I Les conséquences au niveau des muqueuses buccales
I.1 Les mucites buccales
I.1.3 Signes cliniques et évaluation de la sévérité de la mucite 53
Signes cliniques
La mucite chimio-induite peut se développer dès le premier jour du traitement mais seuls les tissus situés en profondeur sont touchés, aucun signe clinique n’est alors visible. En général, les symptômes apparaissent 5 à 8 jours après le début du traitement. Deux semaines après la fin du traitement, les lésions buccales guérissent.
Les symptômes de la mucite radio-induite, eux, apparaissent plus tardivement, en général après 2 semaines (à partir de 25 à 30 Gy) et peuvent alors persister jusqu’à 8 semaines après la fin du traitement. La mucite radio-induite guérit lentement en 2 à 3 semaines à partir de la fin du traitement.
La mucite affecte plus particulièrement les muqueuses non kératinisées : face interne des joues et des lèvres, plancher buccal, voile du palais, face ventrale et bords de la langue. La mucite radio-induite, quant à elle, se développe uniquement dans les champs d’irradiation.
Les patients peuvent alors ressentir diverses manifestations buccales comme des picotements, des brûlures, une xérostomie (sècheresse buccale), une dysphagie (difficulté à manger et à avaler), une odynophagie (douleur à la déglutition), une dysgueusie/agueusie (altération ou perte du goût), des sensibilités ou douleurs plus ou moins sévères des muqueuses et des gencives.
L’aspect clinique de la mucite est peu spécifique et est fonction de son importance. Au départ, la muqueuse est érythémateuse puis elle s’atrophie, devient fine, fragile et luisante. Par endroits, des érosions ou des ulcérations se développent : celles-ci peuvent être minimes, superficielles, peu étendues et peu sensibles ou bien étendues, profondes et très douloureuses.
La toxicité muqueuse induite par les thérapies ciblées peut avoir des présentations cliniques très variables et même parfois spécifiques, en fonction des familles thérapeutiques. Il peut s’agir simplement d’un érythème diffus ou d’ulcérations symptomatiques plus ou moins bien limitées, ces dernières étant moins profondes, moins sévères et moins symptomatiques que lors de mucites radio ou chimio-induites. Les lésions cliniques des inhibiteurs mTOR correspondent quasi exclusivement à des ulcérations aphtoïdes arrondies de
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petites tailles et douloureuses. On parle alors de stomatite mIAS (mTOR Inhibitor-Associated
Stomatitis). Ces mucites sont présentes surtout en début de traitement et sont le plus souvent
transitoires.47
Evaluation de la sévérité de la mucite 51,52
Afin d’évaluer la sévérité de la mucite buccale, de nombreuses classifications, plus ou moins complexes, existent. Les plus utilisées en pratique clinique sont l’échelle OMS (Organisation Mondiale de la Santé) (utilisée dans 38% des cas) et l’échelle américaine NCI-CTC (National Cancer Institute - Common Terminology Criteria), validée aussi par le RTOG (RadioTherapy Oncology Group) (utilisée dans 43% des cas).
Échelle OMS
Simple et facile à utiliser, cette échelle définit la gravité de la mucite selon 5 grades de gravité croissante (de 0 à 4), en fonction de l’aspect de la muqueuse buccale, de l’intensité de la douleur, et de la capacité fonctionnelle à s’alimenter par voie orale.
Tableau 12: Classification des mucites selon l'OMS 49,52
Grade Type de lésions Intensité de la douleur
Grade 0 Pas de réaction muqueuse Pas de douleur
Grade 1 Erythème de la muqueuse Douleur minime (sensation désagréable)
Grade 2 Erythème, ulcères Douleur modérée
Alimentation solide possible
Grade 3 Ulcères Douleur sévère
Seulement alimentation liquide possible
Grade 4 Ulcères Douleur intolérable
Alimentation per os impossible, alimentation entérale ou parentérale obligatoire
Echelle NCI-CTC
Cette échelle classifie la gravité de la mucite selon l’aspect clinique de la muqueuse et la symptomatologie.
Tableau 13: Classification des mucites selon le NCI-CTC (et du RTOG) 51,52
Grade Aspect clinique de la muqueuse Symptomatologie
Grade 0 Pas de réaction muqueuse Aucun symptôme
Grade 1 Erythème de la muqueuse Symptômes minimes
Alimentation normale
Grade 2 Plaques pseudo-membraneuses non confluentes, ≤ à 1,5 cm
Symptomatique, mais peut manger et
avaler des aliments modifiés
Grade 3 Plaques pseudo-membraneuses confluentes > à 1,5 cm
Symptomatique et incapacité à
s’alimenter ou se désaltérer correctement par voie orale
Grade 4 Ulcérations profondes, nécroses, hémorragies
Symptômes associés à des conséquences mortelles
Grade 5 Décès en relation avec la toxicité
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Figure 17: Mucites buccales avec érythèmes et plaques pseudo-membraneuses non
confluentes de grade 2 (photo 1 du Dr PHULPIN ; photo 2 du Dr MAIRE)
Figure 18: Mucite buccale avec erythème et plaques pseudo-membraneuses confluentes de
grade 3 (photo du Dr MAIRE)
I.1.4 Facteurs de risque 50,51,53
Le risque de développer une mucite buccale est influencé par de nombreux facteurs liés au cancer, au traitement cytotoxique et au patient.
I.1.4.1 Facteurs liés au type de cancer et au traitement cytotoxique
Le risque d’apparition d’une mucite dépend du type de cancer et du traitement mis en place (chimiothérapie, radiothérapie, thérapie ciblée).
En général, les mucites sont plus importantes chez les patients atteints d’un cancer de la tête et du cou nécessitant une radiothérapie et chez ceux atteints d’hémopathies malignes dont le traitement conduit à une neutropénie.
Tous les agents cytotoxiques n’ont pas la même toxicité sur la muqueuse buccale.
En ce qui concerne le traitement par chimiothérapie, l’apparition d’une mucite est influencée par la nature de la molécule, la dose et le nombre de cycles administrés. Les antimétabolites et les agents alkylants sont plus particulièrement mucitogènes entrainant une plus grande incidence et une plus grande sévérité de la mucite.
Chez les patients traités par radiothérapie, le risque de développer une mucite est influencé par le type de radiothérapie, le volume irradié, la dose (par fraction et dose totale) ainsi que la durée (entre chaque fraction et durée totale du traitement).
Les divers agents ciblés provoquent une mucite en fonction de la réactivité croisée des récepteurs de la muqueuse en cause, ou en présence de leur cible connue dans la muqueuse 43.
L’association des thérapeutiques entre elles va augmenter le risque et l’intensité de la mucite. Par exemple : une radio-chimiothérapie concomitante potentialise la sévérité de la mucite. Ou encore, il est dit qu’une thérapie ciblée par Cetuximab augmente très probablement la toxicité de la radiothérapie sur la muqueuse 47.
La mucite devient également plus sévère à chaque cycle de chimiothérapie ou séance de radiothérapie du fait d’une cicatrisation partielle et d’une régénération incomplète de la muqueuse buccale entre chaque cycle.