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C’est en 1973, avec le lancement du satellite SKYLAB par la NASA, que commence l’aventure de l’altim´etrie satellitaire d´edi´ee `a l’observation globale des oc´eans. La d´ecennie suivante verra le lancement des satellites GEOS-3, Seasat et Geosat par les Etats-Unis. En 1991, l’Europe, par le biais de l’Agence Spatiale Europ´eenne (ESA), lance son premier satellite, ERS-1, qui couvre la globalit´e des oc´eans, incluant l’oc´ean Austral et une grande partie du continent Antarctique. Il sera succ´ed´e par les satellites ERS-2 et ENVISAT. Cette p´eriode verra ´egalement le lancement du satellite am´ericain GFO (1998) et de trois satellites issus de la collaboration entre la France (CNES) et les Etats-Unis (NASA) : TOPEX/POSE¨IDON (1992), JASON-1 (2001) et JASON-2 (2008).

1.4.1

Principe de la mesure altim´etrique

Un altim`etre est un radar `a vis´ee verticale qui ´emet une onde ´electromagn´etique et analyse l’´echo re¸cu apr`es r´eflexion sur la surface `a ´etudier (oc´ean, surface terrestre...). La distance R s´eparant la cible observ´ee de l’altim`etre est d´eduite du temps t mis par l’onde pour faire le trajet aller-retour et de la vitesse de propagation de l’onde dans le vide c (Fig. 1.8). Si le concept de mesure altim´etrique semble simple, son application s’av`ere beaucoup plus complexe.

Tout d’abord la mesure de distance entre le satellite et la surface observ´ee n’est pas directement exploitable. Pour acc´eder `a cette mesure il est n´ecessaire de r´ef´erencer la position en latitude et longitude du satellite et son altitude S. La mesure de l’orbite du satellite par rapport `a ce r´ef´erentiel peut ˆetre connue de mani`ere tr`es pr´ecise grˆace `a des syst`emes de positionnement comme le syst`eme fran¸cais DORIS (Doppler Orbitography and Radiopositioning Integrated by Satellite), ou encore les syst`emes GPS (Global Po- sitioning System) et SLR (Satellite Laser Ranging). Le syst`eme d’orbitographie DORIS, d’une pr´ecision centim´etrique, est install´e sur la plupart des satellites altim´etriques ac- tuels. Il s’appuie sur un r´eseau de 60 balises r´eparties sur la surface du globe et fonctionne par mesure de l’effet Doppler li´e au d´eplacement du satellite sur son orbite. Connaissant ainsi l’altitude S du satellite par rapport `a son r´ef´erentiel et la distance R du satellite par rapport `a la surface observ´ee, nous en d´eduisons la hauteur h = S− R.

Ensuite, la mesure de h doit ˆetre corrig´ee du retard subit lors de la propagation de l’onde dans les diff´erentes couches atmosph´eriques. La distance altim´etrique est alors ajust´ee en appliquant les diff´erentes corrections environnementales.

1. La correction de troposph`ere s`eche est la plus importante de ces corrections

(2, 26± 0, 05 m). Elle est caus´ee par les gaz secs contenus dans l’atmosph`ere qui modifient l’indice de r´efraction atmosph´erique et ralentissent ainsi la propagation de l’onde ´electromagn´etique.

2. La correction de troposph`ere humide est li´ee `a la pr´esence d’humidit´e dans l’atmosph`ere qui ralentit l’onde radar. Cet effet peut provoquer des erreurs allant jusqu’`a 40 cm dans les r´egions les plus humides. Il est corrig´e `a partir des mesures du radiom`etre micro-ondes embarqu´e `a bord du satellite.

3. La correction ionosph´erique traduit la perturbation de la propagation de l’onde

1.4. Le signal altim´etrique

Fig. 1.8 – Principe de fonctionnement de l’altim´etrie (source : www.cnes.fr). La surface topographique h ainsi calcul´ee est la r´esultante de la topographie dyna- mique et d’un relief, le g´eo¨ıde, qui correspond `a la surface qu’aurait la mer en l’absence de toute perturbation dynamique (vents, mar´ees, courants...). Pour extraire la topo- graphie dynamique il faut donc soustraire le g´eo¨ıde terrestre `a la hauteur h mesur´ee par l’altim`etre. Les mod`eles de g´eo¨ıde actuels ((Lemoine et al., 1998)) sont encore trop impr´ecis pour ˆetre utilis´es pour des applications oc´eanographiques aux ´echelles de l’ordre de la centaine de km. L’alternative consiste `a moyenner la hauteur h corrig´ee de la mar´ee et de la r´eponse haute fr´equence aux for¸cages m´et´eorologiques et d’ˆoter le niveau moyen obtenu `a la mesure de h. Cette hauteur de surface moyenne peut aussi ˆetre calcul´ee en combinant les mesures altim´etriques avec une m´ethode d’inversion de donn´ees hydrogra- phiques ((Ganachaud et al., 1997)), ou encore avec des donn´ees climatologiques et un mod`ele de g´eo¨ıde ((Rio et Hernandez, 2004)).

