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8.2 Structure du noyau de 15 F

8.2.5 Shift de Thomas-Ehrmann

Les noyaux miroirs sont d´efinis comme deux noyaux ayant un nombre total de nucl´eons A identique, mais o`u le nombre de protons de l’un est ´egal au nombre de neutrons de l’autre et inversement. En raison de la sym´etrie de charge de l’interaction forte, le spectre ´energ´etique est quasiment identique entre ces deux noyaux, ce qui permet d’estimer la structure des niveaux d’un noyau `a partir des caract´eristiques de son partenaire miroir. Ce proc´ed´e est notamment appliqu´e dans le cas des noyaux ”riches en protons” (Z ≥ N) difficiles `a peupler, o`u leur structure (´etats, configurations) est estim´ee `a partir des parte- naires miroirs (N ≥ Z) plus faciles `a ´etudier.

Cependant, pour ces noyaux ”riches en protons” l’´equivalence entre les propri´et´es des noyaux miroirs ne se v´erifie pas tout le temps : un d´ecalage de 700keV a ´et´e observ´e entre les ´energies des premiers ´etats excit´es du13N et du13C, abaissant le niveau du13N. Cet ef-

fet a ´et´e retrouv´e chez plusieurs partenaires miroirs dont l’isotope riche en protons se situe `a proximit´e ou au del`a de la drip-line, comme le couple 11Be - 11N ([Aoy98]). Etudi´e par

Thomas et Ehrmann ([Tho52], [Ehr51]) et baptis´e shift deThomas-Ehrmann, ce ph´enom`ene est g´en´eralement vu comme l’impact de l’asym´etrie entre un noyau li´e et son partenaire non-li´e : lorsque le partenaire riche en proton est non-li´e ou faiblement li´e, le proton de va- lence dispose d’une probabilit´e plus grande de se situer loin du noyau. Cet effet induit une r´eduction de l’´energie coulombienne et l’´etat apparaˆıt plus bas que l’´etat miroir neutron li´e. Ce ph´enom`ene est d’autant plus visible que la barri`ere centrifuge est faible, ce qui est le cas des protons dans la couche s.

Le couple 15C - 15F entre dans le cadre d’un important shift de Thomas-Ehrmann.

Ce d´ecalage peut ˆetre appr´eci´e lorsque l’on trace le sch´ema de niveaux de ces noyaux en corrigeant la diff´erence d’´energie nucl´eaire entre les ´etats fondamentaux, comme donn´e en figure 8.6. Cette ´energie nucl´eaire EN est d´efinie comme :

EN = M (A, Z) − Z × mp− (A − Z) × mn− EC (8.18)

Avec mn et mp masse du neutron et du proton respectivement, et EC´energie coulombienne

d´efinie par :

EC = 0.6

Z(Z − 1)

A1/3 en MeV (8.19)

Sur ce sch´ema, on s’attendrait `a avoir deux sch´emas de niveaux identiques puisque l’´energie coulombienne a ´et´e soustraite. Cependant, nous observons que le fondamental du

15F a ´et´e largement abaiss´e par rapport `a celui du 15C, et qu’il en est de mˆeme pour les

´etats excit´es. Ce shift repr´esente le shift de Thomas-Ehrmann et vaut environ 1.27 MeV, soit une des plus fortes valeurs connues. Nous remarquons ´egalement que la valeur du shift est beaucoup plus petite pour le premier ´etat excit´e comparativement `a celle de l’´etat fon- damental. Ce ph´enom`ene est expliqu´e par la structure des ´etats : l’´etat fondamental est d´ecrit sous la forme d’un coeur14O auquel s’ajoute un proton dans la couche 2s1/2, donc

disposant d’un moment angulaire l=0. Il est donc extrˆemement sujet `a un shift de Thomas- Ehrmann. A contrario, le premier ´etat excit´e est caract´eris´e par un proton de valence 1d5/2

Fig. 8.6 –Sch´ema des niveaux du15C et du15F. L’´energie entre crochets repr´esente la diff´erence

d’´energie nucl´eaire par rapport `a l’15N.

