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Apollinaire, Cendrars et Maïakovski entament leur carrière d’écrivain dans un contexte troublé en se confrontant au monde et à la remise en question de valeurs établies. En effet, le XX ͤ siècle a vu de nombreux changements économiques, sociaux et technologiques. Le monde, à l’aube du siècle, s’apprête à connaitre des bouleversements de grande ampleur touchant tous les domaines. Les innovations technologiques transforment l’industrie mais aussi le quotidien de telle sorte que le progrès induit une idée de mouvement que rien ne peut arrêter et qui remet en question la stabilité. À cela s’ajoute une situation géopolitique qui se traduit par des troubles et des désordres, représentés par des crises graves qui mettent en péril l’équilibre mondial jusqu’au déclenchement du conflit. L’hécatombe provoquée par la Grande Guerre et la durée de cette dernière marqueront durablement la société. Il est alors intéressant de s’interroger sur le rôle des artistes face à l’histoire et au progrès dans leur quête d’innovation.

1. 1. Incertitudes de l’histoire : troubles et désordres.

La Grande Guerre représente un événement exceptionnel dans l’histoire. L’ampleur du conflit qui a touché une majorité de pays, puis l’évolution technologique qui s’est alors développée en font un conflit hors normes.

1. 1. 1. Une période de tensions.

Le début du XX ͤ siècle catalyse des tensions qui vont aboutir à la Grande Guerre. Les rivalités entre pays, la naissance des nationalismes et les mouvements sociaux vont contribuer à la rupture de l’équilibre.

1. 1. 1. 1. Les crises politiques.

La fin du XIX ͤ siècle connaît des bouleversements économiques, industriels et politiques qui révèlent des interrogations pour l’avenir.

La chute du Second Empire en France intervient le 4 septembre 1870 permettant la proclamation de la République, alors qu’une restauration de la monarchie pourrait voir le jour. En effet, comme le montre l’ouvrage L’histoire de l’Europe par 14 historiens, « Les défaites françaises (Sedan, 1erseptembre 1870) conduisent à la chute du Second Empire français et au dernier acte des unifications allemande et italienne65 ». De plus Serge Bernstein et Pierre Milza précisent que « cette République n’apparaît longtemps que comme un régime provisoire, dans la mesure où les élections de février 1871 à l’Assemblée nationale ont donné une majorité monarchiste décidée à promouvoir la restauration royale66». Ils ajoutent que « la III ͤ République hérite donc d’une constitution semi-monarchique67

». La république se maintient pourtant et cela malgré des crises sérieuses. L’échec du conflit contre la Prusse qui entraîne la défaite du Second Empire laisse des traces et l’échec de la Commune s’accompagne, dans les années 1880, de difficultés économiques provoquant une certaine instabilité politique. À cela s’ajoute la crise boulangiste, durant laquelle le général Boulanger a menacé l’équilibre de la République qui apparaît comme une quasi-exception en Europe.

Un autre événement vient bouleverser cet équilibre : le scandale de Panama. La Compagnie du canal, en proie à des difficultés financières, a « acheté » des journalistes, des ministres et des députés pour faire voter la loi qui lancerait une souscription. Ce scandale 65L’histoire de l’Europe par 14 historiens, Paris, Hachette éducation, 1997, p. 295.

66Serge Bernstein, Pierre Milza, Histoire de la France au xx ͤ I. 1900-1930, Paris, Perrin, coll. « Tempus », 2009, p. 11.

discrédite, aux yeux de l’opinion, les parlementaires. Cendrars fait de cette crise le point de départ d’un de ses poèmes Le Panama ou les aventures de mes sept oncles :

Mais je crois bien

Que le crach du Panama est d’une importance plus universelle Car il a bouleversé mon enfance. […]

C’est le crach du Panama qui fit de moi un poète ! (Pa41,43)

Par un choix d’hyperboles, Cendrars pose cet événement comme fondateur, établissant une adéquation entre l’événement historique et la création littéraire.

La vie politique est également agitée en raison des anarchistes qui lanceront une bombe dans la Chambre des députés en 1893 tandis qu’un autre attentat provoquera la mort du président de la République Sadi Carnot en 1894.

