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Site actif de la ι-carraghénase d’A. fortis

C. La ι -carraghénase

4. Site actif de la ι-carraghénase d’A. fortis

La structure de la ι-carraghénase d’A. fortis complexée avec un néo-ι-carrabiose et un néo-ι−carratétraose a été résolue. Le disaccharide DA2S-G4S s’est fixé dans le site actif dans les sous-sites -4 et -3 et le tétrasaccharide DA2S-G4S-DA2S-G4S dans les sous-sites +1, +2, +3 et +4, les sous-sites -2 et -1 restant vides (Michel et al., 2003) (Figure 23). La reconnaissance de la chaîne de ι-carraghénane est essentiellement dominée par des interactions électrostatiques entre les groupements sulfates des unités G4S et DA2S et les résidus basiques conservés Lysine et Arginines (K394, R125, R243, R303, R353, R321). La non-reconnaissance du κ-carraghénane par la ι-carraghénase pourrait ainsi s’expliquer par un nombre insuffisant de groupements sulfates autour du site de clivage.

Structure hybride

Glycoside Hydrolases (EC 3.2.1.x) Polysaccharide Lyases (EC 4.2.2.x)

Exemples de références Carraghénane κ-Carraghénase (EC 3.2.1.83)

ι-Carraghénase (EC 3.2.1.57) λ-Carraghénase

(Weigl et al., 1966a; Bellion et al., 1981; Bellion et al., 1982; Rochas et al., 1983; Greer et al., 1984e; Greer et al., 1984a; Greer et al., 1984b; Greer et al., 1984d; Knutsen et al., 1992a; Ekeberg

et al., 2001; Knutsen et al., 2001)

Agar α-Agarase (EC 3.2.1.158) β-Agarase (EC 3.2.1.81)

(Morrice et al., 1983; Usov et al., 1987; Lahaye et al., 1989; Potin et al., 1993; Rochas et al., 1994; Jam et al., 2005)

Alginate Alginate lyase

Mannuronate lyase (EC 4.2.2.3) Guluronate lyase (EC 4.2.2.11)

(Heyraud et al., 1996; Wong et al., 2000; Zhang et al., 2004)

Fucane Fucanase (Colin et al., 2006)

Ulvane Ulvane lyase (Lahaye et al., 1997; Lahaye, 1998)

Pectine Polygalacturonase (EC 3.2.1.15) Pectine methylesterase (EC 3.1.1.11) α-(1Æ5) arabinase (EC 3.2.1.99) β-(1Æ4) galactanase (EC 3.2.1.89) Rhamnogalacturonane hydrolase

(Bonnin et al., 2002; Voragen, 2003; Strom et al., 2004)

Tableau 15 : Utilisation des enzymes dans l’analyse structurale des polysaccharides.

Exemples d’enzymes (Glycoside Hydrolases ou Polysaccharide Lyases), coupant les liaisons glycosidiques, utilisées dans l’analyse des structures complexes des principaux polysaccharides constituant la phase matricielle des parois des algues et des plantes supérieures.

Présentation du travail

Les analyses chimiques et spectroscopiques des carraghénanes ont montré qu’il s’agissait de structures hybrides, c'est-à-dire que leurs chaînes sont composées de plusieurs motifs disaccharidiques. Ces structures hybrides se rencontrent aussi chez d’autres polysaccharides extraits d’algues (alginates, agars) et de plantes supérieures (pectines) (Tableau 15). Des techniques d’analyses chimiques et spectroscopiques, similaires à celles présentées pour les carraghénanes, sont utilisées couramment pour caractériser ces structures. Depuis les années 1980 environ, la caractérisation d’un nombre grandissant d’enzymes dégradant ces polysaccharides pariétaux, a conduit au développement de l’utilisation de ces enzymes comme outils d’analyse structurale.