(donc l=2), il est donc soumis `a une barri`ere centrifuge qui empˆeche le proton de diffuser `a grande distance. Le shift est donc moins important que pour l’´etat fondamental. Pour le deuxi`eme ´etat excit´e, la valeur faible du d´ecalage par rapport `a l’´etat fondamental se justifie par la structure diff´erente de l’´etat (essentiellement 13N+2p).

D’autres hypoth`eses pour expliquer l’origine du shift de Thomas-Ehrmann ont ´egalement ´et´e envisag´ees. Ogawa et al. [Oga99] sugg´er`erent que de tels d´ecalages s’expliquent aussi par le comportement de l’interaction nucl´eaire r´esiduelle (RNI) : lorsqu’un nucl´eon est d´ecrit par une fonction d’onde faiblement li´ee (fonction d’onde s notamment), celle-ci s’´etend spatialement `a grande distance. Or, l’interaction nucl´eaire ´etant une interaction `a faible port´ee, son influence sur une onde faiblement li´ee est limit´ee, ce qui affaiblit ainsi l’influence de l’interaction nucl´eaire r´esiduelle (RNI).

Afin d’´etudier l’impact de la RNI, Ogawa et al. r´ealis`erent une ´etude des shift de Thomas-Ehrmann sur les noyaux proches de l’16O `a partir d’un mod`ele ph´enom´enologique.

Pour le 15C et le 15F, ils obtinrent respectivement une ´energie de 563 keV et 1.30 MeV

pour le premier ´etat excit´e (figure 8.7). Un shift de 863 keV a ´et´e estim´e entre les ´etats, ce qui est surestim´e par rapport `a notre mesure (540 keV). Les auteurs interpr`etent cette diff´erence comme la cons´equence d’une surestimation de l’´energie de l’´etat fondamental du

15C, indiquant l’absence d’un ”effet additionnel” pour d´ecrire le comportement du neutron

1s1/2, qu’ils ne peuvent expliquer.

Nous avons calcul´e l’´evolution du shift de Thomas-Ehrmann en fonction des ´energies de s´eparation proton ou neutron associ´ees au couple15C -15F. Pour ceci, nous avons utilis´e le

code DWU afin de calculer la position et la largeur des ´etats du 15F `a partir du potentiel

estim´e pour le 15C, pour toute valeur de S

n, puis en avons d´eduit de nouvelles valeur pour

Fig. 8.7 – Spectre d’´energie mesur´e (`a droite) et calcul´e par Ogawa [Oga99] (`a gauche) pour le

15C et le 15F.

conduit aux observations suivantes :

– Le shift calcul´e est plus petit pour le premier ´etat excit´e que l’´etat fondamental, en accord avec les observations exp´erimentales.

– Le shift n’est pas constant avec Sn mais pr´esente un maximum pour Sn ≈ 1.1 MeV,

correspondant `a Sp ≈ 1.3 MeV (soit `a peu pr`es les ´energies exp´erimentales). Nous

n’avons pu expliquer ce comportement.

– Le shift tend `a s’annuler lorsque le 15C devient non li´e ou que le 15F devient li´e. Il

est donc bien li´e aux diff´erences de caract`ere (li´e/non li´e) entre les noyaux miroirs, et donc `a leur asym´etrie.

En conclusion, avec cette ´etude simple, nous avons pu mettre en avant `a quelques pro- pri´et´es du shift de Thomas-Ehrmann.

C (MeV) 15 pour le neutron du n S -4 -3.5 -3 -2.5 -2 -1.5 -1 -0.5 0 Shift de Thomas Erhman estime (MeV) 0.2

0.4 0.6 0.8 1 1.2 1.4 n

Evolution du T.E.R. en fonction de S

fondamentaux

premiers etats excites

F (MeV) 15 pour le proton du p S -1 -0.5 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 Shift de Thomas Erhman estime (MeV) 0.2

0.4 0.6 0.8 1 1.2 1.4 p

Evolution du T.E.R. en fonction de S

fondamentaux

premiers etats excites

Fig.8.8 – A gauche : Evolution du shift de Thomas-Ehrmann entre le15C et le15F, en fonction

de l’´energie s´eparation neutron du15C pour les ´etats fondamentaux (en bleu) et les premiers ´etats excit´es (en rouge). A droite : Id. pour l’´energie de s´eparation proton du 15F.