74
Ibn Hawqal op cit. p. 42
75
A sa lecture, nous avons des surprises, pour lui l’Ifriqiya est équivalente à el-Andalus, le reste du Maghreb y
compris le Maroc, ne comptant presque pas, mais ces deux pays sont équivalents, pour chacun, à peu près au
dixième seulement, de ce que représenté l’Egypte, qui elle-même est dépassée de peu semble-t-il par la
Mésopotamie.
76
Ibn Khaldoun constatait, lui aussi, ce déclin drastique de la présence maritime arabe en Méditerranée
occidentale « alors qu’autrefois les chrétiens ne pouvaient même pas faire flotter une planche dans cette mer ».
L’effondrement, car c’en est un, est à dater de la moitie du XI
esiècle, cette date limite est très visible dans les
lettres de la Géniza.
77
S.D. Goitein, Letters of Medieval Jewish Traders; translated from the Arabic with intoduction and notes,
B- Edrisi, élève d’ibn Hawqal.
Les géographes arabes sont très nombreux, l’Encyclopédie de l’Islam en référencie plus d’une
cinquantaine, parmi ceux-ci, deux catégories principales. En premier lieu, les géographes
mathématiques qui sont plutôt des cosmographes, c'est-à-dire qui se préoccupent de la place
de la terre dans l’univers et plus précisément de la place du lieu de l’observateur sur la terre
en se referant à la position particulière de la terre dans l’univers. En ce sens ce sont les
précurseurs de la navigation astronomique et il en sera question lorsque ce sujet sera abordé.
En second lieu, les autres géographes qui sont classés dans la catégorie des géographes
littéraires ou des tenants de la géographie descriptive ce qui parait une meilleure définition.
En effet, certains auteurs arabes abordent la géographie comme un genre littéraire et
cherchent à captiver leurs lecteurs par la description des curiosités géographiques ou
ethniques ou de toute autre nature. D’autres, dans ce même genre littéraire, ont des buts
profondément utilitaires et cherchent à éditer des guides de voyage. Parmi ceux-ci, certains
travaillent pour l’administration abbasside et sont soit ministres des postes ou haut
fonctionnaire, c’est le cas de ibn Khurradadhbeh et de Qudama. Ils centrent leur géographie
sur Bagdad, capitale de l’Empire et lieu de départ de tous les courriers impériaux pour les
provinces. D’autres, font part de leur expérience à de futurs voyageurs et, s’il est un voyage
que tout musulman aisé veut faire, c’est bien le pèlerinage qui est leur centre d’intérêt. Leur
géographie est centrée sur la Mecque. Enfin, il y a Edrisi qui, à notre sens, a une place à part
qui s’explique par son histoire personnelle.
portrayed in the documents of the Cairo Geniza, vol. 1 Economic foundations, Berkeley, Los Angeles, London,
1967.
Cet écroulement s’explique par plusieurs facteurs. Il faut tout d’abord éliminer l’absence de bois de construction
navale, on ignore bien sûr ou en était l’état de la déforestation au Maghreb a cette époque, mais notons que les
arabes avaient tout loisir d’acheter des navires en occident, ce qu’ils faisaient couramment. ll y a un article des
consulats de la mer qui traite de l’obligation de rapatriement de l’équipage de conduite qui a livré un navire
catalan dans un port de Berbérie. L’invasion hilalienne l’obsession d’ibn Khaldoun a du jouer un rôle en
épuisant les ressources commercialisables de l’arrière pays. Les incursions normandes et l’envahissement de la
Sicile n’ont en rien arrangé les choses. A ce propos, nous noterons les précautions de style, pour ne pas dire la
langue de bois, d’Edrissi qui chaque fois qu’il note la présence normande dans un port, tel que Bône, est bien
forcé de constater également qu’il fut mais n’est plus un grand port de commerce intrer-musulman . Il évite
soigneusement d’évoquer une quelconque relation de cause a effet. Il ne faut pas oublier qui l’emplois et le
nourrit. Sans doute aussi le la présence des almoravides en Espagne n’a pas facilite le commerce , c’étaient des
religieux intégristes et des guerriers, et enfin l’habitude des puissants d’intervenir dans le commerce maritime en
période faste,( il faut voir dans la Geniza comment les commerçants considèrent qu’embarquer sur le bateau du