À la fin des années 1890, la crise est plus grave. En effet, l’affaire Dreyfus éclate et sème une division dans le pays en faveur ou en défaveur du capitaine accusé d’espionnage dans un contexte antisémite, comme en témoignent Serge Bernstein et Pierre Milza :

C’est en 1898 que la condamnation pour espionnage du capitaine Alfred Dreyfus en 1894 apparaît comme une erreur judiciaire et débouche sur une grave crise politique, opposant violemment les Français et coupant en deux la famille républicaine. D’un côté, les partisans de la révision du procès qui se recrutent surtout à gauche, parmi les socialistes et les radicaux et se rassemblent autour de la Ligue des Droits de l’Homme, fondée pour la circonstance, défendent les droits de l’individu au nom de la vérité de la justice contre les tenants de la raison d’État. De l’autre, les adversaires traditionnels de la République, monarchistes et catholiques font bloc avec les républicains de droite et les nationalistes pour refuser toute révision du procès et accusé le « syndicat juif » de se saisir de l’occasion à fin d’insulter l’armée en remettant en cause un procès jugé par elle68.

Le pays voit alors l’émergence d’une opinion publique représentée par les intellectuels, des artistes sont ancrés dans leur histoire sociale et politique. Gérard Peylet en analyse ainsi la portée:

De nombreux artistes vont sortir de leur tour d’ivoire, en se sentant responsables de la morale de leur temps. À l’heure où la littérature s’anémie en se coupant de la réalité de la vie, le surgissement de l’affaire Dreyfus provoque un brusque et salutaire surgissement de la réalité qui oblige les artistes à sortir d’un art trop intemporel69.

Si les artistes ont senti l’obligation de s’intéresser à la politique et à la société, c’est que le rapport au monde change et explique la perméabilité à ce monde des poètes nés à cette période comme Apollinaire, Cendrars et Maïakovski qui vont commencer à écrire au début du XX ͤ siècle et dès la fin du XIX ͤ siècle pour Apollinaire.

La république sort cependant raffermie de ces épisodes chaotiques et se stabilise. Serge Bernstein et Pierre Milza précisent : « La République apparaît ainsi porteuse des valeurs de progrès alors que ses adversaires sont tenus pour des partisans des époques 68Ibid., p. 19.

69

Gérard Peylet, La littérature fin de siècle de 1884 à 1898 entre décadentisme et modernité, Paris, Vuibert, coll. « Thématèque », 1994, p. 67.

révolues, des “ réactionnaires ” qui entendent remettre en cause les acquis de la République70», ils ajoutent :

En fait le jeu des forces politiques au début du XX ͤ siècle s’opère autour de trois grands débats successifs qui mobilisent les Français du début du siècle à 1914 et éclaire la position des partis : le conflit avec l’église, la lutte contre la tentative révolutionnaire, la perspective de la guerre71.

De plus le début du XX ͤ siècle est marqué par une période nommée la « Belle Époque » représentant la réussite du modèle républicain qui s’appuie sur un empire colonial fort et profite de rayonnement culturel exceptionnel72. Paris attire des artistes étrangers. En effet, Serge Bernstein et Pierre Milza précisent:

Les grands courants littéraires et artistiques du début du siècle traduisent à la fois les affrontements idéologiques qui opposent les diverses fractions de la classe dirigeante, et les retombées dans le champ culturel des grandes mutations scientifiques et techniques qui ont accompagné (ou produit) la seconde révolution industrielle73.

Il faut ajouter qu’à l’échelle européenne les pays aspirent à devenir des États-nations en réalisant leur unité. Le nationalisme ainsi naissant participe des tensions politiques à la fin duXIX ͤ siècle et au début du XX ͤ siècle. En Allemagne, l’empire du Reich s’établit en usant de la force et en prônant un concept d’unité. Cela se traduit par des annexions de terres alsacienne, lorraine et polonaise. Au début du XX ͤ siècle les États-nations trouvent, dans l’éducation, leur histoire, leur langue, un principe d’affirmation. Les nationalismes allemands et russes vont jusqu’à vouloir grandir et se développer créant ainsi des tensions internationales.