Apr`es r´eflexion sur la surface observ´ee, une partie seulement du signal ´emis est re- tourn´e vers l’antenne du satellite. L’´evolution de la puissance re¸cue par le radar en fonction du temps d’observation, encore appel´ee forme d’onde (Fig 1.9), d´epend alors for- tement de l’´etat de cette surface. Dans le cas de l’oc´ean, la surface n’est pas parfaitement plate mais plutˆot constitu´ee de multiples facettes qui rendent les formes d’ondes obtenues plus complexes ((Chelton et al., 1993)). Celles-ci sont alors moyenn´ees et sont ensuite ajust´ees par le mod`ele th´eorique de (Brown, 1977) pour pouvoir acc´eder aux grandeurs g´eophysiques (caract´eristiques du front de mont´ee, coefficient de r´etrodiffusion). De plus leur r´epartition n’est pas uniforme : le creux des vagues renvoie plus de puissance que les crˆetes ((Gaspard et al., 1994)) et l’altim`etre mesure alors une distance plus grande que la r´ealit´e. On applique donc une correction dite de biais d’´etat de mer qui est calcul´ee `a partir de la hauteur des vagues mesur´ee. Pour l’´etude des surfaces neigeuses, la mesure d’altitude doit ´egalement ˆetre corrig´ee des effets perturbateurs de la surface observ´ee (cf Section 1.4.3).

Puissance

temps

Puissance

temps

Fig. 1.9 – En haut : cas id´eal d’une forme d’onde dans un milieu non p´en´etrant (oc´ean). Le radar ´emet des impulsions micro-ondes. La surface ´eclair´ee (en rouge), un disque, s’´elargit et la puissance augmente : c’est le front de mont´ee. Le disque devient un anneau ; la puissance renvoy´ee par la surface est plus faible `a des angles d’incidence plus grands : il y a d´ecroissance de la puissance dans la forme d’onde. En bas : cas d’un milieu p´en´etrant (exemple : manteau neigeux). Les ´echos de subsurface (en vert) viennent s’ajouter aux ´

echos de surface, augmentant ainsi la puissance renvoy´ee. Figure issue de (Lacroix, 2007).

1.4. Le signal altim´etrique

Initialement l’altim´etrie radar ´etait d´edi´ee `a l’´etude des processus grande ´echelle et m´eso ´echelle dans l’oc´ean hauturier. Cependant, dans le milieu des ann´ees 1990, de multiples investigations ont montr´e qu’il ´etait ´egalement possible d’utiliser les donn´ees altim´etriques pour des applications en r´egion cˆoti`ere, sur les eaux continentales ou en- core sur les glaces continentales. Dans le chapitre 4 nous appliquerons le principe de l’altim´etrie aux r´egions cˆoti`eres et `a l’´etude de la plate-forme de glace d’Amery. Ces applications n´ecessitent des m´ethodes de traitement adapt´ees que nous d´ecrivons ici.

1.4.2

L’altim´etrie dans les r´egions cˆoti`eres : X-track

Les observations altim´etriques sont encore peu utilis´ees en zone cˆoti`ere car leur ex- ploitation y est limit´ee `a cause des caract´eristiques propres de l’oc´ean cˆotier d’une part et des performances des instruments embarqu´es sur les satellites d’autre part. Tout d’abord, lorsque l’altim`etre d´efile du continent peu r´efl´echissant vers l’oc´ean tr`es r´efl´echissant, la puissance de l’´echo oc´eanique est trop importante pour ˆetre enregistr´ee par la fenˆetre qui est calibr´ee pour une mesure de surface continentale. Dans ce cas on dit que l’al- tim`etre d´ecroche et ce ph´enom`ene s’accompagne d’une perte de donn´ees pr`es des cˆotes. La pr´esence de terres dans la tˆache au sol de l’altim`etre est une autre difficult´e dans l’ob- servation des r´egions cˆoti`eres. En effet, lorsque la surface illumin´ee comprend `a la fois des surfaces marines et continentales, la forme d’onde enregistr´ee devient suffisamment complexe pour ne pas pouvoir ˆetre analys´ee par les algorithmes de retracking tradition- nels. Par ailleurs, en zone cˆoti`ere, la correction de troposph`ere humide est d´egrad´ee car, comme pour l’altim`etre, la tache au sol du radiom`etre est perturb´ee par la pr´esence de terres. Cette correction est donc peu fiable pr`es de la cˆote. Enfin, en r´egion cˆoti`ere, les mod`eles utilis´es pour la correction haute fr´equence de la r´eponse de l’oc´ean aux for¸cages atmosph´eriques et `a la mar´ee ont une r´esolution insuffisante et ne permettent pas de corriger pr´ecis´ement de ces effets.