sultan est un avantage ), pour se tourner vers d’autres sources de profit en période de crise, cette spéculation n’a
pas aidé à développer une classe armatoriale qui a fait la fortune des républiques italiennes
Edrisi est né vers 1100, il fait ses études à Cordoue, et voyage en Asie mineure. Vers
1116-1117 il est embauché par Roger, roi normand de Sicile, il va diriger une équipe de voyageurs
pour rédiger cet ouvrage qui sera terminé, d’après son introduction en 1154
78. Il compose un
second ouvrage de géographie pour le fils de Roger, Guillaume, mais cet ouvrage qui a inspiré
Aboulfeda, géographe important du XIV
esiècle que nous citerons parfois s’est perdu. Il est
communément admis que Roger s’intéressait particulièrement à la géographie de même
qu’Edrisi qui en était passionné. Edrisi est d’origine chérifienne, c’est un descendant des rois
du Maroc de la dynastie des Idrissides et, en tant que tel, descendant du prophète. C’est donc
un personnage considérable et très en vue aux yeux des Marocains. Cet honneur, Edrisi s’en
serait bien passé, car il n’est passionné que de son sujet et il se désintéresse totalement de la
politique. Roger lui fait remarquer que, malgré cette position personnelle, la politique ne se
désintéressera pas de lui. Avec une telle ascendance, il sera pris comme symbole, malgré lui,
par l’une ou l’autre faction, et mêlé nolens volens à des luttes politiques. Cette position
d’enjeu finira obligatoirement par lui causer de gros ennuis et sans doute causera sa perte,
promis, par destination, à être assassiné par l’un ou l’autre camp. Bref, Roger finit par le
convaincre de rentrer à son service et à se dédier tout à sa passion avec des moyens
gigantesques et complètement à l’écart des contingences de ce monde, ce qui était, dans son
for intérieur, son vœu le plus cher. C’est ainsi qu’il a à sa disposition tout un réseau
d’informateurs qu’il peut interroger tout à loisir ou même envoyer sur place à fin de
vérification. Il va travailler à cette œuvre toute sa vie active, soit plus de 40 ans. Le coté
sombre de son choix est qu’il sera désormais complètement ignoré de la communauté lettrée
musulmane qui le considère comme un renégat et il ne figure dans aucun des dictionnaires
biographiques des auteurs, ouvrages courants de la littérature musulmane. On est en droit de
penser que Roger, un lettré dont la recherche constante d’un syncrétisme véritable entre les
deux cultures de son royaume est bien connue, patronne cette œuvre, un peu comme un
despote éclairé avant l’heure, mais on peut aussi subodorer, connaissant l’histoire de son
règne, qu’il ne perd jamais de vue l’intérêt stratégique d’une telle mine d’information, avec
l’idée d’une action concrète en Méditerranée, soit contre l’Afrique du Nord, ce qui va se
produire, en effet, soit contre Byzance, ce qui semble être une seconde nature chez tous les
Normands du Sud de l’Italie. Quoiqu’il en soit, à sa lecture, son livre apparaît comme étant un
guide particulièrement détaillé et utile à tout envahisseur par terre et surtout par mer, et c’est
78
Edrissi Description de l’Afrique et de l’Espagne Traduit par R.Dozy et M.J. De Goeje, première édition,
1866 ; Réimpression anastatique Leiden 1968.
ici qu’il nous intéresse particulièrement. Roger avait paré à toute éventualité et l’ouvrage
couvre toutes les côtes de l’Afrique du Nord de Safi à Damiette et à la Palestine.
Entendons bien, Edrisi dans cet ouvrage n’est pas un géographe scientifique, il n’a rien d’un
mathématicien, encore que, par ailleurs, il se soit révélé être un cartographe éminent. Dans
cet ouvrage, il ne s’agit que de géographie purement descriptive. Mais il est intéressant pour
trois raisons : d’abord, c’est une autorité morale, c’est un descendant du prophète et, à ce
titre, il reçoit toute l’attention sincère et les informations de tous les voyageurs et capitaines
musulmans qu’il a bien voulu interroger, d’autre part, Roger lui a offert des moyens
considérables, enfin il a consacré sa vie a son œuvre. A ces divers titres il a pu rassembler
Dans le document
Les nouvelles méthodes de navigation durant le Moyen Age
(Page 83-86)