Ces glycoside hydrolases (GH) ou polysaccharide lyases (PL) ont l’avantage de présenter une spécificité de substrat, contrairement à l’hydrolyse acide. Elles reconnaissent spécifiquement une séquence de monomères et hydrolysent toujours le même type de liaisons. Dans le cas des structures complexes, comme la pectine, l’utilisation conjointe de plusieurs enzymes, de spécificités différentes, est nécessaire à une hydrolyse totale du substrat (Tableau 15). Ces types d’hydrolyse sont reproductibles et conduisent à la formation de produits d’hydrolyse définis, des oligosaccharides, qui sont ensuite analysés par des méthodes d’analyse usuelles (HPLC, électrophorèse capillaire, SEC) et caractérisés par spectrométrie de masse et RMN. Ces oligosaccharides sont représentatifs de la structure du polymère, l’hydrolyse enzymatique ne provoquant aucune modification structurale, contrairement à l’hydrolyse acide (désulfatation, déméthylation, ouverture du pont 3,6-anhydro) (Stevenson et

al., 1991). L’identification des produits d’hydrolyse et leur proportion relative permettent

d’obtenir des informations sur l’organisation structurale des chaînes.

L’utilisation des carraghénases comme outils d’analyse structurale des carraghénanes a débuté dans les années 1980 par des études de Greer et de Bellion, qui ont ensuite été poursuivies par Knutsen (références Tableau 15). Ils ont principalement utilisé, séparément et/ou conjointement, les κ- et ι-carraghénases natives de P. carrageenovora sur différentes structures de carraghénane.

Les premières analyses ont démontré l’hétérogénéité des chaînes du κ-carraghénane de

carraghénase a conduit à une hydrolyse de 80% du substrat en oligo-κ-carraghénanes, alors que l’hydrolyse par la ι-carraghénase a conduit à une dépolymérisation de 10% du substrat en oligomères de taille importante mais sans production d’oligo-ι-carraghénanes. Ces résultats ont été interprétés comme représentatifs d’une structure hybride kappa majoritaire avec insertion de courts blocs iota. Des résultats semblables ont ensuite été obtenus sur le κ-carraghénane extrait de Hypnea musciformis (Greer et al., 1984e). Les mêmes hydrolyses ont été menées sur les ι-carraghénanes extraits d’E. spinosum et E. nudum, et les résultats ont inversement démontré une structure hybride iota majoritaire avec des insertions de blocs kappa (Bellion et al., 1981; Bellion et al., 1982; Greer et al., 1984b).

Greer a aussi démontré, par hydrolyse enzymatique, la nature hybride des chaînes de κ/β-carraghénanes extraits d’E. gelatinae et F. fastigiata (Greer et al., 1984a). Ces résultats ont été confirmés par Knutsen par l’analyse 1H-NMR des produits de l’hydrolyse par la κ-carraghénase des κ/β-carraghénanes d’E. gelatinae et F. lumbricalis. L’analyse 1H-NMR a en effet montré la présence d’oligo-κ/β-carraghénanes hybrides de poids moléculaires variables (Knutsen et al., 1987; Knutsen et al., 1992a). Aucun oligo-κ/β-carraghénane n’a par contre été purifié à l’homogénéité.

Cette utilisation des κ- et ι-carraghénases comme outils d’analyse structurale a ainsi permis d’apporter les premiers éléments de preuve de structures hétéropolymères de ces carraghénanes, notamment par la caractérisation d’oligo-carraghénanes de structure hybride parmi les produits d’hydrolyse. Des informations sur l’agencement (bloc, aléatoire) des différents motifs au sein d’une même chaîne ont aussi été obtenues.

L’objectif de la thèse s’inscrit dans la continuité de ces premières analyses. Afin de pouvoir mieux caractériser la structure des carraghénanes, il a tout d’abord été nécessaire de mieux caractériser les outils enzymatiques utilisés, les carraghénases. Depuis les dernières analyses de Bellion, Greer et Knutsen, les κ- et ι-carraghénases ont été surexprimées, leurs structures établies et leurs modes d’action et de reconnaissance caractérisés. Par contre, concernant la λ-carraghénase, peu d’études ont été effectuées depuis celle de Greer en 1984.

