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Chapitre V. Discussion Générale

1. Acquis, limites et perspectives

1.1. SIMPIÑA, un outil qui intègre des connaissances agronomiques, écophysiologiques et

1.1.1. L’effet des pratiques et du climat sur l’élaboration du rendement Face à l’hétérogénéité des conditions climatiques et des pratiques culturales, la culture de l’ananas à la Réunion montre une forte variabilité en termes de rendement et de qualité gustative des fruits ainsi que dans l’utilisation des ressources naturelles du milieu. Différents travaux de modélisation avaient été entrepris auparavant afin de prédire les différents stades de développement en fonction de l’accumulation du temps thermique (Fleisch and Bartholomew, 1987), puis de simuler la croissance, le développement et le rendement du cultivar ‘Cayenne Lisse‘ au sein d’un modèle dynamique, le modèle ALOHA-Pineapple (Malezieux et al., 1994; Zhang, 1992; Zhang et al., 1997). Cependant, ces modèles ont été calibrés dans des zones à faible variabilité climatique, sans tester de scenarios faibles en intrants, et ils n’ont pas été construits dans une démarche de conception de systèmes de culture. Il nous a donc paru essentiel de construire un nouveau modèle adapté à la variété ‘Victoria’ dans les conditions de productions réunionnaises, qui offrent une large gamme de conditions climatiques, essentielles pour calibrer et évaluer le modèle. Un des atouts de ce travail a été de pouvoir confronter le modèle avec une base de données existante,

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comprenant de nombreux essais effectués en station expérimentale, au CIRAD de St Pierre à la Réunion, ainsi que des mesures effectuées chez les producteurs dans la majorité des lieux de production de l’ananas sur l’île. Ces expérimentations nous renseignent sur la croissance des plants et la qualité des fruits en fonction de (i) différentes doses de fertilisation azotée et d’irrigation, (ii) avec des densités de plantation et des poids de rejets plantés variés, (iii) sous une large gamme de conditions climatiques, impliquant (iv) des dates de plantation et d’induction florale différentes.

La première étape de ce travail de modélisation a été axée sur le développement d’un module biophysique de croissance de la plante et de développement du fruit, en lien avec les modules de bilans hydrique et azoté. La croissance en matière fraîche de la plante a été simulée en 3 étapes : (i) estimation de la production de matière sèche par les feuilles, (ii) répartition de la matière produite entre les différents organes en croissance en fonction des stades phénologiques considérés, (iii) augmentation du contenu hydrique de chacun des organes. Chaque organe a donc sa propre croissance au sein du module, avec des pourcentages d’allocation de la matière produite en fonction des stades phénologiques spécifiques à chacun. La croissance en matière sèche du fruit dépend, quant à elle, des relations source – puit. La demande du fruit a été modélisée comme le produit de la demande potentielle d’un œil (l’ananas étant un fruit syncarpique composé de sous entités, les yeux) par le nombre d’yeux du fruit. L’offre carbonée correspond à la production d’assimilats par la plante, dont la croissance est stoppée à l’induction florale. Le poids du plant à l’induction florale apparait donc comme une variable d’état clé du système, puisqu’il est d’une part corrélé au nombre d’yeux du fruit, composante essentielle du rendement, et d’autre part déterminant dans l’offre carbonée pour la croissance du fruit. Il était donc important de simuler la croissance végétative de la plante qui a des répercussions non négligeables sur celle du fruit. Ces croissances varient avec les contenus en eau et azote du sol (Combres, 1983; Malezieux, 1988; Py, 1960), simulés au sein des deux modules de bilans hydrique et azoté. Ces deux modules nous fournissent des coefficients de stress qui altèrent la croissance de la plante et du fruit à différents stades du cycle. Ils ont été paramétrés d’après des données issues d’expérimentations en station pendant la thèse. L’effet de différentes doses de fertilisation couplées à deux régimes hydriques différents ont été analysés en pesant tous les mois tous les organes en croissance de l’ananas. Ces mesures,

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absentes des expérimentations plus anciennes, ont permis de calibrer l’effet des processus de stress, élément indispensable pour décrire la croissance de l’ananas dans des situations climatiques et culturales contrastées. Les sorties du modèle comme le poids du plant, le poids du fruit et la durée du cycle sont correctement simulés par le modèle, quelques soit les conditions climatiques et les pratiques culturales testées.

Dans le but d’utiliser le modèle comme outil d’aide à la conception, il était important d’évaluer sa validité dans des conditions contrastées, mais aussi de vérifier que son niveau de complexité n’était pas redondant et bien approprié au niveau de prévision en fonction des objectifs poursuivis; tous les niveaux de détails ne sont pas forcément nécessaires (Adam et al., 2012; Colbach et al., 2010). De nombreux modèles mécanistes, très détaillés, sont souvent sur-paramétrés, ce qui augmente l’incertitude de prédiction des modèles surtout dans des gammes de variables d’entrées très contrastées. La complexité des modèles n’est pas synonyme de pertinence (Boote et al., 1996; Passioura, 1996; Sinclair and Seligman, 1996). A l’inverse, la simplicité, qui permet une plus grande transparence des formalismes, peut induire une prise en compte des interactions plus restreinte entre les éléments du système. Nous avons donc développé une approche originale, basée sur divers travaux de réduction de modèle (Affholder et al., 2003; Cox et al., 2006; Crout et al., 2014; Crout et al., 2009; Kimmins et al., 2008) afin d’évaluer la structure du modèle et de sélectionner le niveau de complexité le plus approprié en fonction de son utilisation. La suppression des processus de stress du modèle conduit à de larges erreurs de simulation du poids de fruit par rapport au modèle le plus complexe. Les processus inclus dans SIMPIÑA semblent donc nécessaire au bon fonctionnement du modèle pour simuler le rendement de la plante dans la gamme de conditions testées.