En Europe, sur un plan politique, au début du XX ͤ siècle, la monarchie est un régime majoritaire, les démocraties restant minoritaires. Cependant les libertés progressent, des changements sociétaux s’amorcent laissant entrevoir une redéfinition des rapports de force internationaux. De plus sur un plan national, même si les inégalités sociales règnent toujours, les mentalités évoluent.

Du côté de la Russie, un empire russe arriéré aux structures sociales séculaires commence à vaciller et entame un processus de transformation radicale. Les règnes d’Alexandre III et Nicolas II jusqu’en 1905 se sont érigés contre toute forme de progrès. Nicholas V. Riazanovsky affirme :

70 Serge Bernstein, Pierre Milza, Histoire de la France au xx ͤ I. 1900-1930, op. cit., p. 25. 71Ibid., p. 38.

72Cependant Serge Bernstein et Pierre Milza nuancent cette appellation :

La Belle Époque ? Il est de tradition aujourd’hui de placer entre guillemets cette expression forgée après le premier conflit mondial, dans une France fière de sa victoire certes, et pleine encore d’illusions quant aux chances de retrouver son rang dans la hiérarchie des puissances, mais consciente déjà des irréversibles changements que la guerre a fait accomplir à la société hexagonale. Que cette référence à un « âge d’or », qui se situerait à la charnière duXIXeet duXX ͤ siècle, appartiennent largement au domaine du mythe, cela ne fait guère de doute, mais en est-il jamais autrement au lendemain d’un grand événement perturbateur de l’ordre établi? 73Ibid., p. 144.

Réactionnaires bornés et convaincus, ils repoussaient toute nouvelle réforme, et faisait en outre de leur mieux pour limiter les effets de celles qui avaient été déjà adoptées. C’est dans cet esprit qu’ils mirent en œuvre ce que l’historiographie russe a appelé des « contre-réformes ». L’idée que se faisait le gouvernement de la situation et des besoins de la Russie s’éloignait de plus en plus de la réalité74.

Nicolas II se montre incapable de gouverner, étant sous l’emprise de personnalités comme Raspoutine. Nicolas Werth explique : « Mais au lieu de jeter un pont entre le pouvoir et les éléments les plus avancés de la société civile, Nicolas II s’accroche à l’utopie monarcho-populiste du “ petit-père-tsar-commandant l’armée de son bon peuple paysan ”75». Les tensions s’accumulent au niveau politique et social. 1905 marque une date importante dans l’évolution politique, comme le précise Nicholas V. Riazanovsky:

La révolution de 1905 fut rendue possible par les transformations de la société, qui affectaient l’empire des tsars, et coïncidaient avec une opposition croissante au régime […] La croissance du prolétariat et l’apparition d’un mouvement ouvrier annonçaient, de leur côté, une radicalisation de l’opposition russe […] L’opposition commençait à s’organiser76.

Des grèves, des manifestations et des révoltes se font jour. Le 22 janvier restera marqué par l’appellation du « dimanche rouge », Nicholas V. Riazanovsky explique :

Le 22 janvier 1905 a reçu le nom, dans l’histoire russe, de « dimanche sanglant » (ou « dimanche rouge »). Ce jour-là, la police de la capitale ouvrit le feu sur une immense manifestation ouvrière, dirigée par un aventurier, le prêtre Georges Gapone ; selon les données officielles, cent trente personnes furent tuées et plusieurs centaines blessées. […] Le massacre provoqua un grand sursaut d’indignation dans tout le pays et stimula encore le mouvement révolutionnaire77.

La Russie impériale voit son existence s’achever par la fin des Romanov. Le 23 février 1917, une manifestation de femmes contre la guerre et contre les privations de pain entraîne l’insurrection de Petrograd. Le 27 février, les ouvriers et les soldats maîtrisent la ville. La révolution de février 1917 est suivie de l’abdication du tsar. Un gouvernement provisoire dirigé par Kerenski avec les députés de la Douma propose un modèle de démocratie parlementaire et veut continuer la guerre. Le soviet de Petrograd revendique la paix et des mesures sociales. Lénine, de retour d’exil, accentue l’opposition et prépare le coup d’état des 24 et 25 octobre 1917 qui va chasser Kerenski : c’est la « Révolution d’Octobre ». L’histoire

de l’Europe par 14 historiens démontre :

Pendant ses années d’exil en Europe de l’Ouest, il [Lénine] a prolongé la réflexion de Karl Marx et de Friedrich Engels. Il est convaincu que la révolution prolétarienne n’est possible qu’avec l’encadrement d’un parti organisé et discipliné. Appliquant ce principe, Lénine et ses compagnons visent à établir une dictature bolchevique après le soulèvement de Petrograd78.

