• Aucun résultat trouvé

L’aluminium est l’un des métaux les plus faciles à oxyder [7]. Cette caractéristique en fait d’ailleurs un élément très utilisé en tant que combustible, par exemple, dans les boosters de fusée [4]. Cette faculté à former rapidement un oxyde, que ce soit en milieu aqueux ou aéré, est dû à son potentiel standard très électronégatif qui vaut -1,66 V/ENH (ENH = Electrode Normale à Hydrogène). Lors de la mise en contact du métal avec un milieu oxydant, un film d’oxyde passif, principalement de l’alumine Al2O3 amorphe très adhérent, se crée en surface [4]. Ce film d’oxyde d'aluminium d'une épaisseur de 2 à 4 nm [8] concentre une quantité importante de microfissures du fait de sa dureté élevée et de sa fragilité [9]. Cependant, ce film a tendance à s'hydrolyser en milieu humide ce qui engendre la formation d'une seconde couche d'oxyde hydraté en surface (Al2O3, 3H2O et AlOOH, H2O). L'ensemble des deux couches protège l'aluminium de l'environnement externe agressif. Cependant, cet oxyde ainsi créé n’est stable et ne confère un effet barrière au métal que dans une certaine gamme de pH (à pH neutre : 4 <

pH < 9) [10,11]. Le diagramme de Pourbaix de l’aluminium dans l’eau à 25°C présenté sur la Figure I.1 [10,11] donne des informations sur les différents états de l’aluminium en fonction du potentiel et du pH.

Figure I.1 – Diagramme de Pourbaix de l’aluminium dans l’eau pure à 25°C

Trois états se distinguent sur le diagramme de Pourbaix de l’aluminium :

o Un état dans lequel le métal est sujet à la corrosion. Il s’agit de la dissolution du métal au cours de laquelle l’élément Al s’oxyde à l’état +III. Ce phénomène de corrosion se trouve à des valeurs de pH inférieures à 4 pour lesquelles l’aluminium est présent sous forme de cation Al3+ :

𝐴𝑙 + 3𝐻+ → 𝐴𝑙3++ 3 2⁄ 𝐻2 Eq. I.1

Il apparaît également à des valeurs de pH supérieures à 9 pour lesquelles l’aluminium est présent sous forme anionique AlO2- :

𝐴𝑙 + 𝐻2𝑂 + 𝑂𝐻 → 𝐴𝑙𝑂2+ 3 2⁄ 𝐻2 Eq. I.2

o Le domaine de passivation est compris entre des valeurs de pH de 4 à 9. Dans ce

o Enfin, le domaine d’immunité traduit la stabilité de l’aluminium au degré d’oxydation zéro. Il s’agit d’un domaine impossible à atteindre en solution aqueuse car il nécessite des valeurs de potentiel très négatives.

ii.Alliages d’aluminium

Dans le cas des alliages d’aluminium et plus particulièrement de l’alliage AA2024-T3, les particules intermétalliques formées lors du traitement thermomécanique tendent à diminuer la résistance à la corrosion localisée. De nombreux travaux de recherche ont été réalisés pour comprendre les raisons de cette sensibilité à la corrosion. En 1995, Buchheit [12] a recensé toutes les valeurs de potentiel de corrosion précédemment reportées dans la littérature de ces phases secondaires dans le cas des alliages d’aluminium de type Al-Cu. Une partie de ces valeurs est présentée dans le Tableau I.5 et correspond à une mesure du potentiel des particules en milieu agressif oxydant (53 g/L de NaCl avec 3 g/L de H2O2) [13]. Ces données permettent de souligner le comportement cathodique ou anodique des particules intermétalliques en fonction de leur composition chimique. Cela suppose qu’elles vont donc avoir une grande influence sur les microcouplages galvaniques présents en surface de l’alliage ou à cœur. Ces microcouplages sont souvent à l’origine de corrosion localisée [14].

Tableau I.5 – Potentiel de corrosion de quelques particules intermétalliques présentes dans l'alliage 2024-T3 dans une solution corrosive composée de 53 g/L de NaCl avec 3 g/L de

H2O2 (ASTM G69) [13]

Particules intermétalliques Potentiel de corrosion (en V/ECS)

Particules

Buchheit et al. [3,15] ont également évoqué un phénomène de "déalliation" (de l'anglais

"dealloying") prenant place au niveau des particules intermétalliques moins nobles que la matrice. Une illustration de ce phénomène est présentée sur la Figure I.2. Il s'agit en fait d'une

dissolution préférentielle de l'élément Mg et, dans une moindre mesure, de Al, au niveau des particules Al2CuMg. Comme vu précédemment (cf. Tableau I.4), ces particules sont prépondérantes en nombre et en fraction surfacique dans l'alliage 2024-T3. La déalliation conduirait ensuite à la formation de particules poreuses enrichies en élément Cu et ayant un comportement plus cathodique que l'aluminium.

