadze, TAG et Snake Pit (Charlou et al., 2010).