Pour calculer les anomalies d’´el´evation de surface de l’oc´ean en r´egion cˆoti`ere nous avons utilis´ee la chaˆıne de traitement de donn´ees altim´etriques X-track ((Roblou et al., 2006)) d´evelopp´ee conjointement par les ´equipes de Noveltis et du Centre Topographique des Oc´eans et de l’Hydrosph`ere (CTOH) et sp´ecialement d´edi´ee aux applications cˆoti`eres. Par ailleurs cette chaˆıne de traitement utilise une m´ethode originale d’interpolation des corrections qui permet de reconstruire les donn´ees consid´er´ees comme mauvaises et uti- lise ´egalement un masque pr´ecis permettant de discriminer la terre de l’oc´ean. Ces deux crit`eres permettent de garder les donn´ees qui sont g´en´eralement ´elimin´ees au travers de contrˆole inadapt´ees. Les mod`eles de mar´ee globale FES2002 et FES2004 ainsi que les ´

el´evations du mod`ele MOG2D/T-UGOm global en r´eponse au for¸cage m´et´eorologique ((Carr`ere et Lyard., 2003)) sont utilis´es pour corriger la r´eponse de l’oc´ean aux for¸cages haute fr´equence. Cette derni`ere correction permet de tenir compte des effets dynamiques li´es au vent et de la pression atmosph´erique contrairement `a la loi statique du barom`etre inverse. Par ailleurs, lorsqu’ils existent, les mod`eles r´egionaux sont uti- lis´es en r´eponse `a ces for¸cages. La chaˆıne de traitement utilise alors ces corrections qui sont de meilleure qualit´e dans les zones cˆoti`eres et de plateau. Enfin la chaˆıne calcule un g´eo¨ıde local (MSS) consistant avec le jeu de donn´ees altim´etriques ainsi construit. L’emploi conjoint de ces traitements permet d’obtenir une quantit´e et une qualit´e accrue des donn´ees altim´etriques dans les r´egions cˆoti`eres.

1.4.3

L’altim´etrie sur les plates-formes de glace

L’altim´etrie appliqu´ee `a l’´etude des calottes polaires a elle aussi ses sp´ecificit´es. Contrairement aux oc´eans, le manteau neigeux recouvrant les r´egions polaires est un milieu p´en´etrant. Ainsi la bi-fr´equence de l’altim`etre ne peut plus ˆetre utilis´ee pour es- timer le contenu en ´electrons libres de l’ionosph`ere. Cette correction est alors issue de mod`eles, mais ceux-ci manquent encore de pr´ecision. La mesure radiom´etrique du satellite ne peut pas non plus ˆetre utilis´ee sur de telles surfaces : elles est elle aussi remplac´ee par des sorties de mod`ele, moins pr´ecises. De plus, tout comme pour l’´etude des oc´eans, les donn´ees altim´etriques doivent ˆetre corrig´ees de la topographie locale. Cela est d’autant plus n´ecessaire que les variations de topographie across track `a grandes et petites ´echelles spatiales peuvent ˆetre tr`es importantes sur les calottes polaires. La chaˆıne de traitement utilis´ee ((Legr´esy et al., 2006)) calcule les fonctions g´eographiques de la hauteur h mesur´ee pour s’affranchir de cet effet. Elle calcule ´egalement les fonctions g´eographiques des param`etres de forme d’onde (le coefficient de r´etrodiffusion Bs, la largeur du front de mont´ee LeW et la pente du flan TeS) pour tenir compte des effets locaux de p´en´etration de la mesure altim´etrique dans le manteau neigeux (Fig. 1.10). Enfin la chaˆıne utilis´ee s’appuie sur une m´ethode d’analyse des donn´ees le long de la trace, et non au point de croisement comme cela est g´en´eralement fait. En effet, (Legr´esy et al., 1999) ont montr´e que l’orientation des sastruggis2 par rapport `a la trace du satellite influe sur les hauteurs mesur´ees par les traces ascendantes et descendantes. Le traitement le long de la trace permet donc contourner cette complication.

Fig.1.10 – Forme d’onde et param`etre de retracking. La forme d’onde issue de l’altim`etre (courbe bleue) est retrait´ee (courbe noire) afin de calculer les diff´erents param`etres de la forme d’onde. Figure issue de (Lacroix, 2007).

2Les sastruggis sont des oscillations irr´eguli`eres form´ees `a la surface de la neige par l’´erosion ´eoliennes

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