Figure I.2 – Mécanisme de déalliation des particules intermétalliques Al2CuMg [15]

Des micro-couplages galvaniques se forment entre les particules au comportement cathodique (naturellement cathodiques ou après déalliation) et la matrice aluminium et mènent à la dissolution de la matrice d'aluminium telle que présentée par le mécanisme de la Figure I.3.

L'alliage AA2024-T3 est très sensible à la corrosion par piqûre. En effet, cette forme de corrosion s'amorce et se propage plus facilement en présence de particules cathodiques.

Dépôt de Cu

Cu2+ + 2é -> Cu

AA2024

Zone déalliée

Al + 3H2O -> Al(H)3 + 3H+ + 3é Mg + 2H2O -> Mg(OH)2 + 2H+ + 2é

Piqûre secondaire

Amas de Cu

Cu -> Cu2+ + 2é

Cu2+ + 2H2O -> Cu(OH)2 + 2H+ Gel d’oxyde

d’aluminium hydraté

Al2CuMg

Figure I.3 – Proposition de mécanisme de la piqûration d’alliage d’aluminium [5]

Ce mécanisme de corrosion, plutôt complexe, a été décrit en dix étapes par Reboul et al. [5]. Cependant, deux grandes phases se distinguent : l’amorçage et la propagation [16,17] :

* Amorçage de piqûre : La phase d’amorçage correspond à l’adsorption des ions Cl- en surface du film d’oxyde d’aluminium principalement au niveau des défauts. Des travaux de Szklarska-Smialowska [6] ont montré que la surface d’un oxyde est en effet hétérogène et qu’elle présente donc plusieurs sites d’adsorption avec des énergies différentes. Seulement quelques-uns de ces sites permettent réellement l’adsorption des espèces agressives. Ces ions agressifs vont ensuite migrer et diffuser à travers le film d’oxyde jusqu’à l’interface avec le métal [18]. La migration est plus ou moins favorisée en fonction du pH local. En effet, en-dessous d’une certaine valeur de pH (pH correspondant au potentiel de charge nulle et qui vaut 9,5 dans le cas de l’oxyde d’aluminium [19,20]), les ions Cl- sont électrostatiquement attirés. Il se produit alors, dans le temps, la rupture locale du film d’oxyde et le substrat est mis à nu.

* Propagation de piqûre : La propagation d’une piqûre suit une série de réactions électrochimiques. Il s’agit de réactions d’oxydoréduction avec transfert d’électrons (perte d’électron à l’anode (fond de piqûre) et gain d’électron à la cathode). En fond de piqûre, il y a dissolution de l’aluminium par la réaction d’oxydation suivante (Eq. I.4) :

𝐴𝑙 → 𝐴𝑙3++ 3𝑒 Eq. I.4

Les ions Al3+ réagissent avec les ions Cl- pour former un complexe chloruré AlCl4- en fond de piqûre. L’hydrolyse de ce complexe engendre la production de protons et donc la chute du pH

Cu

-(compris entre 1 et 3) ce qui entretient voire accentue la propagation [21]. En parallèle, à la surface de la piqûre, un transfert d’électrons vers les particules intermétalliques cathodiques s’effectue selon deux types de réactions cathodiques (Eq. I.5 et I.6) :

3𝐻+ + 3𝑒 → 3 2⁄ 𝐻2 Eq. I.5 3⁄ 𝑂2 2+ 3𝑒 → 6𝑂𝐻 Eq. I.6

Il y a alors augmentation du pH et ce milieu de plus en plus alcalin entraîne la précipitation des ions Al3+ à l’extérieur de la piqûre. En effet, ces ions Al3+ s’hydrolysent au contact de l’électrolyte (plus précisément au contact de l’eau) pour former des ions Al(OH)2+ et précipitent sous forme d’amas d’Al(OH)3. Le dépôt de cet hydroxyde d’aluminium peut obstruer l’ouverture de la piqûre et ralentir ou arrêter le processus de corrosion [5].

Les modes de corrosion de l’alliage 2024-T3 ayant été décrits, de nombreux travaux se sont consacrés à diminuer sa sensibilité à la corrosion.

Documents relatifs