Le premier volet de ce projet de thèse a donc porté sur la caractérisation biochimique de la λ-carraghénase de P. carrageenovora. Cette enzyme a ensuite été utilisée comme outil pour l’analyse structurale de λ-carraghénanes, et notamment pour démontrer l’hétérogénéité des chaînes du λ-carraghénane extrait de G. skottsbergii. La caractérisation des produits

spécificités des oligo-carraghénanes.

Le second chapitre porte sur la structure de κ/ι-carraghénanes extraits de Gigartinaceae, couramment utilisés dans l’industrie pour leurs propriétés particulières dans certains produits laitiers. Ces κ/carraghénanes ont été hydrolysés par les κ- et ι-carraghénases et les produits d’hydrolyse obtenus ont été caractérisés. Les résultats obtenus ont permis d’apporter la preuve d’une structure d’hétéropolymère et de mieux comprendre l’organisation structurale de ces κ/ι-carraghénanes. L’attention a été particulièrement portée sur les différences d’organisation structurale des κ/ι-carraghénanes en fonction de l’espèce de l’algue dont ils ont été extraits.

La troisième partie aborde la question de la répartition des motifs précurseurs mu minoritaires au sein des chaînes de carraghénane de K. alvarezii. L’utilisation de la κ-carraghénase sur ce substrat et l’analyse de structure des κ/µ-carraghénanes parmi les produits d’hydrolyse ont permis d’apporter les informations structurales recherchées. Les motifs mu étant couramment transformés par un traitement alcalin industriel en motifs kappa, l’influence sur la structure du carraghénane des différents procédés utilisés sera aussi abordée dans ce chapitre.

Les perspectives de ces travaux seront énoncées dans le dernier chapitre où l’utilisation conjointe des trois enzymes sur des carraghénanes complexes sera abordée.

Chapitre I :

Analyse structurale du λ-carraghénane

Chapitre I : Analyse structurale du λ-carraghénane par

la λ-carraghénase

INTRODUCTION

Les études menées ces dernières années sur les κ- et ι-carraghénases ont permis d’obtenir des caractérisations relativement complètes de ces enzymes, mais l’activité λ-carraghénase est restée peu exploitée.

L’activité extracellulaire λ-carraghénase a été détectée, pour la première fois, chez P.

carrageenovora, en présence de carraghénane non fractionné (Weigl et al., 1966b). Afin de

minimiser la production associée de κ-carraghénase, la culture a ensuite été effectuée en présence de λ-carraghénane de C. crispus (Johnston et al., 1973). Après purification partielle de la λ-carraghénase, l’hypothèse d’un complexe enzymatique extracellulaire impliquant trois hydrolases a été avancée (Johnston et al., 1973). Cette hypothèse fut écartée par la purification à l’homogénéité de la λ-carraghénase comme protéine unique de 98 kDa (Greer, 1984; Potin, 1992).

Le séquençage récent de l’enzyme a révélé que la λ-carraghénase ferait partie d’une nouvelle famille de glycoside hydrolase. Elle ne s’apparente ni à la famille 16 de la κ-carraghénase, ni à la famille 82 de la ι-carraghénase (Colin, 2005). Le gène de la λ-carraghénase code une protéine de 942 acides aminés, avec un poids moléculaire de 105 kDa. La surexpression de la λ-carraghénase a abouti à une production de l’enzyme sous forme de corps d’inclusion. Après dénaturation à l’urée 8 M, le repliement de l’enzyme a été possible par dilution rapide mais avec un faible rendement (Colin, 2005).