74

Nicholas V. Riazanovsky, Histoire de la Russie des origines à 1984, trad. par André Berelowitch, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1987, p. 423.

75Nicolas Werth, 1917 La Russie en révolution, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes », 1999, p. 19. 76Nicholas V. Riazanovsky, Histoire de la Russie des origines à 1984, op. cit., p. 437, 438.

77

Ibid., p. 440.

Nicholas V. Riazanovsky affirme ainsi :

Les bolcheviks ont fini par obtenir la majorité au Soviet de Petrograd le 13 septembre, au Soviet de Moscou une semaine plus tard, même si le comité exécutif, élu par le premier congrès panrusse des Soviets, restait, bien entendu, dominé par les socialistes modérés. Dans tout le pays, les bolcheviks avaient le vent en poupe. De sa cachette en Finlande, Lénine les exhortait à prendre le pouvoir. Le 23 octobre, il se rendit incognito à Petrograd, réussit à convaincre le comité exécutif du parti, malgré quelques divergences, de la justesse de ses vues […] La révolution triompha presque sans coup férir. Le 7 novembre (25 octobre, ancien style, d’où la « grande révolution d’Octobre »), les détachements occupèrent différents points stratégiques de la capitale79.

Les bolcheviks s’instaurent comme les seuls maîtres du pouvoir, interdisent les partis politiques, les journaux d’opposition et confisquent les terres. Il s’en suivra des années de lutte pour renforcer leur position. Le nouveau gouvernement se voit fragilisé par des attaques venant de l’intérieur, les Blancs, les autres puissances européennes et des minorités nationales. En 1918, la Russie bascule dans la guerre civile, jusqu’en 1922. Les bolcheviks sont vainqueurs. Lénine prône la révolution mondiale grâce à la troisième internationale, le Komintern en 1919. Il institue la NEP pour relancer l’économie. Nicolas Werth précise :

Avec leur cortège de violence, de guerres civiles, de guerres paysannes, de terreur et de famine, les années 1918-1922 sont bien, dans l’ex-Empire russe, la « continuation naturelle » d’un grand cycle de crises, ouvert en 1914, et dont les révolutions de 1917, porteuses d’utopies, d’ambiguïtés et de malentendus, n’ont été qu’un des principaux jalons80.

Maïakovski a bien sûr témoigné de la révolution en prenant une part active dans le mouvement qui allait bouleverser la Russie. Cet événement politique majeur a déclenché chez lui un enthousiasme exalté. Dans 150 000 000, il incarne l’élan révolutionnaire dans l’image des hommes et des animaux qui se mettent en mouvement et représente l’esprit de la révolution par l’allégorie d’Ivan :

« Les radiogrammes sont interrompus.

Ce n’est pas le roulement des tempêtes. (PO2-150M345) […] Quant à ceux-là

ils sont entrés,

se sont engouffrés à l’intérieur d’Ivan et se sont installés là

comme des matelots dans leur cabine. (PO2-150M351)

Ivan symbolise le peuple soviétique qui va affronter le capitalisme représenté par Wilson. Maïakovski emploie la métaphore du cheval de Troie. Tout un peuple se trouve dans le cheval. En reprenant le mythe de Troie, Maïakovski esthétise le conflit. Tout comme il qualifie la révolution ainsi :

Elle est pour toi

l’Iliade sanglante des révolutions,

79

Nicholas V. Riazanovsky, Histoire de la Russie des origines à 1984, op. cit., p. 498, 499. 80Nicolas Werth, 1917 La Russie en révolution, op. cit., p. 126.

pour toi l’Odyssée des années de famine. (PO2-150M393)

