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4 ANALYSE DES RÉSULTATS

4.1 Apprivoiser et connaître le groupe

4.1.3 Des signes de divergence

Les entretiens et le travail en atelier entourant la concrétisation de la vision du projet ont mis en lumière deux problématiques qui témoigneraient d’un certain désaccord au sein du groupe.

Évolution vers des pratiques agricoles agrobiologiques. En entrevue, un participant a mentionné que les pratiques culturales dans la zone inondable des îles étaient néfastes pour la reproduction des perchaudes et l’environnement en général. Une autre personne a mentionné qu’une réduction de superficie de culture sur l’île du Mitan pourrait signifier une diminution de rendement et de revenus pour la SCIRBI, fragilisant la pérennité de ses activités. L’organisme de conservation serait donc confronté à des choix difficiles. Invités à imaginer une rétrospective du projet en atelier, les participants ont projeté que la mise en place des nouvelles pratiques agricoles serait « rentable » (voir figure 34, rubrique 5). L’un des chiffres clés proposés par les participants a appuyé cette affirmation : ils ont prétendu qu’après quinze ans, 80% des terres cultivées seraient en culture biologique (voir figure 34, rubrique 4). Cela suppose que le ou les agriculteurs actifs sur les îles adhèreraient totalement à cette évolution des pratiques, portant littéralement le projet. Or, un acteur du milieu agricole, absent au moment de la rencontre et invité à commenter ce chiffre clé a posteriori, a exprimé son scepticisme : l’atteinte de ce résultat exigerait des investissements considérables en temps et en argent de la part du ou des agriculteurs qui œuvrent sur les îles. Sans le soutien financier du gouvernement, qui à son avis, n’appuierait pas la culture biologique, « ça peut se faire, mais ça prend quelqu’un qui [veut] vraiment. ». Le passage des pratiques agricoles traditionnelles vers des pratiques biologiques pourrait donc être ardu, voire impossible, sans la volonté des agriculteurs et un soutien financier. Par conséquent, l’évolution de l’agriculture traditionnelle vers des

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pratiques en régie biologique ou son abandon pour protéger les écosystèmes soulèverait des défis importants aux deux groupes de propriétaires.

Par ailleurs, la décroissance des animaux dans le pacage inquiète des acteurs. Un participant mentionne que le pâturage est vital pour les oiseaux champêtres, son abandon pourrait mener à sa conversion en un champ de grande culture. Deux personnes ont mentionné que la décroissance des animaux résulterait de l’exigence de vacciner le bétail par le Syndic de la Commune, une pratique qui découragerait les usagers alors que la Commune de l’île Dupas ne l’exigerait pas. En entretien, un acteur communiste a souhaité que « la Commune demeure telle quelle » et protéger le pacage. Il nous a confirmé qu’il y a moins d’animaux dans le pacage de la Commune en raison de l’exigence de vaccination : le Syndic craignait la contamination des bêtes qui y paissent par des animaux malades provenant d’ailleurs. Mais, il a admis que cette mesure décourageait les usagers « c’est sûr qu’il y a un coût à ça ». L’évolution des pratiques d’élevage de bovins laitiers pourrait aussi contribuer au désintérêt des usagers. Comment répondre aux préoccupations légitimes du Syndic quant à la santé du bétail et aux changements des pratiques tout en favorisant la poursuite du pacage traditionnel, une fonction essentielle à la présence d’une biodiversité spécifique ?

En somme, l’harmonisation des intérêts entre les deux groupes de propriétaire ainsi qu’à l’intérieur des groupes poserait un défi au développement du projet de paysage humanisé. Néanmoins, une personne a souligné la qualité de la collaboration entre les deux groupes propriétaires des îles qui témoigne de la « mentalité d’entraide des cultivateurs ». Les cultivateurs sont des « personnes-ressources estimées » et « le partage de leurs connaissances est important ». La longue collaboration qui remonte à trente ans pourrait être le principal atout du projet. Il importe de maintenir les échanges.

Figure 34 – Transcription des discussions portant sur la rétrospective du projet en atelier

Les participants ont complété les rubriques (numéros en jaune) du gabarit ci-haut à la première séance de travail en atelier. Les énoncés expriment leur vision du territoire et son évolution par tranche de cinq années jusqu’à quinze ans après la mise en place du statut de paysage humanisé.

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D’autres intérêts difficiles à cerner. La question des tours et du point de vue en hauteur sur les paysages nous a aussi semblé une source de désaccord. Bien que la construction des tours qui remonte à trente ans soit issue d’une initiative commune aux deux groupes, l’état de ces infrastructures inquièterait le groupe de propriétaires de l’île de la Commune, car les trois tours ont été aménagées sur leur propriété. En entrevue, un acteur a indiqué qu’« elles seraient dangereuses, la Commune en est responsable », la situation aurait un impact sur le coût des assurances. Cette personne a souhaité leur remplacement par une tour monumentale ailleurs sur le territoire comme un « symbole d’identification très fort ». Or, l’état des tours n’a pas été soulevé par les autres participants en entrevue. Le même acteur a proposé la construction d’une tour offrant un point de vue très élevé sur le territoire au premier atelier à l’exercice portant sur la concrétisation de la vision (figure 4- 1, rubrique 2). Mais les participants n’ont pas véritablement débattu du sujet au cours des ateliers-rencontres. Cette proposition recélerait-elle un autre intérêt ou une autre préoccupation ? Il est difficile de le comprendre si les autres acteurs évitent le sujet ou s’ils ne participent pas aux séances.

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