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1.1.2 L’élaboration de la qualité au cours de la croissance du fruit

L’élaboration de la qualité au cours de ce travail a été envisagée selon deux approches :

- une approche écophysiologique pour la simulation de l’élaboration du contenu en sucres,

- une approche statistique pour la simulation la teneur en acides à la récolte.

Le modèle sucre est basé sur le modèle SUGAR développé sur la pêche par Genard and Souty (1996), révisé par Grechi et al. (2008), et nécessite peu de paramètres d’entrées. Les variables d’état du système, poids sec et frais du fruit en croissance, sont simulées par le modèle SIMPIÑA et utilisées comme variables d’entrées du modèle sucre. Les effets du climat et des pratiques sont donc pris en compte via la croissance du fruit simulée. La teneur en sucres à la récolte est bien simulée par le modèle, on obtient un coefficient de détermination R2 = 0,55 entre les valeurs observées et simulées. Outre le fait de décrire l’accumulation des sucres au cours de la croissance du fruit, cette étude nous a permis d’analyser la variabilité de la teneur en sucres en fonction du statut hydrique de la plante et de la fertilisation reçue. Les teneurs en sucres les plus élevées ont été obtenues dans des régions sèches avec une fertilisation azotée considérée comme non limitante pour la plante. Plusieurs études ont déjà montré qu’un déficit hydrique augmente la teneur en sucres des fruits comme chez la pêche (Lopez et al., 2010), la prune (Intrigliolo and Castel, 2010), et la fraise (Herrington et al., 2009). Une concentration en sucres élevée pourrait s’expliquer par une faible dilution des composés associée à une accumulation active de solutés pour aider le fruit à lutter contre le stress hydrique (Garcia-Tejero et al., 2010; Yakushiji and Morinaga, 1998). Les fruits contenant le moins de sucres ont été cultivés avec une fertilisation assez faible ou nulle (0-150 kg N∙ha -1) et montrent, par conséquent, des poids plus faibles que les fruits cultivés avec des doses d’azote supérieures. Un déficit azoté peut créer des changements dans la plante, comme une perte foliaire suivie d’une rapide sénescence chez la vigne (Okwuowulu, 1995), moins de composés sont donc accumulés dans des fruits avec une croissance ralentie. De plus, lorsque la plante ne souffre pas d‘un manque d’eau, la concentration en solutés est alors diminuée par le processus de dilution qui opère durant la croissance du fruit (Omotoso and Akinridae, 2013).

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La méthode utilisée pour déterminer l’acidité du fruit à la récolte n’est pas basée sur la description de processus écophysiologiques comme dans le modèle sucre, les modèles écophysiologique permettant de simuler l’acidité sont généralement très complexes et nécessitent un grand nombre de paramètres (Lobit et al., 2002). De plus, la description du métabolisme crassulacéen de l’ananas impliquant une synthèse de l’acide malique spécifique, la paramétrisation du modèle aurait nécessité de nombreuses mesures. Nous avons donc choisi de déterminer l’effet des variables climatiques, ainsi que leurs périodes d’action sur l’acidité à la récolte à l’aide d’un modèle statistique. De la même manière, une étude récente sur la vigne été développé dans le but de déterminer les périodes durant lesquelles la formation de l’inflorescence est sensible aux stress hydriques et azotés, et d’en quantifier les effets (Guilpart et al., 2014). Il est important pour ce genre d’études de travailler avec un nombre de données importantes, pour vérifier le domaine de validité du modèle retenu et pour éviter sa sur-paramétrisation. L’effet du rayonnement global dans les dernières semaines de croissance de l’ananas, confirmé dans notre analyse, avait déjà été démontré dans plusieurs études (Combres, 1983; Malezieux, 1988; Malezieux and Lacoeuilhe, 1991). La méthode développée dans cette étude a permis de préciser l’effet des autres variables climatiques comme la pluviométrie et la température au cours de la croissance du fruit sur la prédiction de l’acidité du fruit à la récolte. L’effet significatif de ces variables en début de croissance du fruit souligne le fait que la période d’établissement des cellules qui constitueront le fruit joue un grand rôle dans l’accumulation des composés impliqués dans l’acidité de l’ananas.

Les 2 modules de qualité, liés au module plante, constituent un modèle capable de prédire l’effet des pratiques (date de plantation, date d’induction florale, irrigation, et fertilisation), dans une large gamme de conditions climatiques, sur la croissance et la teneur en sucres et en acides des fruits à la récolte. Cet outil permet donc de simuler les décisions techniques prises par les agriculteurs et de fournir des variables simples à évaluer afin d’optimiser les performances des systèmes simulées dans la plupart des zones de production de l’ananas à la Réunion.

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