Maïakovski appuie son idéal révolutionnaire sur la situation terrible que connut la Russie. L’évocation des conditions de vie pendant cette période rappelle une situation d’enfermement et de privations, alors que les nations occidentales bénéficient de richesses. Mais la figure d’Ivan suscite l’espoir, car il transfigure la Russie ainsi :

Et voilà

que la Russie

n’est plus un mendiant loqueteux,

n’est plus un tas de décombres,

de cendres d’édifices (PO2-150M317)

Cette personnification, par son pathétique, résume la souffrance accumulée. La privation revient de manière obsédante et montre l’extrémité où la faim l’avait poussé, comme le montre l’épisode du cheval que le poète avait dû manger81. Maïakovski établit ainsi un lien entre la grande histoire et l’histoire personnelle de chacun pendant une période terrible.

Cendrars était en Russie en 1905, il fut témoin des événements comme le montre le vers de la Prose du Transsibérien :

Je pressentais la venue du grand Christ rouge de la révolution russe (PR20)

Cette métaphore du Christ a déjà été employée par des poètes russes (comme Andréi Biely et Alexandre Blok) dans leur interprétation de la révolution russe. Il est alors intéressant de remarquer que le voyage et le conflit russo-japonais sont annonciateurs d’autres événements qui vont bouleverser l’ordre établi, comme le pressent Cendrars.

À la veille du conflit de 1914, les pays européens connaissent donc des changements, une évolution sociétale et politique qui induit des incertitudes, des troubles,nainsi qu’une forme d’instabilité que la situation géopolitique va confirmer.

1. 1. 1. 2. L’agitation populaire.

L’évolution politique que connaissent les pays d’Europe au XIX ͤ siècle s’accompagne de mouvements populaires, grèves, révoltes qui révèlent des changements de mentalité et qui remettent en cause des valeurs figées voire des structures sclérosées comme le montre

L’histoire de l’Europe par 14 historiens en évoquant les difficultés économiques en Europe :

« Le mécontentement général se traduit de plusieurs façons : émeutes engendrées par la famine, destruction des machines par des ouvriers craignant le chômage, conflit

étudiants-81

Or on se rappelle l’empathie du poète pour un cheval tombé à terre. À la faim s’est ajouté le froid vécu dans l’exiguïté d’un logement.

autorités, pétitions et meetings pour une mutation politique organisée par la bourgeoisie libérale82».

La fin du XIX ͤ siècle et le début du XX ͤ siècle sont marqués par des épisodes de révoltes violentes. Le début de la République connaît ainsi l’épisode de la Commune. La Ville de Paris assiégée par les Prussiens est contrainte à la capitulation. La population se sentant trahie se soulève au printemps 1871. Le conseil général de la Commune de Paris, élu après le soulèvement, gouverne Paris proposant des réformes sociales. Mais le gouvernement réfugié à Versailles réprime les insurrections populaires de manière ferme et sanglante.

De plus la fin du XIX ͤ siècle voit, par l’avènement de la révolution industrielle, l’instauration d’une classe sociale, les ouvriers, dont les conditions de vie sont misérables. Ils forment le prolétariat travaillant dans les usines. Serge Bernstein et Pierre Milza le définissent ainsi :

Ces classes populaires urbaines forment une masse composite de 10 à 12 millions de personnes tout aussi hétérogène que le monde rural. Le noyau dur en est constitué par les salariés, autre nébuleuse dépourvue d’homogénéité sociale au sein de laquelle se dessinent plus nettement les contours d’une « classe ouvrière » dont les effectifs sont en pleine croissance au début du siècle83.

Ses ouvriers commencent à prendre conscience qu’ils forment une classe, aspirant à des améliorations de leurs conditions de vie et de travail. Les années 1880 voient donc l’apparition de fédérations syndicales. Serge Bernstein et Pierre Milza expliquent l’évolution du mouvement ainsi : « Ce mouvement ouvrier n’est pas né avec la III ͤ République. À la fin duXIX ͤ siècle, il a derrière lui une longue histoire, ponctuée d’épisodes sanglants dont les plus dramatiques ont eu pour théâtre la capitale, en juin 1848 et en mai 187184». La grève représente, alors qu’elle était illégale jusqu’en 1864 en France, un des moyens d’action85. Le chômage et la précarité sont les préoccupations des ouvriers comme en témoignent Serge

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