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Seuil d’éveil

Partie I. Physiopathologie et pharmacologie des apnées du sommeil

1. Syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS)

1.3. Seuil d’éveil

Les apnées ou hypopnées du sommeil se terminent fréquemment par un micro-éveil,

qui permet d’activer les muscles dilatateurs du pharynx et de rouvrir les VAS. Dans

d’autres cas, lorsque les muscles du pharynx parviennent à s’activer spontanément

par un réflexe pharyngé, les troubles respiratoires peuvent se terminer sans

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éveil [60]. Cette deuxième situation est plus favorable, car la présence d’un réveil en

fin d’apnée a tendance à provoquer une hyperventilation, donc une diminution de la

PaCO2. Si celle-ci atteint le seuil d’apnée, la respiration risque d’être déstabilisée et de

devenir périodique avec la répétition de la séquence

apnée-réveil-hyperventilation-apnée. Or certains patients souffrent d’un abaissement du seuil d’éveil. La moindre

obstruction au niveau de la gorge entraîne un micro-éveil, favorisant ainsi une

respiration instable.

Certains sédatifs, non myorelaxants, pourraient permettre d’augmenter le seuil

d’éveil. Les données sont néanmoins contradictoires et le lien entre augmentation du

seuil d’éveil et diminution de la sévérité des apnées obstructives n’est pas

formellement établi. Ainsi, aucun médicament susceptible d’augmenter le seuil d’éveil

n’a montré de réduction significative de l’IAH dans une vaste méta-analyse en

réseau [16]. Au contraire, l’utilisation de myorelaxants ou d’hypnotiques à longue

demi-vie d’élimination, à fortes doses et au long cours, pourrait induire ou aggraver des

apnées du sommeil chez certains phénotypes de patients.

1.3.1. Mécanismes GABAergiques

L’acide γ-aminobutyrique, ou GABA, est le principal neuromédiateur inhibiteur du

système nerveux central. Il exerce ses effets biologiques par l’intermédiaire de deux

types de récepteur, GABAA et GABAB. Le premier est directement associé à un canal

chlore, alors que le second est indirectement couplé à un canal cationique. Le

récepteur GABAA présente un site de fixation pour les benzodiazépines. Plusieurs

d’entre elles ont fait l’objet d’essais chez les patients atteints de SAOS. Même si

certains auteurs montrent une augmentation du seuil d’éveil de l’ordre de 20 % [61],

les résultats de l’ensemble de ces essais sont non significatifs en termes d’IAH

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(figure 6) : flurazépam [62, 63], brotizolam [63], triazolam [61], nitrazépam [64] et

témazépam [65–67].

Le groupe des apparentés aux benzodiazépines ou « Z-drugs » présente l’avantage

d’une demi-vie d’élimination plus courte. Ces médicaments partagent néanmoins

toutes les propriétés des benzodiazépines (hypnotiques, anxiolytiques,

myorelaxantes, amnésiantes et antiépileptiques). Même si certains auteurs suggèrent

l’absence d’effet délétère [67, 68], les données disponibles chez les patients atteints

de SAOS ne montrent pas d’amélioration significative en termes de sévérité des

apnées (figure 6), que ce soit pour le zolpidem [69, 70] ou la zopiclone et son isomère

[67, 71–74], malgré une augmentation du seuil d’éveil de 20 à 30 %.

De plus, les risques encourus pendant et à l’arrêt du traitement par benzodiazépines

ou apparentés incluent : baisse de vigilance diurne avec somnolence, chutes,

altération des performances cognitives à court terme, troubles du comportement,

tolérance pharmacologique, dépendance psychique et physique, mais aussi

insuffisance respiratoire aiguë en cas de trouble chronique de ventilation, risque

majoré chez le sujet âgé et en cas d’insuffisance hépatique et/ou rénale. Globalement,

la balance bénéfices-risques de l’utilisation des benzodiazépines et apparentés dans

le traitement des apnées obstructives du sommeil apparaît négative en population

générale, d’autant qu’il s’agit d’une maladie chronique nécessitant une prise en charge

au long cours.

D’autres médicaments GABAergiques, susceptibles d’augmenter le seuil d’éveil, ont

fait l’objet d’essais chez les patients atteints de SAOS, dont l’oxybate de sodium. Un

premier essai, portant sur 42 patients, a montré une tendance non significative à

l’amélioration de l’IAH par rapport au placebo [69], alors qu’une deuxième étude,

réalisée par la même équipe, a permis d’atteindre le seuil de significativité

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(-8,2 événements/h) [75]. Néanmoins dans le même temps, une augmentation

significative du nombre d’apnées centrales était retrouvée chez 3 patients, suggérant

une forte variabilité interindividuelle de la réponse [69].

Par ailleurs, la tiagabine [76], un inhibiteur de la recapture du GABA, n’a pas montré

d’amélioration de la sévérité du SAOS chez 14 patients traités. Au contraire,

l’administration d’une dose unique de 300 mg de gabapentine, un analogue du GABA,

a induit une augmentation significative de 84 % de l’IAH chez 8 volontaires sains de

plus de 60 ans [77].

1.3.2. Autres mécanismes

Un seul antidépresseur sédatif, la trazodone, a fait l’objet d’études de bonne qualité

méthodologique dans la prise en charge du SAOS. Une fois encore, les résultats sont

contradictoires. Une première étude a conclu à l’absence d’amélioration de l’IAH,

malgré une augmentation significative du seuil d’éveil de l’ordre de 30 % [78]. Au

contraire, une autre équipe a montré une réduction significative de la sévérité des

apnées de l’ordre de 26 %, sans modification du seuil d’éveil [79].

Enfin, ni le rameltéon [80], un agoniste des récepteurs de la mélatonine, ni la

mélatonine elle-même [81], n’ont montré d’amélioration significative de l’IAH.

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En résumé, les résultats de la stratégie pharmacologique visant à augmenter le seuil

d’éveil sont pour la plupart non significatifs et parfois contradictoires (figure 6). Les

fortes variabilités interindividuelles observées au cours d’une même étude, laissent

penser que certains phénotypes de patients avec un seuil d’éveil abaissé pourraient

bénéficier d’une prise en charge médicamenteuse, quand d’autres au contraire

pourraient être aggravés. Au vu des risques d’insuffisance respiratoire aiguë associée

notamment à l’usage des benzodiazépines ou de l’oxybate de sodium, cette stratégie

semble inenvisageable en population générale. Ainsi en France, les benzodiazépines

sont contre-indiquées en cas de SAS.

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