Les premières mesures biochimiques réalisées avaient montré une activité optimale à pH 6,5 et à 30 °C (Greer, 1984). La λ-carraghénase hydrolyserait spécifiquement les fractions lambda (KCl solubles) de carraghénanes extraits de Gigartinaceae (Johnston et al., 1973) et plus particulièrement les structures π- (G2S-DP2S), ξ-(G2S-D2S) et λ-carraghénanes extraits de formes tétrasporophytes de G. canaliculata, G. pistillata et C. crispus (Greer, 1984). Greer avait donc avancé que la sulfatation en 2 sur l’unité G2S serait nécessaire à la reconnaissance. Les produits limites d’hydrolyse de la λ-carraghénase n’ont pas été caractérisés mais seraient des oligosaccharides de faibles poids moléculaires (Johnston et al., 1973; Greer, 1984).

Des études ont été menées sur les structures de carraghénanes de la famille lambda (λ, ξ, π, θ) présentes dans la paroi des formes tétrasporophytes de nombreuses espèces de Gigartinaceae (McCandless et al., 1983). Ces structures ont été caractérisées principalement par des techniques d’analyses chimiques et spectroscopiques (IR, RMN). L’analyse du λ-carraghénane par RMN est difficilement réalisable à cause de la forte viscosité des solutions. Un spectre 13C-RMN correctement résolu de λ-carraghénane a pu néanmoins être obtenu et assigné (Falshaw et al., 1994; Stortz et al., 1994; van de Velde et al., 2004). L’assignation du spectre 1H-RMN a, par contre, été limitée au proton du carbone anomérique α (Stortz et al., 1994; van de Velde et al., 2004).

Dans ce contexte, nous avons réalisé une étude de l’hydrolyse enzymatique, par la λ-carraghénase, de λ-carraghénanes extraits de Gigartinaceae. La stratégie proposée réside en l’analyse des produits d’hydrolyse, afin de déterminer la structure de ces λ-carraghénanes et de mieux connaître le mode d’action de la λ-carraghénase.

Afin de pouvoir utiliser cette λ-carraghénase comme outil pour l’analyse structurale du λ-carraghénane, il a été nécessaire, dans un premier temps, de compléter les connaissances sur cette enzyme. Les études présentées dans ce chapitre ont été menées sur la λ-carraghénase native de P. carrageenovora, la λ-carraghénase recombinante ne pouvant être, pour l’instant, obtenue en quantité suffisante. Les profils d’hydrolyse enzymatique de ces λ-carraghénanes ont été comparés, et le λ-carraghénane de G. skottsbergii, présentant la structure lambda la plus régulière, a été sélectionné comme substrat d’étude. La formation des oligo-carraghénanes au cours de l’hydrolyse enzymatique du λ-carraghénane de G. skottsbergii a été suivie par différentes méthodes d’analyse. Les oligo-λ-carraghénanes, produits majoritaires de l’hydrolyse enzymatique, ont été purifiés et caractérisés par RMN. Cette caractérisation a permis de corriger les attributions 13C-RMN du polymère λ-carraghénane et d’obtenir les attributions 1H-RMN. La caractérisation d’oligo-λ-carraghénanes hybrides minoritaires au sein des produits d’hydrolyse, a apporté des informations sur la nature et sur les arrangements de ces motifs minoritaires dans la structure lambda majoritaire. Ces études des produits d’hydrolyse ont permis, parallèlement, de déterminer le mode d’action de la λ-carraghénase, son site de coupure, la nature de ses produits limites et sa spécificité.

Figure 24 : Gel SDS-PAGE de la λ-carraghénase de P.carrageenovora purifiée.

Figure 25 : Spectre Jmod à 25 °C du λ-carraghénane extrait de G. skottsbergii.

Le polymère a été préalablement dépolymérisé par broyage. Les 12 signaux caractéristiques du λ-carraghénane sont présents. Les signaux négatifs correspondent aux carbones primaires C6 des G2S et D2S,6S. Le signal du G2S-C6 est particulièrement important comparativement aux autres signaux mais une augmentation du D1 a peu d’impact sur l’importance du signal.

RESULTATS